Kinshasa est saturée. La capitale de la République démocratique du Congo compterait actuellement environ 12 millions d’habitants selon les chiffres avancés par les autorités urbaines. À l’instar des grandes villes africaines, Kinshasa est confrontée au manque de logements et d’abris décents pour ses populations. Depuis une dizaine d’années, la capitale vit un boum immobilier. Le marché immobilier a le vent en poupe mais tout se passe dans un désordre urbanistique qui ne dit pas son nom. Des promoteurs immobiliers, nationaux et étrangers, construisent des immeubles modernes à côté des pavillons, voire des taudis. Parallèlement, l’État, en partenariat public-privé avec des sociétés étrangères, notamment chinoises, a construit des logements sociaux pour satisfaire la demande de logements. Mais l’achat et/ou la location de ces appartements modernes ne sont pas à la portée du Congolais lambda qui a un revenu mensuel de 100 dollars.
Éléphants blancs
D’ailleurs, la plupart de ces habitations en hauteur construites sur l’ancienne pépinière des maraîchères dans la commune de Bandalungwa et sur le terrain de la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) sont inoccupées faute de clientèle, à cause de leur coût jugé excessif. Par exemple, un appartement à l’achat coûte 150 000 à 350 000 dollars selon l’espace et le confort, tandis qu’à la location, le loyer varie de 1 500 à 2 500 dollars. Les Kinois, dont le sens de l’humour est légendaire, les qualifient d’« éléphants blancs », ne s’empêchant pas de dire qu’ils finiront par les occuper sans le moindre frais.
Selon des estimations des experts, la demande annuelle de logements sociaux en RDC est de 2 500 en moyenne. Certaines études estiment le déficit en logements sociaux à plus de 12 millions. Les demandeurs se tournent vers le marché informel et la construction de leur propre logement. C’est pourquoi, à Kinshasa, plus de 70 % des résidents vivent dans des habitats informels. La concentration humaine dans des quartiers construits à l’époque coloniale et dans les années de l’immédiat après – indépendance a provoqué une hausse de l’immobilier, et des restrictions cadastrales et légales, ainsi que le faible pouvoir d’achat de la majorité des Congolais limitent l’acquisition des terrains pour le logement. Pourtant, dans un pays de la taille de la RDC, avec une superficie de 2 345 409 km², l’État devrait envisager de démocratiser l’acquisition des terres à moindres frais, voire à les distribuer gratuitement. En effet, pour la mise en valeur de son espace, la RDC a bien besoin de beaucoup de bras. Avec une population de moins de 100 millions d’habitants, elle n’y parviendra pas, soutiennent des démographes.
Le gouvernement devrait également s’inspirer de l’expérience des pays qui ont tenté d’aider les pauvres en subventionnant la construction, en proposant des encouragements fiscaux aux promoteurs, ou en construisant des logements publics, même si les effets de ces mesures sont minimes. Les coûts de la construction sont très élevés : le ciment, la caillasse, le fer, la quincaillerie et d’autres matériaux sont souvent importés, ce qui met les logements à des prix inabordables. Par exemple, le coût de construction d’une maison de trois chambres, salon, cuisine et douche, avec un confort intermédiaire, varie entre 10 et 20 000 dollars, sans compter l’achat du terrain. La plupart des nouveaux logements vont aux nantis, sinon aux ménages à revenu intermédiaire. La conséquence est la rapide extension des habitats informels, un problème majeur pour les villes africaines en croissance. Un expert de ville explique que le manque de lotissements abordables dotés de services et les politiques empêchent souvent les pauvres de s’intégrer au développement urbain et les laissent dans des bidonvilles, tant en périphérie qu’au cœur des grandes villes. Officiellement, le gouvernement s’emploie depuis 2001 à améliorer le cadre de vie et les conditions sociales des Congolais. Le président de la République, Joseph Kabila en fait une préoccupation nationale majeure.