Malgré la reconnaissance du rôle des petits paysans dans les nouvelles stratégies de développement, pour lutter contre la faim, la détérioration des écosystèmes et le changement climatique, leur sort reste compromis, là où s’implantent les grandes unités de production, notamment les parcs agro-industriels. Pourtant, promue par les institutions internationales, comme la Banque africaine de développement (BAD), la « cohabitation harmonieuse » entre agrobusiness et agricultures paysannes ne change pas la donne. Au contraire, elle est même source de problèmes. C’est notamment le cas à Bukanga-Lonzo, où les chefs de terres sont montés sur leurs chevaux pour réclamer ce qui leur a été promis et dénoncer ce qui s’apparent à une sorte d’accaparement de terres. Les nouvelles pressions des autochtones viennent s’ajouter aux critiques déjà entendues sur ce projet agro-pastoral qui est loin de faire l’unanimité autour de lui. Quand bien même que la directrice générale du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, Ida Naserwa, explique que le projet a déjà atteint plus de 25 % de ses objectifs, grâce à l’appui du gouvernement et des partenaires, le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), Albert Yuma Mulimbi, a déclaré que « Bukanzo-Lonzo, ce sont des millions de dollars jetés dans le sable ». Le projet aurait déjà englouti plus de 83 millions de dollars.
Quant au sénateur MLC (opposition) Jacques Ndjoli, la grande partie des produits estampillés Bukanga-Lonzo vendus à Kinshasa sont en réalité des produits importés. Selon des sources du ministère de l’Agriculture, le gouvernement a sollicité le concours de la BAD pour viabiliser le parc et ouvrir le projet, s’il le faut, à l’investissement privé.
Dix-sept ans après l’adoption des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) dont l’échéance était prévue en 2015 pour leur réalisation et deux ans après l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD), l’heure n’est guère à l’optimisme. En dépit de l’engagement ferme des Nations Unies visant à réduire de moitié le nombre de personnes dans l’extrême pauvreté, « toutes les conditions sont réunies, estime Olivier De Schutter, pour une nouvelle crise alimentaire. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu mais quand ».
Sans une réforme radicale du système agroalimentaire, la situation ne peut qu’empirer, d’autant que se profilent une baisse des rendements agricoles et une perte irrémédiable de larges étendues de terre, en raison du réchauffement climatique – dans des régions tout particulièrement sensibles aux aléas climatiques et aux stress hydriques – et des pressions exercées par l’urbanisation, la multiplication des projets miniers, hydroélectriques, touristiques et d’infrastructure, gourmands en espaces.