La SCPT envisage de revoir à la baisse le prix du ticket de train pour les voyageurs sur son chemin de fer Matadi-Kinshasa, long de 365 km. Question de faire la concurrence aux transports routiers, qui depuis quatre décennies déjà ont le monopole des trafics de fret et passagers entre les ports maritimes de Boma et Matadi dans le Kongo-Central et le centre des affaires de Kinshasa. Actuellement, les tarifs du train de la SCTP varient entre 16 dollars et 65 dollars selon le confort et le service à bord, alors que chez les transporteurs routiers, les prix se négocient autour de 15 dollars pour le trajet Kinshasa-Matadi. La fréquence du train de la SCTP est d’un voyage, le samedi à 7h 30 au départ de Kinshasa et l’arrivée à Matadi autour de 15h 30. Le retour s’effectue le dimanche aux mêmes heures.
Pourtant, c’est tous les jours que les compagnies privées de transport routier assurent le fret ou le transport de marchandises. Ce n’est donc pas demain que la SCTP va les concurrencer. Néanmoins, tout dépendra du sérieux et de la modernisation de la voie ferrée car aujourd’hui il est démontré que le train coûte moins cher que le véhicule, le bateau et l’avion dans le transport de marchandises.
Rentabilité
Selon la direction des finances de la SCTP, le train express est encore loin d’être rentable depuis que le trafic a été lancé le 22 août 2015. Une année après, il n’a transporté qu’environ 23 000 passagers, et cette année, le nombre des passagers transportés devrait rester dans les mêmes proportions, selon la mouvance syndicale. Ce qui signifie que le train roule à perte étant donné que récupérer ne fut-ce que les fonds dépensés pour l’achat des inputs dont le carburant relève d’un exploit à chaque voyage. À la suite de la dernière grogne qui a secoué, fin juin 2017, suite aux arriérés des salaires de plus de six mois, le département de chemin de fer a admis que la seconde rotation du train envisagée pour le milieu de la semaine (mercredi-jeudi) n’était guère possible dans la situation financière actuelle.
De l’avis des experts maison, le chemin de fer ne serait rentable qu’à deux conditions. D’abord, remettre sur les rails le train Omnibus, communément appelé « Kibolabola » qui s’arrête à toutes les gares. La SCTP était dans l’attente d’une réception d’une dizaine de voitures. En son temps, l’ancien DG, Kimbembe Mazunga, avait laissé entendre que ce lot de voitures permettrait de relancer le « Kibobola ». La rentabilité du chemin de fer, et par ricochet de la SCTP, passe aussi par la mise en application des accords convenus avec les nouveaux cimentiers du Kongo-Central. Au moins 16 projets de construction de cimenterie existent dans cette province, notamment à Matadi, Kasangulu et Songololo.
Contrats de transport ciment
Trois de ces projets sont déjà en pleine phase de production. D’ailleurs, dans le budget 2017, le gouvernement mise sur la production de quelque 2,2 millions de tonnes de ciment, à raison de 1 million de tonnes pour PPC Barnet et 1,2 million pour la Cimenterie Kongo (CIMKO) afin de booster le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). « C’est une véritable aubaine pour la SCTP car il s’agit non seulement de transporter des intrants du ciment mais aussi du ciment en direction de Kinshasa par chemin de fer avant de poursuivre par bateau dans l’arrière-pays, grâce à l’ITB Kokolo et l’ITB Ngungu », avait confié un haut cadre de la SCTP. Avant d’ajouter : « C’est 2,7 millions tonnes à transporter par an et si cette évacuation doit se faire par route, cela fait au moins 2 000 camions par jour sur la Nationale n°1. Cela conduirait à l’asphyxie du trafic routier. C’est donc une raison de plus pour que la SCTP joue véritablement son rôle d’épine dorsale de l’économie nationale. »
One se souvient de cette phrase emblématique de l’explorateur anglais Henry Morton Stanley : sans le chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny. Il est donc temps de penser la réhabilitation de cette voie ferrée, véritable épine dorsale de l’économie nationale en ce qui concerne l’évacuation des produits d’export-import. On se rappelle aussi que le groupe français Bolloré avait manifesté l’intérêt de reprendre et les ports maritimes et le chemin de fer Matadi-Kinshasa, il y a un peu plus de 5 ans. L’on sait aussi que l’Agence française de développement (AFD) a financé, pour 1 million d’euros, l’étude de faisabilité des partenariats publics-privés au sein de l’ex-ONATRA. L’appel d’offre lancé en 2012 par l’alors ministre du Portefeuille, Louise Munga, pour la cession des départements des ports maritimes et du chemin de fer aurait été mis en veilleuse suite au tollé des agents de la SCTP.
Entreprise de défaisance
En 2011, l’audit mené par les experts de Finex Compsult et Dla Piper LLP recommandait la scission de l’ex-ONATRA en trois entités distinctes et la création d’une société de défaisance qui devrait reprendre le chemin de fer et son pendant interurbain de la capitale. Commandé par le gouvernement, cet audit mené par le consultant Mutiri wa Bashara pour le compte de la firme Finex, et aidé par deux autres experts expatriés, Daniel Le Brun et Francis Goffin, pour le groupe Dla Piper LLP, a indiqué qu’il reviendrait à la société de défaisance de trouver des solutions idoines aux problèmes des créances de l’État et du passif social. Par ailleurs, la scission de l’ex-ONATRA a le mérite de se conformer à l’Acte uniforme du droit OHADA sur les sociétés commerciales. Dans sa conclusion, l’audit soutient que « les autorités doivent exprimer clairement et de façon audible leur projet pour la SCTP… Le DG doit communiquer clairement son plan d’actions validé par le conseil d’administration afin de pouvoir s’y référer chaque fois que l’on fera obstacle à son bon déroulement. »
Pour l’instant, la SCTP investit gros pour la viabilité de son chemin de fer. L’usine des traverses en béton de Lufu-Toto tourne à plein régime. Les ateliers centraux de Mbanga-Ngungu et la carrière de Kiasi Kolo qui fournissent des matériaux de stabilisation de la voie ferrée sont également opérationnels. Mais dans le budget 2017, le gouvernement n’a prévu que le financement de la Société nationale de chemin de fer du Congo (SNCC) pour l’acquisition de deux locomotives.