À l’investiture de Bruno Tshibala Nzenzhe et de son gouvernement, le mardi 16 mai, la tension était perceptible. Cela fait plusieurs jours déjà qu’elle ne retombe. Les syndicats ont donné le ton, en multipliant les mises en garde contre le gouvernement précédent de Samy Badibanga Ntita face à la crise socio-économique dans le pays. Les syndicats sont toujours demandeurs d’une session extraordinaire du conseil national de travail hic et nunc. Ils veulent obtenir un Smig « digne » ainsi que d’autres réformes. Si leur demande n’est pas satisfaite, cela risque, selon eux, de raviver la crise sociale née de la crise économique. L’entre-deux gouvernements a semblé donner un temps de répit. Mais le discours d’investiture du successeur de Samy Badibanga, Bruno Tshibala, était très attendu. Il était sur le gril.
Parmi ses mesures phare, Tshibala promet de stabiliser la situation économique. Dans son discours d’investiture, il a souligné que la chute libre du taux de croissance est à la base de la dégradation de la situation économique. Par conséquent, son gouvernement envisage, comme réformes et actions, le maintien de la discipline budgétaire actuelle qui a permis de militer et d’éviter le déficit de trésorerie. D’après lui, ce déficit est source de financement monétaire, banni par la loi sur des finances publiques et surtout facteur accélérateur de la dépréciation de la monnaie nationale et de l’inflation. Il a aussi promis de poursuivre la politique d’ajustement budgétaire mené depuis le début de l’année, en accordant la priorité dans les dépenses publiques à la préparation des élections, aux rémunérations des agents et fonctionnaires de l’État, des FARDC et de la Police nationale ; au paiement du service de la dette extérieure, sans oublier les dépenses qui concourent à l’amélioration des conditions de vie générales de la population.
Les priorités déclinées
Par ailleurs, trois domaines seront concernés par les réformes que son gouvernement entend faire: la mobilisation des ressources internes et externes, la relance de la production intérieure et l’amélioration du climat des affaires. Par contre, les actions pour la mobilisation des ressources vont consister en
l’adoption en urgence du code minier révisé et du décret sur le marché des titres et bons du Trésor, l’harmonisation de la nomenclature des impôts et taxes à l’initiative du gouvernement central et des provinces ainsi que des entités territoriales décentralisées, mais aussi en l’assouplissement des conditions de concessionnalité des finances des projets des infrastructures et des PME et en l’ouverture par la Banque centrale du Congo (BCC) des comptoirs d’achat des matières précieuses dans les provinces productrices et l’installation des unités de raffinage de ces matières. Naturellement, l’organisation des élections « crédibles, transparentes et apaisées » sera l’une de ses quatre priorités. Il a promis de soumettre au Parlement très rapidement un projet de budget pour l’exercice 2017.
Les syndicats s’inquiètent que le nouveau 1ER Ministre soit resté seulement dans les « généralités ». « S’il veut réussir, il faut qu’il évite les clivages, il faut qu’il soit capable de changer les choses », prévient un syndicaliste. Les patrons, eux aussi, ont mis en garde Bruno Tshibala. « Dans le contexte qui est le nôtre en ce moment, Monsieur le 1ER Ministre doit le pressentir, il ne bénéficiera d’aucun état de grâce », lui ont lancé des étudiants. Comme on peut le constater, tout est priorité pour le moment, avec l’organisation des élections en toile de fond.
Dans son discours-programme en vue de l’investiture, Bruno Tshibala a annoncé qu’il fera tout pour mobiliser les fonds nécessaires au niveau interne et externe pour financer le budget des élections. Il a donné sa parole d’honneur que son gouvernement organisera les élections dans le délai en respectant un certain nombre d’étapes, à savoir la constitution d’une provision trimestrielle au profit de la Commission électorale nationale et indépendante (CENI) pour financer l’ensemble du processus électoral, la réduction du coût des opérations après l’exploration des voies et moyens de rationalisation du système électoral.
Pour nombre de Congolais, il faut construire l’avenir avec un revenu décent car le salaire a un caractère alimentaire. Actuellement, un salarié au Smig gagne 3 dollars, soit 78 dollars par mois. Les syndicats soutiennent que le réajustement du Smig aura pour effet de relancer le pouvoir d’achat des travailleurs et des fonctionnaires en berne suite à la chute de la monnaie nationale.
Absence de volonté politique
Avec la dépréciation du franc continue du franc, les ménages ont déjà perdu plus de 40 % de leur pouvoir d’achat. La menace de grève générale brandie par les syndicats devrait inquiéter le gouvernement. Faut-il vraiment attendre quelque chose du gouvernement Tshibala sur le plan social et économique ? Combien faut-il donner, aujourd’hui, comme Smig en RDC ? Les syndicats réclamaient au moins 19 dollars par jour, soit 494 dollars par mois. « Le salaire doit être l’aboutissement des concessions entre les employeurs et les travailleurs représentés par les syndicats, l’État jouant le rôle d’arbitre ou de médiateur dans la fixation des taux minima de rémunération et dans la résolution des conflits salariaux », déclare un syndicaliste. La convention n°98 de 1949 de l’Organisation internationale du travail (BIT), dont la République démocratique du Congo est membre, précise que le salaire est le résultat d’une négociation collective entre les travailleurs et leur employeur. L’État a, quant à lui, le devoir de veiller à ce que le Smig tienne compte du panier de la ménagère, car il est un salaire en deçà duquel aucun travailleur ne peut être rémunéré.
Un expert du travail fait remarquer que le Smig est soumis à une limite inférieure fixée par les conditions de dignité et de décence de la vie pour le travailleur ainsi qu’à une limite supérieure fixée par la productivité du travail. Par ailleurs, le Smig est imposable seulement aux entreprises privées et paraétatiques, la Fonction publique, la police et l’armée n’étant pas régies par le code du travail… La réussite ou l’échec de Tshibala dependra de sa relation à la fatrie. Dans cette relation, le soutien ou non du lobby kasaïen luba est déterminant.