Une délégation de la Banque africaine de développement (BAD) s’est entretenue début juin 2017 avec le ministre congolais de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Jean-Marie Ingele Ifoto, sur la nécessité d’accélérer l’exécution du Projet d’appui à la gouvernance et l’amélioration du secteur de l’électricité (PAGASE). Le projet consiste à améliorer la gouvernance du secteur de l’électricité, à répondre aux attentes de la clientèle de la Société nationale d’électricité (SNEL) ainsi qu’à anticiper les besoins d’électrification des ménages et des activités productives à moyen et long termes, a laissé entendre Komate Ibrahim, chargé de projet énergie en Afrique centrale au sein de la BAD.
Le coût du projet, a-t-il indiqué, est estimé à 135 millions de dollars. Et la BAD a déjà donné son accord de financement. Donatien Koussi Akoupo, officier principal de la BAD en charge de programme de la région Afrique centrale, a souligné que ce projet sera doté d’un certain nombre d’infrastructures pour faciliter l’offre des services d’énergie et améliorer la gouvernance du secteur de l’énergie électrique. Ce projet, a-t-il renchéri, contribuera également à l’implantation d’un dispositif de ressources des quantités d’énergie réellement fournies à la ville et à l’installation de compteurs à prépaiement chez les abonnés, en lieu et place de la facturation forfaitaire. Selon les explications d’un expert du ministère de l’Énergie, le PAGASE devrait notamment permettre aux réseaux de distribution de cinq communes de la ville de Kinshasa – Gombe, Barumbu, Kinshasa, Lingwala et Kasa-Vubu – d’être totalement assainis.
En 2030 donc, la RDC comptera, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), environ 143 millions d’habitants, dont plus de 50 % vivraient en milieu urbain. Cette croissance démographique et surtout le changement de la répartition de la population entre rural et urbain auront une très forte incidence sur le volume des besoins énergétiques et sur la structuration de la consommation d’énergie.
Accès universel au courant
L’accès universel à l’électricité à l’horizon 2030 (objectif du SE4ALL), signifierait pour la RDC les gaps suivants: au niveau national, un taux d’accès à l’électricité passant de 9 % en 2011 (pour une population de 72,8 millions d’habitants) à 100 % en 2030 (pour une population de 143 millions d’habitants1 ); en zone urbaine, un taux d’accès à l’électricité passant de 35 % en 2011 (pour une population urbaine de 25,5 millions d’habitants) à 100 % en 2030, (pour une population urbaine de 48,4 millions d’habitants) ; et en zone rurale, un taux d’accès à l’électricité passant de 1 % en 2010 (pour une population rurale de 47,3 millions d’habitants) à 100 % en 2030 (pour une population rurale de 94,5 millions d’habitants).
Ces projections sont, en effet, contenues dans le rapport « Énergie pour tous » réalisé par le ministère de l’Énergie avec le partenariat du PNUD. Mais pour atteindre cet objectif d’électrification universelle à l’horizon 2030, la consommation finale d’électricité serait alors de l’ordre de 149 528 Gwh en 2030 (ou 12 858 Ktep), soit une multiplication par 23,8 du niveau de consommation finale totale d’électricité actuelle, ou par 11,25 fois la consommation finale moyenne d’électricité par tête d’habitant qui passerait ainsi de 0,008 tep/habitant (soit 1 394 kWh/an/hbt) en 2011 à 0,09 tep/habitant (soit 15 685 kWh/an/hbt) en 2030. Ce gap est très important et surtout très supérieur à toutes les prévisions actuelles de croissance du secteur électrique de la RDC à l’horizon 2030, car il s’agira de rendre accessible l’électricité à toute la population du pays (Objectif de l’accès universel à l’électricité).
Énergies modernes
L’utilisation des sources d’énergie modernes pour la cuisson (gaz, électricité) est encore très faible, voire insignifiante en RDC. Les chaînes d’approvisionnement en bois énergie (bois de chauffe et charbon de bois) sont les seules qui soient réellement très décentralisées (et atomisées) jusqu’à la porte des usagers finaux ruraux comme urbains (accessibilité physique). La pénétration du gaz domestique est limitée par le prix du combustible, la disponibilité physique du produit, la faiblesse des réseaux d’approvisionnement et surtout la présence d’un produit concurrent, à savoir le combustible ligneux (bois de feu et charbon de bois) relativement bon marché et physiquement plus accessible. Aucune prospective réaliste de l’évolution de la consommation de la biomasse-énergie en RDC ne conclut à sa disparition dans le bilan énergétique du pays à l’horizon 2030.
Mais des actions conjuguées d’électrification rurale et de promotion de l’utilisation domestique des combustibles modernes (gaz naturel, méthane, gaz butane, etc.) et des biocarburants auraient pour conséquence de désamorcer la courbe d’évolution de la demande finale de combustibles ligneux (bois et charbon de bois notamment) à cause de l’impact des substitutions inter énergétiques.
Les quatre principaux obstacles de la RDC pour l’accès durable de tous à l’énergie sont les suivants, selon les experts du PNUD, la capacité institutionnelle limitée pour la gouvernance adéquate du développement du secteur de l’énergie dans son ensemble (Obstacle institutionnel), la faible capacité nationale de financement (public et privé) et forte dépendance au financement extérieur public et privé (obstacle financier), le retard technologique énorme en matière d’efficacité énergétique, de maîtrise de l’énergie et de valorisation des sources nouvelles et renouvelables d’énergie et Forte dépendance au transfert de technologies et savoir-faire et contraintes de marchés (obstacle technologique) ainsi que la pauvreté des populations, notamment rurales et périurbaines et son incidence sur le pouvoir d’achat (pauvreté des populations et inaccessibilité économique des services énergétiques modernes).
En conséquence : l’atteinte en RDC des trois objectifs de l’Initiative « Énergie Durable pour Tous » nécessiterait beaucoup de portance et de poussée au triple plan financier, politique et institutionnel. La coopération technique et financière régionale (dont notamment celle du PEAC et de la CEMAC) et internationale sera nécessaire pour combler le gap qui sera laissé par l’insuffisance des moyens nationaux. Tout ceci nécessiterait un réel et fort engagement politique national et international sur le long terme.
Stratégie nationale
Une stratégie nationale «SE4ALL-RDC » vise un objectif de développement en rapport avec la réduction de la pauvreté en RDC, trois objectifs généraux en ligne de ceux de l’initiative mondiale SE4ALL-2030, une série de onze (11) objectifs spécifiques répartis entre les programmes et sous-programmes thématiques et sectoriels. Cette stratégie commence par la mise en œuvre de Programme prioritaire d’urgence à court terme (horizon 2015) en vue de la mise à niveau et du renforcement des capacités nationales (institutionnelle et humaine). Elle est opérationnalisée à travers un premier Programme à moyen terme quinquennal (2016-2020) dont la phase 1 consiste en la mise en œuvre des Programmes nationaux.
Un deuxième Programme à moyen terme quinquennal (2021-2025) avec la phase 2 de la mise en œuvre des Programmes nationaux puis un troisième et dernier Programme à moyen terme quinquennal (2026-2030) avec la phase 3 de la mise en œuvre des Programmes nationaux. La mise en œuvre de la Stratégie nationale SE4ALL (SN-SE4ALL-RDC) est sous la tutelle institutionnelle du ministère des Ressources hydraulique et Électricité.
Le rôle de maître d’ouvrage de la mise en œuvre est assuré par un « Comité d’orientation et de suivi (COS) » présidé par le 1ER Ministre. Un Comité national de pilotage de la mise en œuvre de la stratégie sera institué, sous l’égide du ministère de tutelle qui assurera la présidence du CNP regroupant l’ensemble des partenaires institutionnels et élargi au chef de file et aux leaders thématiques des partenaires techniques et financiers de la RDC. Sur le plan opérationnel, le CNP aura, comme outil ou la Commission nationale de l’énergie (CNE), qui aura en son sein une Cellule nationale de coordination et de suivi (CNCS) de la mise en œuvre de la stratégie SN/SE4ALL-RDC, créée à cet effet et ancrée dans la CNE.