Chaque année, le 17 avril, décrété journée de la lutte paysanne est une occasion de sensibiliser la population aux luttes des paysannes d’ailleurs et d’ici. Les mouvements paysans, grâce à leurs analyses, leurs expériences de mobilisation réussies ou leurs échecs, leurs savoirs engrangés dans une mémoire collective écrite pour certains, dans des traditions orales pour d’autres, donnent à comprendre non seulement quels sont les grands enjeux contemporains en matière de systèmes alimentaire et agricole mais nous livrent également tantôt des pistes très concrètes de changement tantôt des questions auxquelles, du moins actuellement, ils n’ont pas de réponses.
Que ce soit pour faire appel au tribunal en vue de stopper un accord anticonstitutionnel visant l’acquisition massive de terres aux Philippines ou interpeller les décideurs politiques pour un code agricole en République démocratique du Congo ou encore pour que la réforme agraire soit inscrite dans la constitution comme c’est le cas au Brésil, les mouvements paysans nous montrent combien l’enjeu fondamental de la terre, crucial pour lutter contre la faim, nécessite une lutte constante face notamment aux convoitises des grandes entreprises.
Dans le passé, c’est une agriculture au service de l’industrie qui a été privilégiée et ce, au détriment de la paysannerie. Aujourd’hui, ceux qui partagent une vision néolibérale et techniciste continuent à considérer l’agriculture paysanne comme archaïque tout en promouvant les mécanismes de dérégulation économique profitant notamment aux entreprises de l’agrobusiness. Les mouvements paysans ont le mérite de contrebalancer cette affirmation pseudo scientifique en multipliant et diffusant analyses, faits et chiffres prouvant le contraire. Pour les mouvements paysans brésiliens, par exemple, il s’agit aujourd’hui de montrer que le modèle brésilien agro-exportateur coûte plus cher qu’il n’y paraît en termes sociaux, économiques et environnementaux. Soutenue, l’agriculture paysanne est en mesure de lutter efficacement contre la faim, disent les mouvements paysans du monde entier et ils ont raison.
Entraide & Fraternité partage cette analyse : le problème de la faim ne peut se résoudre de façon structurelle (durable dit-on aussi) que par un soutien à l’agriculture paysanne dans le cadre de stratégies globales de souveraineté alimentaire. En effet, les enjeux socioéconomiques contemporains sont de taille : les effets du réchauffement climatique et les fausses solutions du marché de carbone, l’accaparement des terres de ces dernières années – aux dimensions démesurées et incontrôlables -, la dérégulation de l’économie via notamment les traités de libre échange qui se succèdent, l’invasion des marchés par l’agrobusiness… Devant ces enjeux, les mouvements paysans ne restent pas inactifs. Étant donné l’ampleur de ces phénomènes et leurs conséquences sur les populations locales, des alliances se sont créées avec d’autres groupes de la société civile en vue d’un développement rural cohérent où l’agriculture paysanne et familiale tient un rôle central.
Nourrir les populations
Dans le monde, quel que soit le pays, la responsabilité première de l’État est de faire en sorte que l’agriculture ait pour rôle prioritaire de nourrir les populations localement. Ceci ré-ouvre le débat à propos de la place de l’agriculture dans les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il existe des groupes agroindustriels qui produisent dans un lieu parce que les conditions de production y sont propices, dans le seul objectif d’alimenter les bassins de consommation dans un autre lieu où le pouvoir d’achat est plus élevé. Il est évident que toutes ces productions ne profitent pas aux populations locales. Par ailleurs, il existe des petits producteurs vivant d’une agriculture de subsistance qui veulent s’affranchir et être en mesure de produire un surplus pour le vendre et entrer dans des circuits commerciaux. Avec cet argent, ils peuvent améliorer leurs conditions de vie.