Le prix a été attribué à Richard Thaler. C’est le couronnement de la recherche sur l’impact de l’humain dans la finance. La finance comportementale permet d’inclure les comportements psychologiques et sociaux dans les décisions financières. La nobélisation de l’économiste française Esther Duflo, qui consacre ses travaux sur la pauvreté et le développement, ne s’est pas réalisée. On peut être déçu, mais ce n’est que partie remise pour la professeure d’économie au MIT et professeure au Collège de France, ancienne conseillère économique de Barack Obama. Pourquoi Richard Thaler a-t-il reçu le prix Nobel et en quoi ses travaux réhabilitent-ils le comportement humain face à une rationalité mécanique décrite par tous les livres d’économie qui mettent en avant un homo economicus archétype en matière de comportement, qui ne serait guidé que par une rationalité instrumentale ?
Les travaux de l’économiste américain Herbert Simon, qui a reçu le prix Nobel en 1978, avaient montré que l’homo economicus avait une rationalité limitée. En 2013, Robert Schiller a obtenu le prix Nobel pour ses recherches sur la finance comportementale. Quel est donc l’apport de Thaler dans cette approche nouvelle de la finance comportementale ? Richard Thaler s’appuie sur l’individu et sur sa réalité au monde.
Il estime que l’individu procède par simplification des problèmes. Il est pour l’aversion à la perte, il est pour une stratégie du court terme et il estime, contrairement aux analyses financières classiques, qu’il ne bâtit pas de stratégie à long terme et que les comportements de l’individu dépendent d’abord des questions qu’il se pose à court terme.
Dans un ouvrage publié en 2008 avec Cass Sunstein (« Nudge », une méthode douce pour inspirer la bonne décision), Thaler montre qu’on peut pousser les individus à faire des bons choix sans forcément retenir les enseignements de la doxa économique traditionnelle rationalisée.
C’est vrai pour la finance mais c’est vrai aussi de la vie quotidienne. Richard Thaler estime que les choix psychologiques et sociaux sont à l’origine des décisions financières. Ces choix peuvent devenir irrationnels lorsqu’ils sont motivés par des attitudes émotionnelles qui peuvent conduire à un panurgisme boursier qui est souvent à l’origine des bulles et des krachs financiers.
Le travail de Thaler est intéressant car il est au carrefour de plusieurs disciplines en économie (l’économie des institutions qui explique le rapport entre le comportement de l’individu et les institutions, l’économie financière).
Le travail de Thaler est-il nouveau ? On peut en douter, même s’il utilise le concept de « comptabilité mentale » pour expliquer les choix équilibrés du manager en fonction de son aversion pour la dépossession.
Les travaux de Thaler permettent de favoriser la finance d’entreprise dans ses pratiques, ses finalités et ses outils. Dans le domaine de la gestion patrimoniale, la finance comportementale peut favoriser à court-terme les stratégies d’épargne massive.
Dans une entreprise, Thaler a proposé aux salariés de mettre de côté une partie de leurs salaires à venir en jouant sur la procrastination du type « j’épargnerai plus demain ».
Les contributions de Thaler à l’économie comportementale enrichissent un domaine qui a été investi par un autre prix Nobel en 2002, le psychologue Daniel Kahneman, qui a mis en évidence l’influence du cerveau humain dans les choix de décision financière. Ces choix sont fondamentaux, ils montrent, grâce à Thaler, que les décisions que nous prenons peuvent sembler illogiques, mais sont en fait très logiques grâce à des biais cognitifs qui contredisent l’hypothèse d’individus parfaitement rationnels guidés un homo economicus rationnel.
La réalité économique selon Thaler n’est pas dans des décisions archétypales fondées sur l’homo economicus, mais dans le substrat du cerveau humain. Le chercheur Richard Thaler réhabilite le rôle de l’humain et du cerveau dans les décisions financières et les choix économiques.