En 2016, sur le plan international, rapporte Nicholas Staines, la croissance économique globale a été de nouveau plus faible que prévue. Toutefois, rassure-t-il, une hausse est attendue pour 2017. Par ailleurs, il y a encore des divergences, d’une part, entre les pays avancés (stagnation séculaire) et les pays émergents et en voie de développement (rééquilibrage de la Chine), et, d’autre part, entre l’Afrique subsaharienne et le reste du monde. Le choc (baisse) des prix des produits de base semble perdurer, même s’il y a des signes de reprise, fait-il remarquer. Et sur un autre tableau, le financement sur le marché international est devenu très coûteux.
Sur le plan national, le développement économique récent en République démocratique du Congo est marqué par la dépendance aux ressources naturelles. La RDC, on le sait, dépend des exportations des ressources naturelles, en particulier le cuivre (60 % des recettes d’exportation) et le cobalt (20 %).
Les effets du choc des prix et stratégie
Un choc externe prolongé a souvent des implications sur le budget et le secteur financier devient compliqué par l’incertitude politique, note Nicholas Staines. Dans le contexte actuel, le gouvernement a opté pour le maintien de la stabilité macroéconomique. Sa stratégie consiste à soutenir le taux de change (FX) contre la dépréciation du franc à cause de son impact social, à accroître les recettes publiques propres et à réduire les dépenses pour contrôler le déficit. Mais les pressions restent importantes, constate l’expert du Fonds monétaire international (FMI). Par exemple, à propos de la croissance du Produit intérieur brut (PIB) réel, l’économie a été touchée par la baisse des recettes d’exportation, la réduction des dépenses budgétaires et l’incertitude politique. La stabilité macroéconomique a été remise en question en 2016 et son maintien en 2017 constituera un défi, souligne-t-il. D’après Staines, le moyen terme semble peut-être plus positif en raison d’une modeste reprise d’augmentation de prix des produits d’exportation, une hausse de la production minière et Inga III. Mais les risques restent importants, dit-il.
Concernant la balance des paiements, pour s’adapter à une baisse prolongée des recettes d’exportation et la pression sur son solde (baisse de l’offre de dollar), il faudra, conseille-t-il, faire usage temporaire des économies, soit des réserves internationales (réserves FX ou de change) ou prêts, pour faciliter l’ajustement. Par ailleurs, prévient-il, il y a nécessité de réduire les importations grâce à un ajustement des prix (taux de change) soutenu par la compression de la demande (politique budgétaire). Il faudra également différents impacts économiques et sociaux. Mais la dépréciation du taux de change est finalement inévitable. Il faudra aussi un ajustement d’un niveau à un autre (qui peut prendre du temps) entraînant une hausse du prix en franc des importations par rapport aux autres biens. D’après Staines, l’ajustement est compliqué par la dollarisation et l’indexation des prix en franc avec le taux FX. La conséquence est qu’on a un niveau de vie inférieur.
Mais comment faire face au choc de la balance des paiements ? La RDC a été touchée par le choc des prix à l’exportation à partir de 2014. Au début de 2016, les recettes d’exportation ont diminué de moitié. La Banque centrale du Congo (BCC) a vendu les recettes internationales pour soutenir le taux de change et la position extérieure des banques (avoirs et passifs en dollar). Le solde global de la balance des paiements (variation des réserves FX de la BCC) s’est détérioré en raison de la dégradation du compte capital, malgré l’amélioration du compte courant (y compris une baisse des importations). Nicholas Staines pense que la hausse des prix à l’exportation aidera la balance des paiements (la balance commerciale pourrait redevenir positive), en réduisant sa pression sur le taux FX. Mais un impact significatif sur le solde global sera ressenti plus tard au courant de l’année.
Sur la politique budgétaire, pour s’adapter à une baisse prolongée des recettes, le gouvernement devra faire usage temporaire des économies (ses propres dépôts ou des épargnes des autres), conseille l’expert du FMI. D’après lui, les arriérés qui sont des prêts forcés, endommagent le secteur privé et le système bancaire. Par conséquent, il faudra les éviter. Le gouvernement qui est enclin à des contraintes dans sa capacité d’emprunter sur le marché intérieur ou étranger, devra mobiliser les recettes ou réduire les dépenses.
Cependant, la mobilisation des recettes prend du temps et la réduction des dépenses est difficile et pénible. Que faire alors ? Le financement par dépôts propres à la BCC ou des prêts de la BCC ont un impact monétaire important, différent de celui des emprunts domestiques ou étrangers ou de celui des dons.
Sur le déficit budgétaire, il note que l’impact fiscal n’est toujours pas ressenti. En 2016, les revenus ont diminué de 18 % par rapport à 2015. Les dépenses ont chuté de 12 % mais de façon inégale. Les dépenses d’investissement en franc ont diminué de 55 %. Le déficit s’est élargi à 377 milliards de francs (1 % du PIB). Le besoin de financement (incl. amortissement) a atteint 510 milliards de francs.
Pressions de dépenses en 2017
Staines avertit que les revenus diminueront en 2017, mais ils augmenteront à la fin de l’année. Par ailleurs, le déficit restera important sans réduction des dépenses et susceptible de rester élevé étant donné que les salaires et les dettes représentent plus de 50 % des dépenses publiques. Toute réduction des dépenses devra venir de la moitié restante, peut-être de 25 %, pense-t-il. Mais il y a une pression à dépenser. Et d’ailleurs les dépenses ont considérablement diminué en termes réels (notamment les salaires) et les élections sont coûteuses. Il va de soi que la politique monétaire est face à des pressions provenant de la balance des paiements et du déficit budgétaire. La politique monétaire devra donc tenir compte de la dépréciation de la monnaie nationale et de l’ajustement des prix, note Staines. Mais elle doit s’aligner sur les effets de second tour sur l’inflation. Il est préférable, dit-il, de réduire le déficit ou de le financer avec la dette au lieu de sa monétisation. La politique monétaire devra être resserrée pour résister aux pressions sur l’inflation, donc le taux FX, analyse-t-il. Mais la BCC manque de ressources (en grande partie à cause de la dollarisation). Les réserves FX et les ressources pour émettre des obligations et payer des intérêts sont faibles. La hausse des réserves obligatoires exigées des banques par la BCC les affecte.
Les besoins de financement budgétaire en 2016 ont été financés par des dépôts à la BCC et par ses avances avec le même impact monétaire important, ce qui a alimenté une forte expansion de la base monétaire de la BCC. L’injection des liquidités découlant de l’excès des dépôts bancaires à la BCC alimente la dépréciation FX et l’inflation. Pour soutenir le taux FX, la BCC a vendu des réserves FX et a augmenté les dépôts exigés des banques à la BCC. Certaines banques font face à des pénuries de liquidités en franc et reçoivent le financement de la BCC, ce qui a augmenté la liquidité et la pression sur le taux FX ainsi que l’inflation.
Les banques sont affectées par la dépréciation des devises, l’augmentation des dépôts requis à la BCC et par la faiblesse de l’économie. Par ailleurs, les prêts litigieux sur le secteur privé ont augmenté. Les réserves FX sont passées de 1,404 milliard de dollars à fin 2015 à moins de 800 millions de dollars. La BCC est passée de l’achat à la vente des réserves FX pour soutenir le taux FX (ventes de 268 millions de dollars en 2016). La pression sur le taux FX et les ventes de la BCC se poursuivront en 2017 par rapport à la balance des paiements ainsi qu’à la monétisation du déficit. En tout cas, les réserves FX de la BCC auraient diminué (325 millions de dollars) en 2016, même sans ventes et probablement en 2017.