Depuis 2016, le ministère des Mines s’est doté d’un Plan stratégique de développement pour la période 2016-2021. Mais ce plan n’a jamais été validé en conseil des ministres. Tant pis pour personne, chez Martin Kabwelulu, l’on s’en est servi pour élaborer le budget des Mines 2018. Quand les prémisses sont fausses, la conclusion est absurde, selon la logique élémentaire.
Machine à sous
Le constat est de la mouvance de la société civile qui a procédé, fin novembre, sous la coordination du Réseau gouvernance économique et démocratie (REGED), à l’analyse critique de la loi de finances publiques 2018. Le projet de loi de finances 2018 prévoit, en effet, en dépenses 41 808 555 964 francs et en recettes 446 329 642 546 francs pour les mines en tant que service d’assiette relevant de la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et des participations (DGRAD).
Les recettes escomptées pour 2018 passent à 1308379510527FC, si l’on considère les 754 613 874 021 francs des prévisions de la Direction générale des impôts (DGI) et 107 435 993 960 francs de la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Le cabinet du ministre prend une part considérable du budget de fonctionnement, soit 1 411 501 973 francs (avec des rubriques non explicites comme « Autres prestations (395 242 508 FC), indemnités kilométriques (304 304 456 FC) alors que les services d’appoint tels que le Service de géologie et celui de protection de l’environnement minier ont respectivement 269 219 772 francs et 195 721 024 francs.
Des crédits, somme toute, dérisoires au regard des missions assignées à ces services. Par ailleurs, les investissements sur ressources propres comportent des incohérences des chiffres : tantôt, il est fait mention de 902 840 934 francs, tantôt, de 7 02 840 934 francs pour la réhabilitation des bâtiments et l’acquisition véhicules terrestres.
Redevance minière
La redevance minière couvre la grosse part de l’enveloppe des recettes (DGRAD), soit 396 011 573 621 francs sur 446 329 642 546 francs. Le gap de 50 318 068 925 francs porte sur les restes des actes générateurs dont un grand nombre ne porte pas des prévisions, mais sont perçus depuis au moins 2015. Il s’agit notamment de la taxe sur l’autorisation d’achat des substances minérales autres que l’or et le diamant, en 2015 et 2016, pas de prévision, mais une réalisation de l’ordre de 6 448 130 francs pour 2015 et 5 322 928 francs pour 2016. Tt aucune prévision pour 2017.
La taxe sur l’autorisation d’achat des cassitérites n’est pas activée. La vente des produits non marchands du CEEC : carence des prévisions en dépit des réalisations 339 121 888 francs en 2015 ; carence des prévisions en 2016 pour une réalisation de 279 944 967 francs ; pas de prévision en 2017. La vente des produits non marchands de SAESSCAM (service en charge de la petite mine ): carence des prévisions en dépit des réalisations 84 131 330 francs en 2015 ; carence des prévisions en 2016 pour une réalisation de 69 450 375 francs ; pas de prévision en 2017. Cette situation confuse est la conséquence logique, estime la société civile, de la passivité sinon la complicité dans la concussion des services habilités à lutter contre la fraude minière mais également l’insuffisance des moyens logistiques et financiers adéquats ainsi que l’absence de personnels qualifiés.
La société civile déplore aussi le chevauchement des services aux frontières dont les services de sécurité et de renseignement (non habilités) en violation de la directive qui établit à quatre services dont la Direction générale de migration (DGM), Office congolais de contrôle (OCC), DGDA et le service d’hygiène. Et enfin, la politisation du secteur minier, trafic d’influence, conflit d’intérêt, la tribalisation de l’administration (administration des originaires). En outre, le ministère des Mines et la DGRAD ne disposent de même nombre et nature des actes générateurs de recettes du secteur.
La société civile met, par exemple, en exergue le cas de la redevance annuelle pour les entités de traitement et/ou transformation de toutes catégories et tailleries, plus d’un demi-milliard de francs perçus en 2017. Et les prévisions pour l’exercice s’élèvent à 1 414 292 640 francs, selon le ministère des Mines. Curieusement, la DGRAD qui est un service de recouvrement et le ministère du Budget n’alignent pas leurs livres cet acte générateur de recettes si important.
L’attention dans le secteur est essentiellement focalisée sur la redevance minière, pourtant d’autres actes générateurs peuvent également engranger d’importantes recettes, au regard du flux des activités extractives sur l’ensemble du territoire national, note la société civile.
Tenke Fungurume
Il y a peu, le président du conseil d’administration de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), Albert Yuma, avait accusé les firmes partenaires de la société publique de fraude fiscale à grande échelle. Aucune action d’envergure n’est envisagée courant 2018 pour endiguer la fraude dans les mines. Cependant, il est des partenaires de la GECAMINES qui se veulent aussi clean que l’eau de roche. À l’instar de Tenke Fungurume Mining (TFM SA), qui, dans une note adressée au gouvernement, courant novembre, se dit prête à fournir toutes les explications sur sa gestion.
La société a, en effet, déclaré, courant novembre, avoir versé, pour le compte du 3ème trimestre 2017, quelque 56,4 millions de dollars au titre d’impôts et autres paiements connexes au Trésor public et à d’autres services administratifs publics de la RDC. Au cours de la même période, TFM SA a, en effet, produit environ 50 429 t de cathodes de cuivre et 42 11 t de cobalt métal sous forme d’hydroxyde de cobalt. Opérationnel depuis 2006, Tenke Fungurume Mining, filiale de CMOC International, dispose d’un capital de 65 050 000 dollars et d’un effectif de 7 300 employés congolais dont 3 400 employés permanents et 4 200 contractants. Depuis le démarrage du projet, la société chiffre à 1.9 milliard de dollars ses paiements vis-à-vis du Trésor public, dont 976 millions de dollars au titre d’impôt sur les revenus, les redevances et autres obligations fiscales et quelque 470 millions de dollars à la douane. Mais l’on sait la Gécamines s’est opposée au rachat par le groupe chinois CMOC de TFM au sein duquel elle (la GECAMINES) dispose de près de 20 % des parts. « Nos partenaires, depuis 15 ans, nous ont trompés, nous ont volés. Cela doit s’arrêter », a soutenu le président du conseil d’administration de la GECAMINES, Albert Yuma, lors d’un entretien avec des agents et cadres de cette société. Quinze ans, en clair, depuis l’entrée en vigueur du code minier dont la révisitation fait bisbille dans la chambre basse du Parlement. Et Yuma de poursuivre dans ses révélations… de polichinelle. « L’Etat aurait dû toucher 750 millions de dollars d’impôts. L’Etat a touché zéro parce que nos partenaires se sont toujours arrangés pour que leurs comptes d’exploitation soient en perte d’année en année ! ». Tenke Fungurume Mining estime pour sa part, « au regard des conditions fiscales prévues dans sa convention minière, plus de la moitié des retombées économiques générées par le projet reste en RD sous forme de taxes, redevances et droits ». Et TFM de poursuivre dans son communiqué daté du 7 novembre, « si l’on conclut les impacts économiques résultant de la fourniture des services au niveau local, (par exemple, achat de l’énergie auprès de la SNEL), c’est plus de deux tiers des retombées du projet qui restent au pays ». TFM SA chiffre à plus de 2.12 milliards de dollars l’ensemble de ses engagements financiers dont taxes, paiements des actifs, contributions au développement communautaire (TFM social Community Fund) en RDC.
Tenke Fungurume Mining s’est doté de nouvelles installations de broyage avec une capacité moyenne, au troisième trimestre, de 13 551 t par jour. Cependant, pour la société civile, les prévisions de recettes du secteur minier telles que présentées dans le projet du Budget 2018 apparaissent minimes compte tenu de la reprise du cours des matières premières sur le plan mondial et à la hausse de la production du cuivre à 1 million de tonnes.