Si cela se confirme, ça sera une découverte qui apporte une nouvelle preuve de l’intelligence des éléphants. Évaluer l’intelligence d’un animal et sa conscience de lui-même est une tâche particulièrement complexe pour les scientifiques. Pour y parvenir, de nombreux tests ont été mis en place avec plus ou moins de réussite. L’un des plus répandus est le test du miroir dont le but est de déterminer si l’animal est capable de reconnaître sa propre réflexion. À l’heure actuelle, seules quelques espèces sont parvenues à passer ce test parmi lesquelles les chimpanzés, les dauphins ou encore les pies. Toutefois, l’efficacité du miroir est encore débattue par la communauté scientifique. Certains affirment qu’il reste limité pour évaluer les capacités cognitives d’une espèce, notamment si la vision n’est pas le sens le plus fiable chez celle-ci.
Un bâton, une corde et un tapis
C’est le cas chez les éléphants. « Les éléphants voient probablement leur monde avec leurs oreilles et leur trompe », a relevé pour le Washington Post, Joshua Plotnik, chercheur invité à l’Université de Cambridge et principal auteur d’une nouvelle étude. Pour tester les capacités des pachydermes, ce spécialiste et ses collègues ont ainsi développé une nouvelle forme de test. Relativement simple, le test en question est inspiré d’un test mené chez les enfants et dont le but est de déterminer s’ils ont conscience ou non de leur corps dans l’environnement. Adaptée en « version éléphant », l’expérience a consisté à donner aux pachydermes un bâton à tendre à leur mahout, leur soigneur, positionné hors de portée. La difficulté est que le bâton n’est pas « libre ». Il est attaché par une corde à un tapis sur lequel les éléphants sont invités à avancer. Lorsqu’ils se mettent sur le tapis, ils ne peuvent plus tendre l’objet à leur mahout. Les pachydermes doivent ainsi comprendre que leur corps représente un obstacle pour mener l’opération. Au total, 12 éléphants d’Asie ont réalisé le test ainsi que deux tests contrôles. D’après les résultats publiés dans la revue Scientific Reports, tous semblent avoir « très rapidement » compris que la présence de leur corps sur le tapis bloquait le bâton : ils sont descendus du tapis en moyenne 42 fois sur 48 contre seulement trois fois pendant le contrôle où le bâton n’était pas accroché.
De la conscience de soi
« Ce test est d’une simplicité trompeuse mais ses implications sont assez profondes », a noté le Dr Plotnik dans un communiqué. « Les éléphants ont compris que leurs corps entravaient l’opération, donc ils s’écartaient pour leur permettre de la réaliser. Dans un test similaire, c’est quelque chose que les enfants sont incapables de comprendre avant d’avoir environ deux ans ». Pour le spécialiste, ces résultats suggèrent que les éléphants asiatiques sont capables de se reconnaitre comme des entités séparées des objets et de leur environnement. Or, si ce test ne semble pas aussi complexe que celui du miroir, les éléphants réussissent aussi ce dernier. Cela « signifie qu’il pourrait avoir un niveau de conscience de soi, ce qui est assez rare dans le règne animal », a affirmé le professeur.
« Les éléphants sont considérés comme l’un des animaux les plus intelligents de la planète mais nous avons encore besoin de preuves scientifiques et empiriques pour soutenir cette croyance », a relevé Rachel Dale, co-auteur de l’étude et maintenant doctorante de l’Université Vétérinaire de Vienne en Autriche.
Mieux comprendre pour mieux protéger. Néanmoins, le but de ces recherches n’est pas seulement de mieux connaître le comportement et les capacités cognitives des animaux. Elles pourraient aussi aider à mieux gérer certaines situations comme les conflits entre humains et éléphants qui sont fréquents en Asie, notamment en Thaïlande et en Inde. « Plus nous comprenons le comportement des éléphants, plus nous pouvons comprendre quels sont leurs besoins, comment ils pensent et quelles sont les pressions qu’ils subissent dans leurs relations sociales », a souligné le Dr Plotnik, fondateur de l’organisation Think Elephants International créée en 2011 pour promouvoir la conservation via la recherche scientifique. Toutes ces études « vont nous aider si nous essayons de développer des solutions viables et à long terme aux problèmes que les éléphants rencontrent dans la nature », a-t-il conclu.