Nkosazana Dlamini-Zuma, alors présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), a déclaré un jour que « l’avenir de l’Afrique dépendra de la façon dont nous utiliserons nos ressources naturelles. » Il est courant d’entendre en effet que les ressources minérales sont une « malédiction » plutôt qu’une « bénédiction » pour les pays qui en regorgent. Et le conflit en République démocratique du Congo ou ailleurs en Afrique semble bien l’illustrer. Ces pays riches en ressources naturelles vivent un paradoxe troublant de pauvreté dans l’abondance. Le message de Nkosazana Dlamini-Zuma devrait inciter les dirigeants africains et les sociétés minières à transformer les ressources minérales de l’Afrique en une bénédiction.
En RDC, on assiste actuellement à une sorte de jeu de passe-passe. Après la multinationale anglo-suisse Gleencore qui a repris les parts de Fleurette Group pour prendre le contrôle (total) de la mine de cobalt de Mutanda (MUMI) et a augmenté sa participation dans la filiale Katanga Mining Company, c’est maintenant le tour de Bohaï Harvest RST de finaliser l’acquisition par des entreprises chinoises de la mine de Tenke Fungurume, mais aussi du canadien First Cobalt de faire son entrée en RDC.
On se rappellera qu’en casquant près d 1 milliard de dollars, Glencore a repris le contrôle (total) de la mine de cobalt de Mutanda (Mumi Mining, MUMI) au magnat israélien Dan Gertler. En fait, le géant anglo-suisse a racheté la participation (31 %) détenue par son partenaire Fleurette Group.
Les deux parties ont également conclu un accord visant à augmenter de 10,25 % la participation de Glencore dans la filiale Katanga Mining Company, pour un montant de 38 millions de dollars. Selon des sources proches du dossier, cette opération a donné à Glencore une majorité confortable (86 %) dans l’actionnariat de la mine de cuivre du Katanga. « C’est un deal qui signifie un meilleur contrôle de ses actifs pour Glencore, au moment où les cours du cuivre et du cobalt enregistrent un trend positif », avait-on expliqué il y a quelques mois.
La transaction est intervenue au moment où le cours du cuivre a repris des couleurs après près de 20 mois de baisse, Et le cobalt, élément essentiel aux batteries au lithium-ion, enregistrait aussi une hausse de 75 % depuis le début de 2017. La production de cobalt de MUMI a augmenté de près de 50 % l’année dernière à 24 500 tonnes, selon Glencore. Le marché a positivement réagi à cette acquisition. Les actions de Glencore ont gagné 2,6 % pour clôturer à 328,95 pence à Londres, le seuil le plus haut depuis novembre 2014. La mine Mutanda à Kolwezi au Katanga a produit de janvier à septembre 2016, 162 300 tonnes de cuivre et plus de 18 000 tonnes de cobalt. Elle est considérée comme l’un des principaux actifs de croissance de Glencore et une des plus grandes mines en RDC. Quant à Katanga Mining, elle opère en RDC sur la mine à ciel ouvert KOV, la plus grande source du cuivre de haute qualité au monde.
Les Chinois à Tenke Fungurume
Bohaï Harvest RST est une firme de « Private Equity » basée à Shanghaï en Chine. Avec dans son tour de table des institutionnels et des privés chinois ainsi que des investisseurs américains, elle vient finaliser l’acquisition « indirecte » par des sociétés chinoises de la mine de Tenke Fungurume au Katanga pour un montant de base estimé à une bagatelle de 3,8 milliards de dollars. Sa filiale BHR Newwood Investment Management Ltd a clôturé la reprise de la totalité du capital de Lunding DRC Holdings, la filiale en RDC de l’opérateur minier canadien Lunding Minning pour 1,14 milliard de dollars. La société acquise était actionnaire à 30 % de Tenke Fungurume Holding, un groupe minier incorporée au Bahamas, qui à son tour contrôle 80 % du complexe minier de Tenke Fungurume en RDC.
Cette acquisition fait de BHR Capital l’actionnaire effectif de 24 % de la mine congolaise, qui est présentée comme un actif minier de classe mondiale. Le capital investisseur rejoint ainsi le conglomérat China Molybdenum Corporation, un groupe détenu par des institutionnels de la Chine continental et des privés de Hong-Kong. Ce dernier avait déjà finalisé l’acquisition pour le prix de base de 2,65 milliards de dollars, de la totalité des 70 % que détenait l’opérateur minier américain Freeport McMoRan dans le capital de TF Holding. Il s’offrait ainsi une participation indirecte de 56 % sur le site minier congolais. Par ailleurs il recevra une prime de 14 millions de dollars pour avoir accompagné BHR dans sa transaction sur ce dossier.
Les firmes chinoises ont ainsi finalisé l’acquisition indirecte d’une participation majoritaire sur ce site minier, dans le cadre de transactions qui auront vu couler beaucoup d’argent. L’autre actionnaire du projet, la Générale des Carrières et des Mines (GECAMINES) qui représente l’État avec 20 % des parts sur la mine, a touché 33 millions de dollars de Freeport McMoRan, selon des données publiées par ce dernier sur son rapport financier du quatrième trimestre 2016. Le grand gagnant de cette opération est toutefois China Molybdenum. En janvier, elle a annoncé la signature d’un accord d’actionnaires qui lui permettait de garantir la finalisation de l’entrée au capital de TF Holding par BHR. En contrepartie, le capital investisseur acceptait l’option pour CMOC d’acquérir sa participation indirecte dans TFM à un prix prédéterminé.
Les partenaires surveilleront désormais l’évolution des cours du cuivre et cobalt. Une hausse des prix au-delà des seuils fixés par l’acquisition, sera une bonne chose pour les affaires. Mais dans le même temps, elle les obligera à verser des sommes supplémentaires aux sociétés qui leur ont cédé leurs participations respectives dans TF Holding. Bohai Harvest RST (Shanghai) Equity Investment Fund Management Co., Ltd. est une société de capital-investissement spécialisée dans les fusions transfrontalières et le capital d’acquisition et de croissance.
Il se concentre principalement sur les transactions en Europe et en Amérique du Nord. Bohai Harvest RST (Shanghai) Equity Investment Fund Management Co., Ltd. a été fondée en décembre 2013 et est basée à Shanghai, en Chine. Il opère en tant que filiale de Bohai Industrial Investment Fund Management Co., Ltd.
La firme canadienne First Cobalt a signé une lettre d’intention avec JayBird Invest, un associé de Madini Minerals, pour acquérir une participation de 70 % sur sept prospects de cuivre/cobalt, d’une superficie totale de 192 km², en RDC. Selon les termes de l’accord, à la conclusion de la transaction, la compagnie basée à Toronto paiera une contrepartie de 1,58 million de dollars canadiens, dont 600 000 en espèces et le reste par l’émission de 4,53 millions d’actions.
De plus, Madini Minerals, qui agira en tant qu’opérateur de First Cobalt sur les sept prospects, aura une participation de 8,5 % dans la compagnie et nommera le Congolais Serge Ngandu à son conseil d’administration. «L’identification de bonnes propriétés minières en RDC est un élément clé de notre stratégie visant à élargir notre portefeuille global d’actifs de cobalt. La RDC représente plus de 60 % de la production mondiale de cobalt et nous y voyons un important potentiel d’exploration.», a déclaré le CEO de First Cobalt, Trent Mell .
First Cobalt est une compagnie d’exploration créée au Canada en 2011, et détenant une propriété de 2 100 ha dans la province de l’Ontario. Elle se concentre sur la création d’un portefeuille mondial diversifié d’actifs fortement exploités sur le marché du cobalt. La consommation mondiale de cobalt raffiné devrait atteindre 100 kt en 2017. Alors que la croissance de la demande pour la plupart des métaux s’est bloquée, ces dernières années, la demande de cobalt continue de croître fortement, certaines estimations indiquant que sa demande augmentera à un rythme moyen d’environ 5 % par an pour les dix prochaines années.
Les prix du cobalt à Londres Metals Exchange ont grimpé d’environ 60 % cette année à plus de 55 000 dollars/tonnes. Cela a provoqué une activité frénétique parmi les explorateurs pour obtenir un pied dans la porte afin de capitaliser sur l’écart d’approvisionnement croissant. La société dont le siège est à Toronto a estimé que le développement représentait un point d’entrée à faible risque dans la plus importante juridiction du cobalt au monde, en étendant le portefeuille au-delà de l’option actuelle de mine Keeley-Frontier au Canada.