L’armée américaine a annoncé, jeudi 13 avril, avoir largué une bombe GBU-43/B, connue sous l’acronyme MOAB (Massive Ordnance Air Blast, mais aussi « mère de toutes les bombes »), sur un ensemble de tunnels de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) dans l’est de l’Afghanistan.
A un moment où Donald Trump fait volte-face en matière de politique internationale, rompant avec son discours isolationniste de la campagne − frappe contre le régime d’Al-Assad en Syrie, envoi d’un porte-avions au large de la péninsule coréenne, avertissements à l’encontre de Pyongyang − ce bombardement a conduit la presse américaine à s’interroger tout à la fois sur la stratégie que veut poursuivre le président des Etats-Unis contre l’EI et sur l’éventuel message qu’il aurait pu vouloir « faire passer » à certains Etats (Corée du Nord, Iran) à cette occasion.
La promesse d’un plan pour vaincre l’EI
The Hill rappelle les propos du général Nicholson, commandant des forces américaines en Afghanistan, qui font écho à ceux du président : « Le président Trump avait déclaré que lorsqu’il serait élu, il allait “défoncer” l’Etat islamique. C’était sa promesse et c’est ce que nous sommes en train de faire. »
Le site d’information Axios mentionne toutefois qu’à l’approche du centième jour de sa présidence, M. Trump n’a toujours pas réalisé une de ses promesses : à la fin de janvier, il avait donné jusqu’à la fin de février à ses responsables militaires pour lui présenter un plan « pour vaincre » l’EI.
Le site Airwars qui évalue l’impact des bombardements de la coalition contre l’EI en Irak, en Syrie et en Libye constate une intensification des bombardements contre le groupe djihadiste depuis le début de l’année. « Le nombre de munitions larguées au cours du premier trimestre 2017 est en augmentation de 59 % par rapport au 1er trimestre 2016 », écrit-il. Ceci est d’autant plus vrai que les responsables militaires américains sur le terrain peuvent recourir plus facilement à des frappes aériennes que sous l’administration Obama, souligne le New York Times.
Quelle vision sur l’Afghanistan ?
Le NYT relève la concomitance entre ce raid en Afghanistan et l’augmentation des pertes alliées dues aux bombardements de l’armée américaine : jeudi, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient a annoncé que la coalition contre l’EI avait tué par erreur, deux jours auparavant, 18 combattants alliés des Forces démocratiques syriennes dans un bombardement près de la ville de Tabqa.
En tout cas, Donald Trump s’est félicité d’un « nouveau succès » [en Afghanistan], sans préciser s’il avait personnellement approuvé ce bombardement ni s’il était un message envoyé en direction de tel ou tel pays.
Le Washington Post évoque le contexte de l’utilisation de cette bombe : depuis le mois de mars, les forces afghanes et américaines butaient sur cette position de l’EI dans l’est de l’Afghanistan. Un militaire américain y a été tué au début d’avril.
Reste à savoir quelle est la stratégie de l’administration Trump en Afghanistan, poursuit le Washington Post : pendant la campagne de 2016, les candidats ont à peine parlé de la guerre qui s’y déroule. Et le président Trump ne semble pas avoir de plan, même si 8 500 soldats américains y combattent aux côtés des forces afghanes et si le conseiller à la sécurité nationale, le lieutenant général H. R. McMaster, doit s’y rendre prochainement.
« Cela avait un sens contre cette cible »
Il s’agit d’un bombardement presque comme un autre, affirme le site d’information Vox. Il ne faut pas chercher à le surinterpréter : « La MOAB a été utilisée parce que cela avait un sens contre cette cible. »
Rob Farley, un chercheur de l’université du Kentucky, qui étudie l’US Air Force, estime également qu’il n’y a pas de message adressé à la Corée du Nord ou à l’Iran derrière cette frappe.
« Il s’agit d’une arme larguée depuis un C-130, un appareil non furtif, qu’on ne peut considérer comme un avion de combat [c’est un avion de transport]. Ce n’est pas une bombe que l’on peut larguer sur quelqu’un qui dispose d’une défense antiaérienne [comme la Corée du Nord ou l’Iran] ».
Recours accru à la force plutôt qu’à la diplomatie
Politico s’inquiète néanmoins du message qu’envoie l’administration Trump. Les actes du nouveau président – frapper en Syrie, en Afghanistan ou au Yémen – semblent indiquer que Washington met davantage l’accent sur l’action militaire que sur la diplomatie.
« Donald Trump a nommé deux militaires à des postes politiques importants : le secrétaire à la défense, James Mattis, est un général des marines (en retraite) et le conseiller à la sécurité nationale, Herbert Raymond McMaster, est un général d’active », relève le site d’information. Adam Smith, élu démocrate à la Chambre, représentant le 9e district congressionnel de l’Etat de Washington, et membre de la Commission des forces armées explique à Politico que le manque de connaissance de Donald Trump en matière de sécurité nationale et son entourage militaire permettent d’expliquer ce recours accru à la force.