Cinq actes générateurs de recettes cédés à la Défense nationale

Dans le budget 2018, le ministère des Mines se voit amputer 5 actes générateurs de recettes. Une décision d’autorité de l’État, qui fait jaser. 

Selon un expert du ministère des Mines qui a révélé l’affaire, il s’agit de la taxe d’agrément des dépôts des explosifs, la taxe d’agrément boutefeu, la taxe sur autorisation de minage temporaire, la taxe sur autorisation d’implantation, d’achat, de transport et d’emmagasinage des produits explosifs/mines et la taxe sur autorisation d’implantation, d’achat, de transport et d’emmagasinage des produits explosifs/carrières. In globo, ces taxes devraient rapporter selon les prévisions établies par les ministères des Mines et du Budget, un peu plus de 6 milliards de francs, soit environ 4 millions de dollars lors de l’exercice 2018.

En 2016, la taxe d’agrément des dépôts des explosifs avait rapporté un peu plus de 60 millions de francs et à fin juin 2017, dans le cadre de l’exercice budgétaire en cours, environ 135 millions de francs. L’année dernière, les revenus dus à la taxe de l’agrément de boutefeu étaient de 6,5 millions de francs, à fin juin 2017, de 6 millions de francs sur des prévisions annuelles de 21 millions de francs.

Le code minier

Les recettes provenant de la taxe sur l’autorisation de minage temporaire sont pratiquement passées du simple au quadruple, en 2015 et 2016, période pendant laquelle plus de 255 millions de francs ont été perçus. À mi-exercice 2017, les assignations d’environ 600 millions de francs ont déjà été atteintes, voire dépassées à plus de 900 %, soit en numéraires, 6 107 230 905 francs. Cependant l’autorisation d’implantation, d’achat, de transport et d’emmagasinage des produits explosifs/ mines et celle des carrières n’ont pas, curieusement rapporté, jusqu’à fin octobre 2017, un seul centime au Trésor public. « La faute à la DGRAD », soutient cet expert des Mines, qui accuse la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) de maquiller les recettes des Mines. Il sied de rappeler qu’à chaque conférence budgétaire, les experts de la DGRAD et ceux des services d’assiette se livrent une véritable guerre des chiffres contradictoires. Et au ministère des Mines, l’on ne semble guère digérer la dépossession des actes générateurs de recettes repris ci-haut. « Une décision de l’État, qu’il s’agisse d’une ordonnance du chef de l’État ne saurait guère modifier une disposition du code minier », fait comprendre cet expert. Quinze ans après son entrée en vigueur, le code minier est en pleine révision à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, en octobre 2016, le ministère des Mines avait rendu publique la liste des cinq entreprises détentrices des autorisations portant fabrication, transport, emmagasinage, emploi, vente et importation des produits explosifs. Il s’agit d’African Explosives limited, AEL, établie à Lubumbashi dans le Haut-Katanga. Cette firme produit des nitrates d’ammonium, des agents de sautage, des émulsions en vrac, des émulsions encartouchées ainsi que des artifices de mise à feu. AEL a notamment des dépôts à Likasi, Kipushi, Ruashi, Kinsevere, Dikulushi, Kapolowe, Kakanda, Kansuki, Tenke Fungurume et Kolwezi et une usine de fabrication à Kansuki. La firme ORICA, dans l’ex-Province Orientale produit également les mêmes explosifs pour le compte de Kibali Gold. La société Bulk Mining Explosives, BME fabrique des émulsions pompables  à Kinsafu, dans le Haut-Katanga. Etablie sur avenue Muishie, au quartier Beau-Vent dans la commune de Lingwala, FEM/Congo produit notamment des artifices de mise à feu dans son site du Haut-Katanga. Elle achète et vend aussi des produits explosifs. Il y a enfin l’Afridex ex-Socidex mais dont la principale usine de Likasi ne tourne plus en plein régime.

Il va donc sans dire que les sociétés précitées doivent non seulement passer sous le contrôle technique d’Afridex mais aussi lui verser les frais inhérents à toute manipulation d’explosifs en termes des taxes ci-haut repris. Il s’agit entre autres de la taxe d’agrément des dépôts des explosifs, la taxe d’agrément boutefeu, la taxe sur autorisation de minage temporaire.

L’ordonnance n°16/051 du 3 mai 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement d’un service public dénommé Africaine d’Explosifs (AFRIDEX), il est stipulé que le service public jouit de l’autonomie administrative et financière, mais le ministre ayant la Défense nationale dans ses attributions, exerce un contrôle hiérarchique sur les actes et le personnel de ce service. « Le contrôle hiérarchique sur le personnel s’exerce sous la forme du pouvoir d’instruction. Il se traduit par l’émission d’ordres de service et de circulaires pour le bon fonctionnement des services d’Afridex », lit-on dans l’ordonnance du chef de l’État. Laquelle poursuit que « le contrôle hiérarchique sur les actes s’exerce, selon les cas, par voie d’avis préalable, d’annulation, de réformation et de substitution, des décisions prises par les autorités d’Afridex.

Pour mémoire, il y a deux ans, en avril 2015, le gouvernement avait levé l’option de dissoudre la Société commerciale et industrielle d’explosifs (SOCIDEX) et de reprendre sa dénomination d’antan, AFRIDEX. L’entreprise remonte, en effet, à la colonisation (1948à. L’ex-SOCIDEX compte parmi les 20 entreprises publiques transformées en sociétés commerciales. Son siège est à Likasi, dans la province de Lualaba, mais AFRIDEX dispose des antennes notamment à Kinshasa, Lubumbashi, Goma.

Lors de sa mutation en société commerciale avec statuts d’une Sarl en 2010 puis en Sa en 2012, l’ex-SOCIDEX avait un capital 1 240 190 342,42 francs, soit près de 1,350 million de dollars. L’État demeure l’actionnaire unique de la société. Ses statuts d’alors ne font nullement mention de sa gestion par les Forces armées la République démocratique du Congo (FARDC).

Monopole 

En 2015, le ministre de la Défense et des Anciens combattants de l’époque, Aimé Ngoy Mukena, indiquait que le gouvernement avait opéré des mutations en profondeur au sein de la société à l’issue de l’assemblée générale extraordinaire de la SOCIDEX dont le patrimoine a été  transféré à la nouvelle société Africaine d’explosifs (Afridex) sans que cela ne puisse donner naissance à une autre personne morale. Le ministre de la Défense avait notamment soutenu que l’objectif de la dissolution de l’ancienne entreprise est d’avoir un établissement public dirigé par l’État et qui assure le monopole du secteur dans le cadre des explosifs.

En France, dans le code pénal, on propose une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour diffusion à un public non professionnel de modes de fabrication d’engins explosifs. La peine peut aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros, lorsque la diffusion de cette information circule sur un média de type Internet. En RDC, dans l’ordonnance n° 16/051 du 3 mai 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement d’un service public dénommé Africaine d’explosifs, il est stipulé le service public jouit de l’autonomie administrative et financière, mais le ministre ayant la Défense nationale dans ses attributions exerce un contrôle hiérarchique sur les actes et le personnel de ce service.