Les défauts de fabrique de La République en marche

Pour l’ancien secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, nul besoin d’être expert pour se rendre compte qu’il y a quelque chose qui cloche dans le nouveau pouvoir : autorité, amateurisme, austérité...

 

Volkswagen hier, Porsche aujourd’hui : chez les constructeurs automobiles, la mode est au rappel à l’usine de milliers de véhicules qui méritent d’être revus. Tout dit que notre vie politique peut prochainement avoir besoin elle aussi de cette révision de grande ampleur. Car, comparé aux promesses des prospectus, nul besoin d’être expert pour se rendre compte qu’il y a quelque chose qui cloche dans le nouveau pouvoir.

Du neuf, disaient-ils. Assurément, on en a : nouveaux visages, rajeunissement, nouveaux profils, travail du Parlement tout l’été, démissions pour l’exemplarité de ministres à peine nommés, limitation du nombre des conseillers ministériels…

La liste est consistante de ce qui pourrait plaider la promesse tenue. Las, il y a les dommages collatéraux : les couacs inévitables du temps d’apprentissage parlementaire qui, au passage, réhabilite la nécessité d’une dose minimale de professionnalisme en politique ; l’étrange multiplication des parlementaires à temps partiel qui continuent leur activité professionnelle, ce qui en dit long sur la réhabilitation du Parlement ; les ministres de la société civile otages des notes et décisions de leur administration. Bilan : une frontière difficile à établir entre erreurs de jeunesse et amateurisme chronique. Le prix à payer pour l’irruption d’une classe politique renouvelée, diront les optimistes. On voudrait l’être.

Coup de rabot pour tous

Du changement aussi. Là encore, on voudrait être conciliant. Mais l’exercice demande un talent de contorsionniste de haut niveau. Où est le changement dans la réaffirmation de l’austérité comme horizon indépassable ? Si, à tout le moins les réformes de structure précédaient le choix des efforts budgétaires demandés, on pourrait percevoir la logique. Mais c’est l’inverse qui est proposé : le coup de rabot pour tous ; le catalogue d’économies de bout de ficelle dont les tiroirs de la direction du budget sont pleins (la baisse de 5 euros des APL en étant l’archétype) ; le mistigri repassé aux collectivités locales qui feront comme elles pourront – donc ne feront pas.

Même chose pour la politique européenne : nulle remise en cause de quoi que ce soit, nul débat véritable ni utilisation du rapport de forces nouveau issu de la victoire présidentielle perçue avec soulagement dans les capitales européennes ; rien si ce n’est la quête de reconnaissance de la part de la chancelière allemande, qui partage avec l’Europe de ne jamais changer. De l’autorité, enfin, promettaient les prospectus. Là, apparemment, il y en a. Affirmation présidentielle, cabinet du Président et du Premier ministre entremêlés, groupe parlementaire copiloté par le président (du groupe) et le ministre chargé des relations avec le Parlement, démissions révocations dans l’administration.

Et pourtant… Le Président convoque le Congrès à Versailles, son Premier ministre décline le discours à l’Assemblée le lendemain et au Sénat le surlendemain pour finalement faire un virage à 180 degrés trois jours plus tard sur les baisses d’impôts à venir. Idem pour les coupes budgétaires : l’armée doit payer… mais aura un budget 2018 exceptionnel, sans même parler de celui de 2022 ! Triste exemple enfin en ce qui concerne les réfugiés ou, entre discours généreux et matraques qui le sont tout autant à Calais, voire des engagements fantaisistes de régulations des flux grâce à des bureaux installés en Libye, on ne sait plus à quoi s’en tenir. Qu’y a-t-il derrière une autorité renforcée aussi imprévisible qu’illisible ? La solitude et son cortège d’échecs.

En politique, le rappel à l’usine, c’est la relégitimation par l’élection : référendum ; dissolution ; On n’en est pas encore là. La légitimité du pouvoir est toute fraîche et bien réelle. Mais corriger ces défauts de fabrique devient urgent. Déjà.