C’est désormais officiel ! La République démocratique du Congo est membre « associé » du Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (GABAC). L’institution a été créée en décembre 2000 à l’initiative des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEMAC). Mus par la volonté politique d’insérer cette partie du continent dans la dynamique internationale de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il faut dire que l’Afrique centrale est dans le viseur des organismes internationaux de lutte contre la corruption comme étant une région où bon nombre de capitaux douteux atterrissent pour être blanchis.
L’adhésion de la RDC au GABAC a été confirmée lors de la 31è session ordinaire du conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC), dont les travaux ont eu lieu (14-15 février) à Djibloho, en Guinée équatoriale. La demande a été introduite le 5 septembre 2016 à Douala par l’ancien vice-ministre aux Finances, Albert M’Peti Biyombo. En validant cette demande, le conseil des ministres de l’UEAC donne mandat au président de la commission de la CEMAC, Pierre Moussa, de conclure « un accord conférant à la RDC la qualité de membre associé du Groupement contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale ». Le GABAC coordonne, dynamise et évalue les actions entreprises au sein des États (Cameroun, Gabon, Tchad, Guinée équatoriale, Centrafrique, Congo). État d’Afrique centrale n’ayant pas le FCFA pour monnaie locale, la RDC n’est pas automatiquement éligible pour faire partie de la CEMAC. Cependant, face à l’ampleur du blanchiment d’argent dans la sous-région, dont elle est victime, la RDC a été obligé de solliciter cette adhésion.
Sur le plan interne, la lutte contre ce phénomène s’organise autour de la circulaire n°282 du 5 mars 1999 de la Banque centrale du Congo (BCC), relative au mouvement des billets de banque en monnaies étrangères et au transport des fonds sur le territoire congolais, ainsi qu’autour de l’action de la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF). Les services publics commis aux frontières ont le pouvoir de saisir des sommes importantes d’argent conformément à l’article 48 de la loi n°04/016 du 19 juillet 2011, portant lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette loi modifie et complète l’ordonnance-loi n°67/272 relative aux pouvoirs réglementaires de la BCC, en ce qu’elle permet à la CENAREF d’infliger aux contrevenants des peines d’amende, dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme blanchie.
Cependant, ces dispositions légales ne sont pas parfois bien comprises par les agents de l’État commis à la frontière. C’est ainsi qu’en collaboration avec l’Association congolaise des banques (ACB), la CENAREF organise des campagnes de vulgarisation de la circulaire n°282 sur l’exportation et l’importation physiques des billets de banque libellés en monnaies étrangères et au transport des fonds sur le territoire congolais.
Infraction en cas de recel présumé
En effet, l’ACB se plaint souvent du fait que ses membres se voient saisir l’argent aux frontières malgré les autorisations et les agréments de la BCC. D’où l’importance d’expliquer le vrai sens de cette circulaire. Qui dispose que le transport des monnaies étrangères et de la monnaie nationale à l’intérieur du pays est libre. Il s’agit surtout des fonds dont « la détention est justifiée ».
Par détention justifiée, il faut entendre les fonds détenus par les banques et les institutions financières agréées par la BCC comme les messageries financières, les bureaux de change, les caisses d’épargne et les sociétés de micro finance. Il faut aussi entendre par fonds dont la détention est justifiée, non seulement toute somme que l’on peut acquérir par le biais d’une transaction licite, mais également toute somme que l’on détient en vertu ou en raison de sa charge. À la CENAREF, on fait remarquer que la détention et la garde par devers soi des fonds honnêtement gagnés ne sont pas infractionnelles car le législateur congolais n’incrimine pas la thésaurisation : « Cette détention devient infractionnelle en cas de recel présumé ou établi de cet argent, en cas de fraude ou de tentative de fraude fiscale ou douanière établie ou présumée, en cas d’un transport d’argent issu du trafic de drogue, en cas de découverte d’importantes sommes d’argent dans le véhicule du prévenu sans attestation de convoyage ». Ou encore en cas de découverte de l’argent dissimulé dans une cache aménagée, en cas de l’omission de déclaration des ressources, en cas de perception des recettes occultes, en cas de la présence des doses élevées de cocaïne sur tous les billets d’argents, en cas des relations régulières signalées entre le détenteur, les terroristes et les trafiquants de drogue, en cas de l’incapacité pour le détenteur à justifier l’origine d’importantes sommes d’argent trouvées sur lui.
Mais dans quels cas, les services de l’État peuvent-ils procéder aux saisies ? « C’est notamment dans le cas où les personnes approcheraient les zones frontalières en possession des sommes d’argent de plus de 10 000 dollars. Ce sont ces personnes qui peuvent être interpellées et qui doivent, elles-mêmes, justifier de la bonne origine licite de leurs fonds », souligne-t-on à la CENAREF. Et la saisie ne doit pas se faire tout simplement parce qu’il y a un volume important d’argent. « Cette saisie doit se faire plutôt si la personne n’arrive pas à justifier l’origine de cet argent et qu’aux frontières elle n’est pas en possession d’une attestation de convoyage », insiste-t-on.