L’aventure a débuté en 2013. Il y a près de quatre ans déjà, Moctar Dembele et Gérard Niyoudiko annonçaient la création d’un savon très spécial… Ces deux étudiants de l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement au Burkina Faso sont parvenus à mettre au point un produit repoussant les moustiques vecteurs du paludisme, le Faso Soap. Causée par des parasites du genre Plasmodium, cette pathologie constitue un enjeu majeur de santé publique à travers le monde, et notamment en Afrique subsaharienne où 270 millions de personnes vivent sans protection.
Chaque année, ce sont ainsi près d’un million de victimes du paludisme qui sont recensées, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si la lutte contre les moustiques a constitué un effort majeur pour lutter contre l’épidémie, au fil du temps, les insectes piqueurs ont gagné en résistance : d’après le site consacré au Faso Soap, « 82 % des pays endémiques suivis ont indiqué à l’OMS une résistance des moustiques à au moins un insecticide ».
Un savon anti-moustique
C’est en partant de ce constat que les deux hommes se sont lancé la mission de concevoir une nouvelle arme contre le paludisme : un savon anti-moustique. Innovant, le Faso Soap est composé de microcapsules de substances naturellement répulsives. Ces dernières sont développées pour adhérer à la peau des utilisateurs et libérer progressivement leur contenu. D’après ses concepteurs, le savon pourrait ainsi permettre d’éloigner les moustiques plusieurs heures après usage et aider à diviser par deux les risques de contamination. « Nous sommes convaincus que le savon sera un nouveau moyen de prévention efficace, en complément des moustiquaires imprégnées et la pulvérisation d’insecticides dans les habitations », expliquent-ils.
Grâce à ce savon conçu pour être à moindre coût, les initiateurs du projet espèrent sauver 100 000 vies au moins et le distribuer « progressivement à 30 % de la population des 6 pays africains les plus touchés par le paludisme ». Mais près de 4 ans après sa conception, où en est le projet ?
Des recherches qui avancent
Si les « premiers tests se sont révélés encourageants », d’autres examens plus poussés sont encore effectués par le Centre national de recherche et de formation sur le paludisme (CNRFP), situé à Ouagadougou. En 2016, près de 140 essais différents ont permis de découvrir des « mélanges naturels à la fois capables d’éloigner 6 heures les moustiques anophèles, sains pour les peaux sensibles et abordables ». Les porteurs du projet estiment l’avancée de cette partie de la recherche à 80 %. La formulation finale du savon devrait donc bientôt voir le jour. Jusqu’ici, il avait été annoncé que l’effet répulsif anti-moustique du savon s’étendrait durant 6 heures au maximum après usage sur la peau.
Les équipes travaillent toutefois à rendre la solution efficace le plus longtemps possible. Afin de « mieux connaître les habitudes d’hygiène corporelle » et élaborer un produit des plus adaptés, les chercheurs mènent aussi une étude auprès de quelque 1 000 personnes qui se sont portées volontaires. Ils se sont tournés vers des participants vivant dans des conditions différentes, en milieu urbain pour certains, périurbains et rural pour d’autres. À 20 % de son objectif final, cette partie de l’étude semble avancer doucement, mais sûrement.
Enfin, 15 %, c’est le pourcentage d’avancée de la section s’occupant de l’approvisionnement et de la production du fameux savon. « Maîtriser la chaîne d’approvisionnement en matières premières est essentiel pour assurer une production importante de savons anti-moustique. Nous expérimentons la culture de plantes répulsives en Afrique de l’Ouest afin de mettre en place une filière locale pérenne », expliquent les spécialistes.
Un premier prototype dès 2018 ?
Malgré l’attractivité du projet, Gérard Niyondiko et les autres instigateurs du projet ont peiné à trouver des financements et ont dû se tourner vers le financement participatif ou crowd funding pour pouvoir poursuivre les tests de plus en plus chers. Une campagne qui a permis de lever quelque 70 000 euros et de faire avancer le projet. L’état d’avancement des recherches est régulièrement mis à jour sur le site officiel. Si les prochaines étapes se déroulent comme prévu, le prototype de Faso soap pourrait sortir dès avril 2018 avant d’entamer une phase d’homologation de ce produit miracle qui pourrait révolutionner la lutte contre le paludisme.