Le tour de la situation économique avec Henri Yav Mulang

Dépréciation monétaire, mobilisation des recettes, réforme fiscale, mesures économiques d’urgence, budget 2017, relations avec le FMI… Le ministre des Finances fait le point sur la situation économique générale dans le pays.

 

On ne présente plus Henri Yav Mulang. Soixante-deux ans d’une vie aussi passionnée qu’aboutie. Pour ceux qui le connaissent, ils rapportent que « c’est un homme porté vers la perfection ». Avant de passer au ministère des Finances, Henri Yav Mulang a été directeur de cabinet adjoint à la présidence de la République. Économiste de formation, on lui reconnaît une solide expérience de l’étranger et des milieux d’affaires.

Né à Lubumbashi dans une famille ruund, Henri Yav Mulang a rejoint la puissante Association nationale des entreprises du Zaïre (ANEZA) en 1979, qui deviendra en 1997, la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Puis, il a occupé les fonctions de directeur des études à la Fédération des chambres de commerce des États d’Afrique centrale (1984-1989), ensuite de conseiller technique principal au GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), devenu l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à Libreville et à Genève.

En 2005, Yav est nommé directeur de cabinet adjoint du ministre de l’Industrie et des petites et moyennes entreprises (PME), Jean Mbuyu Numyongola, puis, en 2006, administrateur délégué de la Fédération des entreprises du Congo, qu’il s’est chargé de redynamiser jusqu’à sa nomination au cabinet présidentiel, fin janvier 2009. Chargé des questions économiques et de la reconstruction à la présidence, la tâche est à la hauteur de ses compétences. Les « Cinq chantiers » du président, la réforme fiscale, l’amélioration de l’environnement des affaires… Tous les dossiers qui comptent passent sur le bureau d’Henri Yav Mulang.

Optimiste, Henri Yav Mulang l’est de nature et par conviction. Récemment, au cours d’une conférence de presse, le ministre des Finances a laissé transparaître son optimisme quant à la capacité pour la RDC de se sortir des difficultés économiques conjoncturelles, notamment avec le soutien des institutions financières internationales. D’après lui, le gouvernement congolais prend actuellement toute la mesure du mécontentement créé dans la population par la dévaluation rampante du franc par rapport au dollar, qui entraîne une inflation sur tous les produits importés dans cette monnaie.

Lorsqu’il a pris ses fonctions au ministère des Finances, le pays baigne dans une stabilité macroéconomique, attestée au quotidien par des faibles taux d’inflation et de variations peu actives du taux de change sur le marché. Le maintien de ces acquis repose à la fois sur une gestion prudente des finances publiques, une rationalisation de la dépense et une sélectivité de celle-ci en faveur de certains secteurs, en particulier les secteurs sociaux, la santé et l’éducation qui sont tout aussi, moteurs de croissance . Bien sûr que la poursuite d’une telle politique de développement passe par la mobilisation optimale des recettes publiques. Des progrès ont été enregistrés mais d’autres nécessitaient d’être explorés et exploités.

Par ailleurs, la lutte contre certaines antivaleurs qui privent le Trésor public d’importantes recettes est un défi majeur. Il s’agit principalement de la lutte contre la fraude et la corruption pour une grande concrétisation du potentiel fiscal de la RDC. Le président de la République, Joseph Kabila Kabange lui-même s’est fait le « devoir », dans son dernier message à la Nation devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès, de rappeler, une fois de plus, « la fragilité des fondamentaux de notre tissu économique ». Tournée essentiellement vers le secteur tertiaire, et marquée, d’une part, par l’importation des biens de première nécessité consommés par les Congolais et qu’ils ne produisent pas, et, d’autre part, par l’exportation des matières premières, vers les pays industrialisés, source de ses principales recettes budgétaires, mais dont la fixation des cours échappe à notre contrôle, l’économie congolaise va mal. Vraiment mal vu sa taille très réduite.

Il va sans dire, comme l’a martelé le président Joseph Kabila, que tant que ce paradigme ne sera pas changé, l’économie congolaise restera « fragile » et fera continuellement les « frais des soubresauts » de la conjoncture économique internationale. Dans le même ordre d’idées, a renchéri le chef de l’État, tant que le système fiscal sera « écrasant, discriminatoire et truffé d’une parafiscalité lourde, le climat des affaires ne sera pas propice à l’investissement productif ni au civisme fiscal. » C’est tout dit !

Pour rappel, le président de la République a semblé poser clairement les bases du nouveau paradigme. Du moins, il a dévoilé des pans entiers de ce que doit être ce paradigme : « Aujourd’hui, nous avons pris la mesure du défi. Il nous faut agir sans plus attendre. En plus des investissements publics légitimes, l’option est donc définitivement levée de promouvoir le soutien au secteur privé productif à travers particulièrement l’appui direct aux petites et moyennes industries et aux petites et moyennes entreprises, spécialement celles engagées dans l’agro-industrie et inscrivant leurs activités dans le cadre des chaînes de valeurs. »

Et pour y parvenir, a-t-il déclaré, il faut, en effet, produire ce que nous consommons et conférer de la valeur ajoutée à nos produits destinés, non seulement à la consommation domestique, mais aussi à l’exportation, en vue de les rendre plus compétitifs. Et le président de la République a insisté sur « l’impérieuse nécessité » pour le gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat de prendre des « dispositions utiles » en vue de l’adoption, dans les plus brefs délais (…) d’« une nouvelle loi sur la fiscalité », de celle sur le partenariat public- privé, sans omettre la finalisation de la loi portant révision de certaines dispositions du code minier, en sursis depuis plusieurs mois devant les deux chambres. L’amélioration de la situation sociale des populations en dépend, a souligné Joseph Kabila. Serein et peu bavard comme à son habitude, Henri Yav Mulang a annoncé ses couleurs : la rigueur dans le travail.