L’initiative était des syndicats, qui appelaient le gouvernement au début de l’année à une convocation en urgence d’une session extraordinaire du Conseil national du travail (CNT). Dans leur cahier des revendications, les syndicats proposaient, entre autres, l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) net à 15 dollars par jour ; l’annulation de la réforme de l’administration publique en cours, car jugée « fantaisiste » et le rétablissement des allocations supprimées sans motif. Mais le gouvernement a fait la sourde, jusqu’au moment où la menace d’une grève générale et radicale se précise.
Un coup de communication
Cependant, la réaction du gouvernement est tardive. Dans une correspondance datée du 22 août 2017, le ministre d’État en charge de la Fonction publique, Michel Bongongo Ikoli, a demandé à son collègue du Budget, Pierre Kangudia Mbayi, de donner « des instructions urgentes à ses services » en vue de matérialiser la décision du gouvernement de majorer de 20 000 francs les salaires des fonctionnaires et agents de l’État et assurer ainsi la paix sociale au sein de l’administration publique. La correspondance du ministre d’État Bongongo ne donne pas plus de détails, notamment quant à l’entrée en application de cette mesure gouvernementale.
De quoi raviver la tension déjà « explosive » au sein des services publics depuis juillet, après la promulgation du budget de l’exercice 2017 par le président de la République, Joseph Kabila Kabange. Et depuis, les fonctionnaires et agents de l’État mettent la pression sur le gouvernement pour que leurs salaires soient alignés au « taux budgétaire » de la loi de finances de 2017. En juillet, l’intersyndicale nationale de l’administration publique (INAP) et le gouvernement ont rédigé un protocole d’accord qui annonçait, à partir du mois d’août, le réajustement des salaires au « taux budgétaire » de 1 452 francs pour un dollar.
Ce « semblant d’accord » devait être par ailleurs être validé par le conseil des ministres. Contre toute attente, le conseil des ministres a désavoué la commission gouvernementale chargée de négocier avec l’INAP et rejeté le cahier des charges de l’INAP et ses pistes de solution, à savoir l’application du taux budgétaire pour la paie des fonctionnaires et agents de l’État et la convocation d’une commission paritaire (gouvernement-banc syndical) pour la mise en place du barème salarial des fonctionnaires et agents de l’État.
Après débats et délibérations, le conseil des ministres a décidé, d’une part, d’accorder avec effet immédiat une légère augmentation du salaire des agents de l’État et, d’autre part, de mettre en place dans les meilleurs délais la commission mixte paritaire à l’effet de fixer le barème salarial. Cette commission mixte paritaire est composée, en plus des membres des cabinets, des experts du banc syndical, des délégués des administrations de la présidence de la République, de la primature, des ministères du Budget, de la Fonction publique et des Finances, ainsi que des services qui ont déjà été l’objet des missions de contrôle de la paie des salaires.
En l’état, le gouvernement estime qu’il a été piégé par le Parlement, car il ne pourra pas au vu de la situation financière actuelle du pays satisfaire aux revendications des syndicats. Regardant derrière, pourchassé par le tsunami social, le gouvernement s’est rappelé que le bon sens existe. C’est pourquoi le ministère de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, réchauffe le protocole d’accord conclu le 6 avril en vue de la convocation d’une session du CNT, prévue initialement le 27 avril. Le CNT est le mécanisme légal tripartite de concertation et de dialogue permanent entre le gouvernement, le patronat et les syndicats pour prévenir les conflits sociaux. Selon les syndicalistes, « ce cadre est absent ».
Une session du CNT est donc prévue courant septembre. D’après un membre de l’INAP, ce n’est pas par des mesures de plâtrage et des coups de communication que l’on va construire l’avenir, mais c’est avec un revenu décent car le salaire a avant tout un caractère alimentaire. Actuellement, un salarié au Smig gagne officiellement 3 dollars, soit 78 dollars par mois, soit 120 900 francs au taux actuel de la parité USD-CDF ou soit encore 111 150 francs, au fameux taux budgétaire dans la loi de finances 2017. Les syndicats soutiennent que le réajustement du Smig aura pour effet de relancer le pouvoir d’achat des travailleurs et des fonctionnaires en berne suite à la chute de la monnaie nationale. Avec la dépréciation continue du franc, les ménages ont déjà perdu 40 % de leur pouvoir d’achat.
Les syndicats de la Fonction publique rappellent que leurs revendications sociales ne sont jamais prises compte par le gouvernement. Ce dernier fait preuve de bonnes intentions mais ne va pas au-delà, dénoncent-ils. D’après les syndicats, le niveau d’exécution des revendications sociales est nettement en-deçà des 30 %. Cela montre que « le gouvernement répond à son gré aux revendications sociales ».