À chaque crise financière internationale, les finances publiques en subissent le contrecoup. « Il va sans dire que tant que nous ne changerons pas ce paradigme, notre économie restera fragile et fera continuellement les frais des soubresauts de la conjoncture économique internationale », a déclaré le président de la République s’adressant à la Nation devant les deux Chambres du Parlement réunies en congrès. Joseph Kabila Kabange s’est fait le devoir de rappeler, une fois de plus, « la fragilité des fondamentaux de notre tissu économique tournés essentiellement vers le secteur tertiaire ». L’économie nationale est en effet marquée, d’une part, par l’importation des biens de première nécessité consommés par les Congolais et qu’ils ne produisent pas ; et, d’autre part, par l’exportation des matières premières, vers les pays industrialisés, source des principales recettes budgétaires, mais dont la fixation des cours échappe au contrôle du gouvernement.
Dans le même ordre d’idées, le chef de l’État a martelé que « tant que notre système fiscal sera écrasant, discriminatoire et truffé d’une parafiscalité lourde, le climat des affaires ne sera pas propice à l’investissement productif ni au civisme fiscal. » Ayant pris la mesure du défi, Joseph Kabila a appelé à l’union car il faut agir sans plus attendre. « En plus des investissements publics légitimes, l’option est donc définitivement levée de promouvoir le soutien au secteur privé productif à travers, particulièrement, l’appui direct aux petites et moyennes industries et aux petites et moyennes entreprises, spécialement celles engagées dans l’agro-industrie et inscrivant leurs activités dans le cadre des chaînes des valeurs », a insisté le président de la République.
Pour lui, les Congolais doivent produire ce qu’ils consomment et, il a eu déjà à le dire, il faut conférer de la valeur ajoutée aux produits destinés, non seulement à la consommation domestique, mais aussi à l’exportation, en vue de les rendre plus compétitifs. « Notre pays ne saurait plus indéfiniment être ce grand marché offrant l’opportunité d’affaires et d’emplois aux peuples des pays tiers, au détriment de sa propre population et de son économie. », a solennellement déclaré le président de la République.
Par ailleurs, les efforts de mobilisation des ressources internes doivent être poursuivis à travers « la lutte sans concession contre la fraude douanière et fiscale ainsi que la contrebande », grâce aux réformes fiscales nécessaires et grâce à l’implantation très prochaine, au sein des régies financières des systèmes de gestion informatisée des contribuables, fournis par une expertise appropriée.
Le président Kabila a insisté sur « l’impérieuse nécessité » pour le gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat de « prendre des dispositions utiles en vue de l’adoption, dans les plus brefs délais, et pendant la session en cours, d’une nouvelle loi sur la fiscalité, de celle sur le partenariat public-privé, sans omettre la finalisation de la loi portant révision de certaines dispositions du code minier, en sursis depuis plusieurs mois devant les deux Chambres. »
Convaincu que le gouvernement pourra ainsi disposer des outils solides pour stabiliser, de « manière pérenne et structurelle », la situation économique en cours, avant d’inverser définitivement la tendance préoccupante actuelle. L’amélioration de la situation sociale des populations en dépend. Alors, depuis que ces mesures ont été annoncées, qu’est-ce qui a été fait ?
Au ministère des Finances, le ministre Henri Yav Mulang n’a jamais caché sa grande préoccupation : comment traduire en actes les récentes mesures économiques afin d’anticiper sur les effets de la crise. Grosso modo, l’action entreprise depuis quelques années vise « le relèvement du niveau de mobilisation des ressources de l’État et la relance économique en appui au secteur privé ». On explique que ces mesures nécessitent des « actions de coercition et de correction qui peuvent s’avérer bénéfiques à la longue ».
Le poids de la fraude
Même si la population, comme chat échaudé, doute de l’application et de l’efficacité des mesures prises, perçues comme un simple effet d’annonce, en raison de l’état actuel de l’économie mondiale. D’après le conseiller du chef de l’État chargé de la lutte contre la corruption, Emmanuel Luzolo Bambi, la fraude coûte chaque année jusqu’à 15 milliards de dollars à la RDC. Ce montant représente le double du budget du pays. « Lorsque la fraude atteint ces proportions, c’est au sommet de l’État qu’il faut sévir », avait laissé entendre Luzolo Bambi. Le pays qui regorge d’abondantes réserves de cuivre, d’or, de diamants et de cobalt, reste mal classé sur la liste de Transparency International qui le place à la 156è position dans son classement sur 175 États évalués. La lutte contre la fraude et la corruption a été également réaffirmée à travers les 28 mesures urgentes adoptées par le gouvernement Matata. En 2012, devant l’Assemblée nationale, ce dernier avait annoncé la mise en place d’un tribunal fiscal, en soutenant que les quelques recettes de 3 à 5 milliards de francs ne reflétaient pas le potentiel fiscal de la RDC évalué à 20 milliards de dollars l’an. En 2013, devant le Congrès, le chef de l’État prenait l’engagement solennel d’endiguer la corruption. D’où la nomination d’un conseiller spécial dont la mission principale est d’assurer un monitoring permanent de l’évolution des patrimoines, ainsi que des cas de malversation, de corruption et d’enrichissement illicite dans le chef des responsables politiques nationaux et provinciaux, des hauts fonctionnaires et cadres de l’administration publique, des mandataires et autres agents publics.
Ancien ministre de la Justice et des Droits humains, Luzolo Bambi est à la manœuvre, sans que l’on ne sente vraiment son action. En marge des états généraux de la justice, en juin 2015, il avait déploré l’absence de sanctions contre la corruption alors que celle-ci se manifeste dans la vie de tous les jours. Il avait, par conséquent, menacé de poursuivre toutes les hautes autorités du pays impliquées dans la corruption. Ce ne fut pas suffisant pour décourager les malversations dans les services publics. Aussitôt après, le ministre d’État au Budget de l’époque, Michel Bongongo, dénonçait la fuite de quelque 174 millions de francs, chaque mois, détournés de la paie du personnel de santé et de quelque 11 milliards au ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel.
Puis, éclata le scandale du ministère des Affaires étrangères en décembre 2015. Le comptable public principal, dont le nom n’a jamais été révélé, avait disparu dans la nature avec deux millions de dollars… Chacun se demande comment une somme aussi importante soit perçue par un individu sans escorte de sécurité, alors que les fonctionnaires de l’État et les membres des cabinets politiques sont censés être payés à la banque. Selon Transparency International, la corruption est favorisée par « la mauvaise gouvernance, la faiblesse des institutions telles que la police et le système judiciaire, ainsi que par le manque d’indépendance des médias ». Depuis octobre 2015, le Parlement a autorisé la ratification de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Cette convention vise notamment la promotion et le renforcement, dans les États, des mécanismes de prévention, de détection, de répression et d’éradication de la corruption dans les secteurs public et privé. Elle vise également la coordination et l’harmonisation des politiques et des législations entre les États.