Les catastrophes, ça n’est pas une bonne chose car elles brisent les vies. L’expérience montre qu’après une catastrophe, on ne peut jamais restaurer tout ce qui a été perdu sur le plan économique et il est rare que les communautés puissent reprendre une vie normale. Il s’agit souvent d’une « nouvelle situation normale », car les sociétés et les économies sont à jamais transformées. Une reconstruction économique efficace dans ce nouveau contexte peut atténuer les souffrances endurées par les personnes et les communautés, relancer la croissance économique et promouvoir le bien-être futur. Mais nous devons rester vigilants pour détecter les difficultés et les écueils potentiels. Les politiques et l’action menées par les pays et par les donateurs ne devraient pas exacerber le traumatisme ni les tragédies causées par les catastrophes naturelles.
Gravité des phénomènes
Les catastrophes naturelles brisent des vies et détruisent aussi les communautés et, parfois même, des pays entiers. Les catastrophes soudaines, comme les séismes, les tsunamis, les ouragans et les inondations, causent des dégâts. Les catastrophes à évolution lente, comme les sécheresses, causent des dégâts permanents à long terme. Au cours des dernières catastrophes, les pertes en vies humaines ont été élevées. Ces catastrophes sont d’une telle ampleur qu’il est pratiquement impossible d’y faire face ou de se rétablir. Les survivants et les communautés peinent à se remettre des pertes en vies humaines et de la disparation de leurs moyens de subsistance. Les nations et les gouvernements sont confrontés à une immense tâche, à savoir restaurer et reconstruire les biens détruits, à la fois économiques et sociaux.
On prévoit que les changements climatiques intensifieront la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes. En outre, le nombre de personnes vivant dans des régions exposées au risque ne fera qu’augmenter a lors que nous migrons vers des villes qui ne disposent pas de plans de protection suffisants contre les catastrophes ou vers des zones géographiques (plaines inondables, coteaux à forte déclivité) qui sont particulièrement vulnérables aux risques. Les effets destructeurs des catastrophes naturelles sont davantage ressentis dans les pays pauvres que dans les pays riches. Alors que tous ces pays sont exposés aux catastrophes naturelles, la plupart des 3,3 millions de personnes qui ont péri dans des catastrophes au cours des 40 dernières années vivaient dans des pays pauvres. Par exemple, le séisme de magnitude 7 qui a frappé Haïti en 2010 a fait environ 140 000 morts et provoqué un désastre économique, tandis que la même année celui de magnitude 9,1 qui eu lieu au Chili a fait 500 victimes et a eu un impact relativement limité sur l’économie nationale.
Dégâts économiques
Les dégâts économiques causés par les catastrophes varient. Les biens immobilisés et l’infrastructure, comme les habitations, les écoles, les usines et les équipements, les routes, les barrages et les ponts, sont détruits. Le capital humain est réduit à cause des pertes en vies humaines, de la perte de travailleurs qualifiés et de la destruction des infrastructures éducatives qui perturbe la scolarité. Les ressources naturelles d’un pays peuvent aussi être affectées – les ouragans détruisent les forêts, et les ouragans et les sécheresses diminuent la fertilité des sols. Les catastrophes naturelles cycliques peuvent induire un changement de comportement chez les personnes et chez les communautés, ce qui entraîne des pertes économiques. Dans les zones exposées à la sécheresse, les agriculteurs investissent moins pour accroître la productivité de leurs terres de crainte de perdre leur investissement.
Les pauvres sont les plus touchés par les catastrophes naturelles. Les taux de mortalité sont généralement plus élevés parmi les populations dont les revenus sont les plus faibles. Elles ont plus de chance de vivre dans des zones exposées au risque ou dans des habitations fragiles. Lorsque le cyclone Nargis a frappé le delta d’Irrawaddy (Myanmar) en 2008, les habitations d’une famille sur deux ont été complètement détruites par le vent et les inondations. En Haïti, la mortalité due au séisme de 2010 a été la plus élevée parmi les pauvres de Port-au-Prince qui vivaient dans des habitations mal construites et surpeuplées.
Les pauvres souffrent aussi de manière disproportionnée de la perte des biens économiques. Les catastrophes naturelles détruisent les fermes, le bétail, les ateliers et les équipements. Les familles sont parfois forcées de vendre leurs biens pour survenir à leurs besoins de base – dans les régions exposées à la sécheresse, les familles rurales vendent souvent leur bétail pour acheter de la nourriture. Étant moins en mesure de remplacer ces sources de revenus, les pauvres risquent de s’enfoncer dans le « piège de la pauvreté » à long terme duquel ils seront incapables de sortir. Partout dans le monde, des Philippines à l’Éthiopie, en passant par la Colombie, on constate que les taux de pauvreté sont souvent plus élevés parmi les communautés touchées par des catastrophes.
Ces chocs économiques subis par les pauvres ont souvent des effets néfastes qui se répercutent sur des générations. Le nombre d’enfants scolarisés diminue, car les parents retirent leurs enfants de l’école et les font travailler pour qu’ils apportent des revenus à la famille. Même s’il s’agit d’une mesure qui est censée être temporaire, cette situation peut devenir permanente, comme pendant les périodes de sécheresse qui ont sévi dans le centre du Mexique à la fin des années 1990. Lorsque les enfants sont atteints de malnutrition à cause de la sécheresse et du manque de nourriture, leurs capacités cognitives et leur productivité en sont altérées par la suite. En Tanzanie et au Zimbabwe, les enfants mal nourris pendant la sécheresse ont des revenus inférieurs tout au long de leur vie.
La conception et la mise en œuvre de politiques et de mesures de relance économique à la suite d’une catastrophe naturelle sont compliquées. Il faut reconstruire et remplacer les biens détruits, rétablir les moyens de subsistance ou en créer de nouveaux, mettre en place des mesures rapides et efficaces, à la fois pour soutenir la croissance économique et le bien-être général dans les pays frappés par une catastrophe et atténuer les souffrances des communautés directement touchées. Il n’existe pas de plan universel pour le relèvement et la reconstruction des communautés et des nations. Le processus de reconstruction économique est unique à chaque pays touché par une catastrophe naturelle. Certaines difficultés et certains défis sont cependant communs à la plupart de ces pays et il est important de les comprendre si nous voulons que les politiques et les actions réduisent les souffrances humaines lorsqu’une catastrophe survient.
Rythme et qualité de relèvement
La rapidité du relèvement est importante. C’est particulièrement vrai dans les pays en développement où les moyens de subsistance sont précaires même s’il n’y a pas de catastrophe. Lorsque la reconstruction après des catastrophes est lente, les familles et les communautés font face à des difficultés économiques et à de grandes privations de longue durée. Des études réalisées cinq ans après le cyclone Nargis, qui est survenu au Myanmar, ont révélé que plus de la moitié des familles qui avaient survécu n’avaient toujours pas remplacé leurs bateaux de pêche et leur bétail détruits par la tempête.
La qualité du relèvement économique est également importante. Les catastrophes naturelles sont souvent perçues comme une occasion de « reconstruire en mieux » habitations, routes, écoles et hôpitaux. Il est toutefois important de préciser ce que nous entendons par « mieux ». Il est essentiel que les habitations et l’infrastructure publique soient reconstruites dans le respect de normes de sécurité plus strictes afin d’atténuer le risque de catastrophe. Ces mesures permettent de réduire les pertes humaines et économiques lors des catastrophes suivantes et d’atténuer les peurs et le traumatisme des survivants lorsqu’ils sont réintégrés dans la vie sociale et économique.