Comment l’économie s’est-elle comportée en 2016 ?

La forte croissance de ces dernières années, autour de 7 %, n’a pas enclenché un développement des capacités productives, ni une transformation structurelle de l’économie. Ci-après, le condensé du rapport annuel économique au cours de l’année passée.

Appréciation des problèmes et enjeux économiques/Contexte politique et socio-économique : la RDC est un poids lourd incontournable en Afrique subsaharienne. Pourtant, le pays peine à poursuivre son envol vers la démocratie et vers une reconstruction économique et sociale. La grande pauvreté de la population contraste fortement avec le taux de croissance et la richesse virtuelle du pays. La forte croissance de ces dernières années n’a pas entraîné un développement des capacités productives, ni une transformation structurelle de l’économie. L’exploitation de l’énorme potentiel économique nécessite encore de profondes réformes en matière de bonne gouvernance, la construction d’infrastructures et la mise en place d’un environnement juridique favorable aux investissements.  Au cours de l’année 2016, la croissance économique en RDC a continué à décélérer par rapport à l’année précédente. En mai, le gouvernement a soumis un budget 2016 rectifié, en réduction de 22 %. Le budget exécuté en 2016 sera déficitaire. La dépréciation du franc congolais (CDF) continue mais reste contrôlée pour l’instant et l’inflation se situait fin septembre à 4,1 % pour un objectif de 4,2 % annuel. Le niveau des réserves de change continue à diminuer et correspond (30 septembre 2016) à 4,4 semaines d’importations de biens et services. La RDC ne parvient pas à réduire ses dépenses en devises à l’importation des biens de première nécessité. Suite à la forte diminution des recettes fiscales, la Banque Centrale du Congo (BCC) ne pourra pas poursuivre sa politique de change active illustrée par la vente de devises étrangères aux banques commerciales. Le climat des affaires est morose, illustré par la quasi-faillite d’une importante banque congolaise, la BIAC, et les problèmes de compétitivité de certaines industries nationales. Certains acteurs du secteur minier, ont stoppé ou réduit leurs activités d’extraction. Dans ce contexte d’instabilité, la pauvreté de masse risque d’augmenter. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) anticipe que l’indice de développement humain (IDH) de la RDC va régresser et passera en 2017 de la 176ème à la 186ème place (sur 188 pays).

Sur le plan politique, le climat de tension est très présent. Alors que le dernier mandat constitutionnel du président Kabila approche de sa fin en décembre 2016, le régime est engagé dans un schéma répressif. Un accord politique a été signé le 18 octobre 2016 mais il est rejeté par la majeure partie de l’opposition et de la société civile. Par cet accord, le président congolais peut se maintenir au pouvoir au moins jusqu’à avril 2018. Une option risquée qui pourrait bien déboucher sur des troubles importants. Par ailleurs, la situation sécuritaire et humanitaire à l’est du pays demeure préoccupante et la relative stabilité reste fragile. Quant à la situation des droits de l’homme, elle s’est détériorée depuis le début 2016 de façon générale.

Cadre macroéconomique 

La croissance économique poursuit son ralentissement avec une estimation pour 2016 à 5,1% d’après le FMI. L’État anticipe un produit intérieur brut (PIB) nominal de 38 milliards USD en 2016, soit 1,2 USD par habitant par jour. La RDC paie le prix de sa forte dépendance aux exportations de matières premières, dont les cours mondiaux restent bas. Le secteur tertiaire, notamment le commerce, le transport et les télécommunications, prennent une importance croissante dans l’économie du pays mais encore trop faible pour compenser la diminution des recettes dues à un prix du cuivre toujours très bas.

L’inflation 

Avec une inflation cumulée qui atteignait 2,3 % à la fin août 2016, puis 4,1 % à la fin septembre, l’objectif annuel de 4,2 % semble d’ores et déjà impossible à atteindre. Le Taux de change. Le franc congolais (CDF) continue de perdre de la valeur face au dollar américain (USD). La dépréciation du CDF vis-à-vis de l’USD, risque d’impacter négativement les performances macroéconomiques de la RDC et le niveau de vie, déjà très faible, de la population. Le pays reste très dépendant des importations des produits de première nécessité (alimentaires et pharmaceutiques). Les réserves de changes. Le niveau des réserves de change se situe fin septembre à 1 milliard USD ce qui correspond à 4,4 semaines d’importations des biens et services.

La RDC ne parvient pas à réduire ses dépenses en devises à l’importation des biens de première nécessité et d’équipement. Sans l’aide du Fonds monétaire international (FMI) ni appui budgétaire des principaux bailleurs de fonds (refus des bailleurs), la BCC a une marge très limitée pour augmenter ses réserves. À moins de bénéficier d’un appui budgétaire international, le gouvernement aura tout épuisé au cours du second semestre 2016 et devra procéder à un financement monétaire (par émission des titres de dette). Avec une balance des paiements déficitaire et ne disposant pas d’un niveau de réserves de change suffisant, la BCC n’aura plus d’autre choix que de laisser filer le taux de change du CDF entraînant sa dévaluation.

Politique budgétaire 

Le premier semestre 2016 a été marqué par trois événements : tout d’abord, l’adoption du budget rectificatif 2016 dont l’objectif était de tenir compte du ralentissement économique et de la baisse des prix des matières premières (entraînant une baisse importante des recettes internes planifiées), ensuite les résultats de l’exécution du budget à mi-année, enfin l’ouverture des discussions entamées par le ministère du Budget avec les ministères sectoriels sur le budget 2017.

Un budget rectificatif a été promulgué par le président en mai. Il prévoit une baisse de 22 % du budget initial, passant de 9 milliards USD à 6,6 milliards USD. Il s’est traduit essentiellement par une diminution drastique des investissements (-47 % pour les investissements sur fonds propres), des transferts aux provinces (-44 %) et une diminution de moitié des fonds prévus pour les élections. L’exécution du budget à fin juin 2016 connaissait un taux très faible, de 63 % pour les recettes de 59 % des dépenses fin juin 2016, la situation financière de l’État s’est soldée par un déficit de 200 millions USD, contre un excédent de 40 millions USD à fin juin 2015. Le budget exécuté en 2016 sera déficitaire et s’établira vraisemblablement entre 3 et 3,5 milliards USD.

Assiette fiscale limitée

Le taux de rétention de la collecte des taxes reste faible. Les fonds collectés au titre de taxes, impôts et autres redevances auprès de la population sont entre 5 et 20 fois supérieurs aux montants qui entrent réellement dans les caisses publiques (tous niveaux de pouvoir public confondus). Avec une assiette fiscale limitée à environ 15 000 personnes ayant une immatriculation fiscale (sur une population estimée à près de 85 millions de personnes), le travail de détection des contribuables potentiels reste gigantesque et fondamental.

Concernant la préparation du prochain budget 2017, le ministère du Budget a ouvert des discussions sur les perspectives avec les ministères sectoriels mais aussi avec les membres du Parlement, la société civile et les partenaires techniques et financiers. La préparation du budget 2017 sera d’autant plus compliquée que la rentrée de recettes fiscales provenant des mines va diminuer en 2017 comparativement à 2016 suite à la chute des bénéfices des sociétés minières en 2016 par rapport à 2015. De plus, il est convenu de suspendre l’application de la TVA aux acteurs miniers. Si malgré les prix bas, certains groupes miniers ont intérêt à maintenir leur production pour amortir leurs investissements, ils ont quand même menacé de suspendre toute activité si la question du remboursement de la TVA n’est pas résolue favorablement. L’enjeu concerne le remboursement d’un montant de l’ordre de 600-800 millions USD. Beaucoup reste à faire en matière de réformes: budget-programme, déconcentration de l’ordonnancement, comptabilité en droits constatés, etc. Autant de réformes pour lesquelles des actions de façade ont été prises (cadre juridique et institutionnel) mais la mise en œuvre concrète se fait attendre.

Dans le contexte d’incertitude politique qui prévaut, les deux principales banques de développement présentes en RDC (BM et BAD) ont annoncé que les conditions n’étaient pas remplies pour accorder l’appui budgétaire souhaité par le gouvernement congolais.

Nonobstant les performances réalisées en termes de croissance au cours des dix dernières années, l’économie reste encore peu diversifiée et peu industrialisée. Le secteur minier constitue encore la principale source de la croissance.

Malgré la stabilité macroéconomique, les résultats restent insuffisants au regard du potentiel du pays et de l’immensité des besoins à couvrir. Maintenir la stabilité macroéconomique, tout en intensifiant les efforts pour diversifier l’économie, constitue un défi majeur que le gouvernement entend relever, notamment avec l’élaboration d’un Plan National Stratégique de Développement (PNSD).

Ce dernier se propose – en tant que vision et cadre stratégique de développement – de définir la trajectoire que la RDC devrait emprunter pour que, à l’horizon 2050, elle ait le statut de pays développé. Le PNSD couvre l’horizon temporel 2017-2050 (33 années) et son opérationnalisation sera assurée à travers l’exécution de plans quinquennaux, soit sept au total. Le premier plan quinquennal devrait permettre à la RDC d’obtenir le statut de pays à revenu intermédiaire en 2021, son PIB par habitant devra ainsi être porté à 1 050 USD. Le deuxième et le troisième plans vont concourir à l’atteinte du stade de l’émergence en 2030, ce qui correspondra à un PIB par habitant de 4 000 USD. Les quatre plans quinquennaux restants devront aider le pays à se développer en 2050.

Le climat des affaires: corruption, harcèlement fiscal et insécurité juridique et judiciaire demeurent les principaux freins aux investissements. Le climat des affaires est toujours morose comme l’illustre la quasi-faillite d’une importante banque congolaise, la BIAC, qui a connu des problèmes de liquidités qui ont entrainé sa mise sous tutelle par la BCC. Les comptes des 400 000 déposants sont relativement bloqués puisque les mouvements sont limités et plafonnés. À ce jour, seule la Commercial Bank of Africa (CBA), une grande banque du Kenya, a officiellement marqué son intérêt initial pour une reprise. Par ailleurs, dans la plus grande discrétion, des auditeurs chinois sont longuement venus analyser les comptes de la BIAC; ceci suggère que la RDC pourrait faire appel à la Chine dans le cadre d’un accord plus large pour sauver la banque de la faillite.

Le gouvernement a entrepris ces dernières années une série de réformes visant, de manière globale, à améliorer le climat des investissements : l’adhésion à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), la mise en place d’une charte des PME et d’une direction générale de la création d’entreprise, la réduction du taux global d’imposition et du coût d’exécution des contrats. Il s’en est suivi une légère amélioration de l’attractivité du pays pour les investissements étrangers.

Toutefois, ces réformes ne sont pas suffisamment mises en œuvre. De nombreux opérateurs économiques se plaignent du cadre légal et réglementaire hostile et continuent à souffrir du harcèlement fiscal et de l’insécurité juridique et judiciaire (interprétations erronées des dispositions légales, violations de procédures, saisies fiscales intempestives, amendes arbitraires, convocations de dirigeants de sociétés avec menaces d’arrestations…). La révision des contrats existants et la révocation de contrats adjugés insécurisent les investisseurs. Malgré l’adoption des lois (Code minier, Code des hydrocarbures, Code forestier), l’adjudication des concessions reste opaque. Les procédures bureaucratiques compliquées et les nombreux impôts et droits à verser ouvrent la voie au cercle vicieux d’une corruption systémique, d’une paralysie de création d’emplois dans le secteur formel et d’un renchérissement des biens et services de base.

Accords économiques internationaux 

la RDC est membre des organisations internationales et régionales suivantes:

Organisation des Nations Unies (ONU), Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale (BM), Union Africaine (UA), Banque africaine de développement (BAD), Groupe des États d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP), Communauté économique africaine (CEA), Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), Communauté de développement de l’Afrique australe/Southern African Development Community (SADC), Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), Organisation internationale de la francophonie (OIF), Organisation mondiale du commerce (OMC)…

Bien que la RDC soit membre de multiples enceintes universelles et régionales, elle ne joue qu’un rôle mineur dans la diplomatie multilatérale. Cela est dû principalement à la faiblesse institutionnelle et décisionnelle des organes de l’État en reconstruction. De nombreuses organisations internationales du système onusien (MONUSCO, PNUD, UNICEF, UNESCO, FAO, PAM, OMS, …) ainsi que les institutions financières (FMI, BM, BAD) assistent le gouvernement dans la poursuite des réformes. Compte tenu de la diminution drastique des ressources de l’État, le gouvernement de la RDC a sollicité un appui budgétaire auprès de ses bailleurs de fonds traditionnels. Dans ce contexte une mission du FMI s’est rendue en RDC en juin pour évaluer la situation macro-économique du pays. Même si le FMI n’est pas censé prendre position sur les questions d’aide budgétaire, il recommande toutefois au gouvernement d’améliorer l’ancrage fiscal, avant tout d’élargir l’assiette fiscale, d’éviter le financement monétaire, de poursuivre la réforme de la BCC (recapitalisation) et de mettre en œuvre les réformes structurelles des entreprises d’État.

Approvisionnement et consommation énergétique

En dépit du potentiel énergétique énorme, la RDC présente un paradoxe criant entre les ressources énergétiques naturelles et le très faible taux d’accès de la population à l’électricité. Et ce, avec de grands écarts entre la campagne et le milieu urbain. Une étude identifie une centaine de sites où il serait possible d’ériger un barrage hydroélectrique. Ceci permettrait de bâtir ainsi des petites centrales dans les provinces, respectueuses de l’environnement, et d’assurer une distribution plus équitable de l’électricité à travers le pays. L’alimentation en énergie à l’échelle du pays ne répond pas aux besoins des entreprises du secteur minier, ni ne permet la diversification de son économie.

Le projet de construction du barrage Inga III serait une partie de la solution pour combler ce déficit. Ce barrage est le prolongement des deux centrales Inga I et Inga II à l’ouest de la RDC (225 km de Kinshasa). Il est à souligner qu’Inga I et II fonctionnent bien en-dessous de leur capacité et sont en pleine phase de réhabilitation. La BM a annoncé qu’elle suspendait son financement de 73, millions USD pour des études relatives à Inga III tout en affirmant être disposée à aider la RDC à fournir une énergie abordable et fiable à sa population. Des dissensions sur l’orientation stratégique à donner au projet seraient à l’origine du différend entre le gouvernement congolais et la BM. D’autres sources invoquent le peu de transparence dans le processus mettant en place la structure censée pilotée le projet, l’Agence pour le développement et la promotion d’Inga III (ADEPI) directement rattachée à la présidence de la RDC, voir le peu de volonté des autorités d’évaluer les impacts environnementaux et sociaux avant le début des travaux.

Le retrait de la Banque mondiale lors la phase de faisabilité constitue un nouvel obstacle dans la réalisation de cet ambitieux projet. Toutefois, le financement des études d’impact social et environnemental est prévu dans le cadre de l’appui que la BAD octroie à la RDC pour la construction d’Inga III (35 million USD). La solution adoptée par les autorités congolaises consiste à demander au consortium gagnant le marché concessionnaire Inga III de préfinancer ces études. Les deux consortia encore en concurrence, l’un chinois et l’autre espagnol ont déposé leur offre le 2 septembre 2016. La sélection du consortium gagnant pourrait se finaliser sous peu et le contrat être signé en décembre 2016 pour un lancement des travaux en 2017.

La RDC est sous la pression de l’accord qui la lie légalement à l’Afrique du Sud qui achèterait 2 500 MW des 4 800 MW que devrait produire Inga III à partir de 2021. Ce contrat permettra d’assurer une bonne partie de la rentabilité de l’investissement estimé à 12 milliards USD, un montant qui restera encore à mobiliser une fois le consortium sélectionné. Si ce projet venait à être réalisé, le site d’Inga, composé de Inga I, II et III, auquel s’ajoutera plus tard une 4eme phase baptisée « Le Grand Inga », pourrait fournir au final jusqu’à 40 000 MW, soit l’équivalent de 24 réacteurs nucléaires de troisième génération.

Par ailleurs, un accord a été signé entre la RDC et un consortium chinois permettant le lancement des travaux du barrage de Busenga située dans le sud-est de la RDC (240 MW d’un coût estimé à 660 millions USD selon Bloomberg). Ce barrage devrait combler une partie du déficit en énergie que subissent les entreprises du secteur minier du sud-est de la RDC. Cependant l’électricité qui devrait en sortir sera prioritairement affectée aux besoins énergétiques de la Sicomines (Consortium Chinois).