De l’avis de beaucoup de spécialistes, ces deux principaux objectifs ne sont pas atteints, par manque de volonté politique. Avec ses nombreuses petites économies isolées, la géographie économique de l’Afrique demeure un réel défi, posent-ils. D’après des spécialistes du développement de l’Afrique, l’intégration régionale serait sans doute la voie royale pour surmonter les handicaps et participer à l’économie globale. Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) adopté, en juillet 2001, à Lusaka en Zambie par les chefs d’État africains, a été pensé pour ça. Quand le comité des chefs d’État et de gouvernement s’est réuni à Abuja au Nigeria en octobre de la même année, il a mis en place le comité de pilotage et le secrétariat. En septembre 2002, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en a fait le canal principal du soutien de l’ONU à l’Afrique. En 2008, à Sharm el Sheikh en Egypte, les chefs d’État et de gouvernement se sont penchés sur l’intégration entre l’Union africaine et le NEPAD.
Objectifs, principes et stratégies
Les objectifs poursuivis par le NEPAD sont au nombre de quatre : éliminer la pauvreté en Afrique ; placer les pays africains, individuellement et collectivement, sur la voie d’une croissance et d’un développement durable ; améliorer l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale ; et combler le retard qui sépare l’Afrique des pays développés. Par ailleurs, les principes de base du NEPAD sont la bonne gouvernance ; l’appropriation par les Africains et leur implication dans tous les secteurs de la société ; l’ancrage du développement de l’Afrique sur ses ressources naturelles et humaines ; la mise en œuvre de l’intégration régionale et continentale ; l’assurance que tous les projets du NEPD ont pour corollaire le développement de l’Afrique tel que prévu dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), arrivés à échéance en 2015 et remplacés par les Objectifs du développement durables (ODD). Les secteurs prioritaires sont la bonne gouvernance politique et économique ; les infrastructures et les technologies de l’information et de la communication ; l’agriculture, l’énergie et l’environnement ; la santé, l’éducation et la culture ; l’intégration régionale et la mise en valeur du capital humain.
Le NEPAD a choisi la région comme espace primaire opératoire plutôt que chaque pays pris individuellement. Les communautés économiques régionales forment le niveau sous-régional de la planification, de la coordination et du suivi de l’intégration du continent. Les projets sont élaborés au niveau de chacune des régions que sont l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Est et Océan Indien et l’Afrique australe. À travers ses objectifs, le NEPAD vise la réduction de la pauvreté et des inégalités ; la croissance, le développement économique et l’augmentation du nombre d’emplois ; la diversification des activités de production, l’amélioration de la compétitivité sur le plan international ; et la meilleure intégration de l’Afrique.
Vu sous cet angle, l’industrialisation de l’Afrique requiert un idéal commun. À l’heure où les moteurs exogènes de la croissance africaine s’essoufflent, les décideurs africains, qu’ils soient entrepreneurs, hommes politiques, patrons des plus grandes institutions panafricaines ou encore économistes, s’accordent tous pour souligner l’impérieuse nécessité de l’industrialisation du continent. Les turbulences actuelles, que ce soit le ralentissement des pays émergents, la crise des matières premières ou le renchérissement du dollar, rappellent que la croissance durable d’une zone géographique donnée ne peut pas dépendre uniquement de l’extérieur. Et l’idée qu’une classe moyenne puisse réellement émerger sans une véritable industrialisation ne semble pas soutenable aujourd’hui. Une économie basée sur les services ne pourra pas fournir les emplois nécessaires à des milliers de personnes qui arrivent sur le marché du travail chaque mois.
Cependant, de quelle industrialisation l’Afrique a besoin et comment l’atteindre ? Certains spécialistes pensent que les pré-requis de cette industrialisation sont là. Le contexte est favorable, notamment parce que l’urbanisation croissante, qui permet une rationalisation des facteurs de production, et les dynamiques démographiques, qui permettent une main-d’œuvre abondante, sont alignées. Mais ce n’est pas tout. Malgré les nombreux obstacles qu’il faudra franchir, les trois pré-requis indispensables doivent se mettre en place : les infrastructures, les marchés communs et la formation.
Partenariats public-privé
D’abord les infrastructures, sans lesquelles l’Afrique ne saurait être compétitive. Il y a une sorte de prise de conscience au niveau politique qui est en train de se mettre en place, incitée par les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). Et les États africains sentent désormais la nécessité de faire appel au privé pour les financer. En conséquence, ils s’organisent pour que les textes juridiques qui sous-tendent la bonne marche des partenariats public-privé soient globalement en place. Si les besoins de l’Afrique sont immenses, la tendance à l’investissement est indéniable et les infrastructures font l’objet d’un engouement sans précédent de la part des investisseurs internationaux, même si le processus n’est pas aussi rapide qu’on le souhaiterait. En 2010, la Banque mondiale a évalué les besoins en infrastructures de l’Afrique à 100 milliards de dollars par an.
S’agissant des marchés communs, c’est là l’un des freins à la construction d’usines compétitives, c’est-à-dire la possibilité d’accéder à suffisamment de consommateurs est cruciale. En effet, la plupart des 55 pays africains sont de relativement petite taille. Des bases de l’intégration régionales sont en train d’être posées partout. Mais les États s’accrochent encore à leurs souverainetés, ce qui n’arrange pas les choses. Certaines régions ont pris les devants et montrent la voie, à l’instar de l’East African Community (CEA), où l’engagement des leaders régionaux est un facteur déterminant. La CEDEAO est dans la même dynamique…
Enfin, l’éducation et la formation sont censées apporter les compétences dont l’Afrique a besoin pour soutenir l’industrialisation. C’est sans doute le domaine dans lequel il reste le plus à faire. La révolution technologique se charge du reste pour accomplir des progrès. La révolution technologique aura aussi des applications dans le domaine de l’entrepreneuriat, non seulement pour les métiers intellectuels (production de contenu, programmation informatique, design, etc.), mais aussi et surtout pour la micro-industrialisation. Dans ce domaine, le mouvement des makers, tel qu’il a pris forme spontanément sur tout le continent, semble extrêmement prometteur. Il sera sans nul doute renforcé par l’accessibilité croissante des technologies d’impression 3D, qui permettront de contourner l’obligation de produire en grande quantité pour être compétitif.