Il y a longtemps que le secteur privé était demandeur de la réforme institutionnelle en matière de passation. Pour la majorité des entrepreneurs nationaux, voire étrangers, les processus actuels d’attribution des marchés publics restent encore trop peu transparents et demeurent un terrain propice pour le développement de la corruption et du trafic d’influence. C’est le grand reproche qu’ils font à la loi de 2010. Ils ont été entendus, non sans le soutien des bailleurs de fonds partenaires du développement de la République démocratique du Congo. Une loi est en examen au Parlement, portant sur l’utilisation de l’expertise nationale dans la réalisation des grands travaux de développement du pays. Le secteur privé fait fort dans la revendication, demandant à être associé aux discussions en cours au Parlement. Il s’agit en fait de corriger une injustice, c’est-à-dire la participation marginale des entrepreneurs congolais dans les secteurs vitaux du développement et dans la passation des marchés publics. La loi en préparation parle de « déséquilibre » dans l’attribution des marchés publics. Elle va donc fixer des mesures incitatives en faveur des entrepreneurs nationaux pour qu’ils s’utilisent, pénètrent un secteur. L’objectif est de leur permettre de s’offrir de réelles opportunités d’affaires à travers les programmes de développement. La loi prévoit aussi la mise en place d’un établissement d’accompagnement des entrepreneurs nationaux en vue de leur visibilité et leur accessibilité, ainsi que de soutien à l’innovation et à l’investissement dans le secteur des infrastructures. Grâce à cette réforme, les entrepreneurs nationaux espèrent s’investir dans l’entrepreneuriat sociétaire et industriel.
Inefficacité et déficience
La loi relative aux marchés publics d’avril 2010 a suscité beaucoup d’espoirs. En effet, le système de passation des marchés en RDC mis en place par l’ordonnance-loi n° 69-054 du 5 décembre 1969 et ses mesures d’exécution n’étaient plus adaptés aux exigences de transparence, de rationalité et d’efficacité qui caractérisent actuellement ce secteur vital à travers le monde, peut-on lire dans l’exposé des motifs de cette loi. C’est pour corriger cette situation que de nouvelles règles fondamentales relatives à la préparation des projets, à la passation des marchés publics, à leur exécution et au contrôle de celle-ci, inspirées des systèmes modernes retenus par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ont été édictées. Dans l’esprit du législateur de 2010 et dans la lettre de cette réforme législative, les fonctions de gestion des marchés publics, celles de leur passation et de leur contrôle devaient ou doivent être strictement séparées les unes des autres et les structures chargées de les exercer ne peuvent en aucun cas les cumuler.
Par ailleurs, la loi d’avril 2010 fixe que les marchés publics sont passés par appel d’offres dont les variantes sont clairement définies. Ils peuvent exceptionnellement être attribués par la procédure de gré à gré dans les cas limitativement énumérés. Le choix du candidat est notamment déterminé par l’offre économiquement la plus avantageuse et par le critère de la préférence nationale et régionale. Elle stipule aussi que les marchés publics sont exécutés selon les termes du contrat dont les mentions essentielles sont fixées par la loi et conformément aux conditions contenues dans le cahier des charges. Que le contrôle des marchés publics est assuré par les établissements publics chargés du contrôle et de la régulation et par tout autre organe administratif compétent. Que des sanctions spécifiques sont prévues pour réprimer les infractions et autres manquements. Que les litiges nés à l’occasion des marchés publics peuvent faire l’objet d’une réclamation auprès de l’autorité contractante ou de l’établissement public chargé de la régulation des marchés publics. En cas d’échec, la juridiction compétente peut être saisie.
Cependant, dans la pratique, l’application de cette loi s’est caractérisée par des dysfonctionnements. D’où les multiples reproches. De l’avis des spécialistes, les dysfonctionnements dans le processus de passation des marchés réduisent le taux d’exécution des programmes et aggravent les défaillances sectorielles. Par exemple, les cellules de passation des marchés ne sont pas dotées de moyens nécessaires pour leur fonctionnement et l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) ne s’est pas encore déployée dans les provinces. La RDC ne dispose pas des outils de planification permettant la réalisation des études avant le lancement des travaux, notamment dans les infrastructures. Dans le secteur de la santé, et malgré la forte implication des bailleurs, la mise en place des projets reste défaillante. Le faible taux de décaissement dans le secteur est lié au défaut de paiement des prestations réalisées et à la multiplicité des non-objections. Dans l’éducation, la cellule de passation des marchés est censée être une cellule pilote, mais la réalisation d’écoles reste confiée au Bureau central de coordination (BCECO)…
Par ailleurs, la régulation trimestrielle des dépenses donne lieu à des arbitrages sans fondement légal au détriment des titulaires des marchés dûment engagés. Le système de régulation trimestrielle a pour conséquence une accumulation des arriérés et des retards dans la réalisation des projets. La mise en place des outils de suivi de l’exécution du budget aura pour mérite de restaurer la crédibilité des systèmes nationaux. De plus, recommandent des bailleurs de fonds, la RDC devrait dépasser la contrainte du budget annuel et introduire la notion de la pluri-annualité dans le budget, notamment en ce qui concerne les infrastructures. Les entrepreneurs exigent que la mission d’approbation s’inscrive dans une logique d’efficacité de la dépense publique et de célérité de réalisation des programmes. La réforme de 2010 a maintenu un nombre important de non-objections à diverses étapes. Cependant, d’après eux, il faudrait plus de souplesse dans les procédures de passation des marchés et le regroupement des étapes. Ils proposent que la mission d’approbation des contrats soit confiée aux autorités contractantes qui doivent être responsabilisées afin d’accélérer le processus. Ils proposent également que le lien entre les processus de passation des marchés et d’engagement budgétaire soit clarifié afin de réduire le temps de préparation. Dans la foulée, les entrepreneurs demandent que les phases préliminaires d’élaboration des projets puissent se référer au cadre de dépense à moyen terme pour établir des prévisions de décaissement.