Le gouvernement congolais espère densifier la contribution du secteur des télécommunications à l’économie du pays. Un secteur à fort potentiel qui a enregistré, selon la Banque mondiale, une croissance de 9,6 % du produit intérieur brut (PIB) en République démocratique du Congo en 2016. Selon le ministre des Poste, des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, Emery Okundji, les conditions techniques nécessaires à l’avènement de cette technologie mobile sont en train d’être mises sur pied, notamment le basculement vers la télévision numérique terrestre, en vue de libérer les fréquences pour le haut débit.
Dans le souci de sécuriser l’investissement des opérateurs télécoms présents dans le pays, le ministre des PT&NTIC a indiqué que la RDC leur garantit l’option de renouvellement de leur licence, une fois arrivée à expiration. « Le projet de loi sur les télécommunications déposé par le gouvernement pour adoption au Parlement fixe la durée d’une licence à 20 ans et prévoit la possibilité de son renouvellement. Une telle disposition constitue, à coup sûr, un gage de garantie de sécurité des investissements », laisse entendre Emery Okundji. Il l’a rassuré à une délégation de l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA).
Cependant, de l’avis des experts, l’État va trop vite en besogne et s’emmêle les priorités.
De lourdes présomptions de fraude technique et fiscale pèseraient sur les concessionnaires GSM de la place. Business Compagny Consulting, filiale de l’Entreprise Telecom (ET), recrutée par l’Autorité de régulation des postes, téléphonies et télécommunications (ARPTC) pour juguler la fraude dans le secteur a déjà établi qu’au moins 61 millions de dollars n’étaient pas déclarés chaque mois par les compagnies de téléphonie cellulaire opérant en RDC. Ce manque à gagner ne porte, en effet, que sur les appels entrants et sortants, les texto ou SMS.
Internet et transfert d’argent
L’Internet et le transfert électronique d’argent font l’objet d’une enquête dont les résultats n’ont pas encore été rendus publics. Sous d’autres cieux, les préliminaires de cette enquête suffiraient pour retirer la licence d’exploitation, sinon condamner à de lourdes peines pécuniaires les entreprises incriminées. À ce jour, quatre concessionnaires GSM opère en RDC, à savoir le sud-africain Vodacom, la française Orange, le libanais Africell et le « multinational » Airtel. Il sied également de rappeler que la RDC a pratiquement bradé ses premières licences d’exploitation GSM, à quelque 55 000 dollars, lorsque des petits États sur le continent, dont le Rwanda et le Sénégal, négociaient les leurs à plus de 200 000 dollars.
Des commissions d’enquête parlementaires ont été mises sur pied pour tirer cette affaire au clair mais n’ont guère abouti, voilà 10 ans. Le ministre des PT &NTIC a subtilement éludé la question inhérente au prix de vente par l’État de la licence 4G dont la mise sur le marché des télécoms est pourtant imminente. Des questions du genre pourraient être évoquées en marge de la deuxième édition du Forum Signature électronique prévue pour le 26 octobre prochain, à Casablanca, au royaume du Maroc. Ce forum sera, en effet, centré sur « les apports des technologies blockchain ». Il s’agit d’une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Très souvent, elle est utilisée pour garantir la sécurité et la confidentialité des discussions entre utilisateurs. Une blockchain constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne.
La rencontre de Casablanca réunira les experts du domaine qui proposeront des solutions innovantes tirant profit des atouts du Blockchain pour la signature électronique, et d’autres domaines associés tels que les contrats électroniques, la propriété intellectuelle et la vérification de la contrefaçon, les réseaux sociaux, les objets connectés, le crowdfunding, les innovations pour le monde rural et autres. La RDC n’a pas encore annoncé sa participation à ce forum, qui apprend-on, est réservé à seulement 40 participants. Toutefois, le ministre des PT&NTIC informe que l’État a déjà levé l’option de faciliter l’importation d’équipements TIC et télécoms (Smartphones, tablettes, ordinateurs), afin de contribuer à une plus grande consommation des services des opérateurs télécoms.
Bémol, la douane a plus que jamais dans son viseur les opérateurs télécoms. La DGDA veut cette fois faire la lumière sur la manière de fonctionner des entreprises cellulaires. La régie financière annonce l’organisation d’un audit des sociétés de télécommunication. L’opération devrait coûter 20 milliards de francs. Il sied, par ailleurs, de rappeler que le ministère des Finances a programmé de revoir à la hausse des prix planchers en matière des télécommunications, soit 33 milliards de francs. Cette décision expliquerait probablement la récente augmentation des prix des cartes prépayées des entreprises GSM de la place. Une carte de 50 unités est passée de 700 à 1000 FC.
Au cours de trois premiers mois de l’année, la DGDA a perçu plus de 25,2 millions de francs des droits d’accises sur des prévisions de 24,7 millions, soit un taux de réalisation de 102 %. L’objectif pour les trois derniers trimestres est d’atteindre au minimum 142,3 millions de francs des droits d’accises dans les télécoms pour l’utilisation du crédit de communication. La douane n’est pas le seul service de l’État à douter de la crédibilité des concessionnaires GSM. La Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGDA), qui encadre notamment les revenus du ministère des Postes, des Téléphones et des Nouvelles technologies de l’information, envisage ferme de plonger dans le compte des sociétés cellulaires.
Les PT &NTIC ont rapporté plus de 33 milliards de francs au Trésor public au premier trimestre. Ces recettes représentent 197,9 % des assignations, soit 16,8 milliards de francs. Le ministère des PT&NTIC mise sur des recettes de 133,4 milliards de francs pour le reste de l’année, grâce particulièrement à la vente d’une licence de 4ème génération à 87 940 698 335 FC. Pour autant, la DGRAD recommande l’organisation des missions d’encadrement et de suivi de la mobilisation des recettes du secteur en compagnie des experts du ministère des PT&NTIC (service d’assiette). Mais ici, l’on déplore également l’absence de moyens de contrôle et d’investigation auprès des opérateurs des télécoms ainsi que le manque de prime spécifique et la modicité de la rétrocession. L’ARPTC a pulvérisé ses assignations du premier trimestre 2017, 43,7 milliards de francs perçus sur des projections de 18,7 milliards. L’organe de régulation qui demeure dans le giron de la présidence de la République compte réaliser au moins 77 milliards de francs entre avril et décembre 2017.