Le sommet qui se tient au siège de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba, en Ethiopie, a ouvert ses assises (22-23 janvier) avec la 35è session ordinaire du Comité des représentants permanents (COREP). Puis, c’était le tour (25-26 janvier) de la 32è session ordinaire du Conseil exécutif. Enfin, la 30è session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UA s’est ouverte le 28 pour se clôturer le 29 janvier.
D’après le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, la session du COREP a réuni notamment les ambassadeurs des 55 États membres de l’UA basés à Addis-Abeba, et des fonctionnaires clés de l’UA. Sous le thème principal « Gagner la lutte contre la corruption : un chemin durable vers la Transformation de l’Afrique », la session du CRP a examiné et délibéré sur les questions liées à l’agriculture, au transport, aux sciences et technologies, aux technologies de l’information et de la communication, ainsi que sur des questions liées aux questions juridiques et financières,
Lutte contre les flux financiers illégaux et illicites
Moussa Faki Mahamat a invité les États membres de l’UA à jouer un rôle primordial dans la lutte contre la corruption, sur laquelle le bloc panafricain se concentrera en 2018 et au-delà. « La pertinence de ce choix est évidente en raison de l’ampleur du fléau de la corruption sur le continent avec ses effets dévastateurs sur le développement économique, la corrosion de notre cohésion sociale et la déstabilisation de notre ordre politique », a-t-il déclaré.
La Commission de l’UA fera de son mieux et mettra en œuvre les décisions qui seront adoptées, a ajouté son président, ajoutant que « la première responsabilité est sur les épaules des États membres ». Il a appelé les États membres de l’UA à lutter plus résolument contre les flux financiers illégaux et illicites. Il a également réitéré l’importance de la réforme de l’UA pour l’efficacité de l’Union. « Je voudrais souligner l’importance cruciale de cette réforme, sa conclusion est la garantie d’une efficacité accrue de notre Union pour en faire un outil susceptible de porter nos ambitions et de les traduire en actes », a-t-il déclaré. « C’est la condition même de l’indépendance financière qui garantit elle-même notre destin entre nos mains et notre souveraineté de décision », a-t-il renchéri, ajoutant que « sans cette indépendance, l’Afrique n’est rien ».
La réunion du COREP a préparé l’ordre du jour du sommet de l’UA avec des recommandations appropriées pour examen par le Conseil exécutif, comprenant les ministres des Affaires étrangères de l’UA. Lors de l’ouverture de la session, il a été noté que la question liée aux récentes remarques du président américain Donald Trump décrivant les nations africaines comme des « pays trous de merde » devrait être examinée et une déclaration devrait être publiée par la Commission de l’UA à ce sujet.
Indépendance financière
Les travaux délibératoires de la 32ème session ordinaire du Conseil exécutif de se sont ouverts, jeudi 25 janvier avec la participation des ministres des Affaires étrangères des États membres, dont le Maroc. Le président de la Commission de l’UA a appelé le Conseil exécutif à se mobiliser pour atteindre les objectifs prioritaires de l’Agenda 2063 de l’organisation, en particulier celui de l’indépendance financière. Il a également abordé la question de la corruption, relevant que ce fléau a atteint « des proportions alarmantes ».
« Les rapports établissent clairement que les ressources détournées par la corruption en Afrique peuvent, si elles sont investies dans le développement, supplier le recours à l’assistance extérieure », a-t-il dit.
Moussa Faki Mahamat n’a pas manqué de mettre l’accent sur l’importance de la réforme institutionnelle de l’UA.
« Réformer résolument l’outil continental et lutter contre la corruption, n’est-ce pas faire œuvre de cohérence et de logique? », s’est-il interrogé. Lors de sa 32è session, le Conseil exécutif de l’UA a examiné les rapports du COREP, du président de la Commission africaine pour la période de janvier à décembre 2017, ainsi que les rapports des comités du Conseil exécutif et des comités ad hoc. Il a aussi examiné les projets d’instruments juridiques et le projet d’ordre du jour de la 30è session ordinaire du sommet des chefs d’État et de gouvernement africains.
Il a procédé, par ailleurs, à l’élection de 10 membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS) pour un mandat de deux ans. Cette élection devra marquer l’un des moments forts de ce 30è sommet africain, selon les observateurs.
Lors de ce 30è sommet, le président guinéen Alpha Condé devra céder le flambeau au président rwandais, Paul Kagamé, qui prendra la présidence de l’Assemblée de l’UA, l’organe suprême de décision de l’organisation continentale, pour l’année 2018. Le Conseil exécutif a, par ailleurs, étudié les projets de décisions et de déclarations devant être soumis pour adoption par les chefs d’État et de gouvernement de l’UA.
Corruption, la pieuvre
« Gagner la lutte contre la corruption : une voie durable vers la transformation de l’Afrique », c’est le thème de la 30è Session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et du gouvernement. La corruption touche de façon inégale les pays africains. Certains s’en sortent extrêmement bien comme le Botswana ou le Rwanda, selon le dernier Index sur la perception de la corruption, réalisé chaque année par l’ONG de lutte contre la corruption Transparency International. En bas du classement, la Somalie, le Tchad, la Centrafrique ou encore la République démocratique du Congo.
La corruption se pratique à différents niveaux et se répercute sur l’ensemble de la société. Il y a ce qu’on peut appeler la « petite corruption », celle qui affecte directement le quotidien des citoyens, par exemple lorsqu’un élu local détourne de l’argent destiné à la construction d’un puits ou d’un centre de santé. Il existe aussi une corruption de niveau intermédiaire, lorsque des fonctionnaires – comme les enseignants de la fonction publique – sont recrutés sans que leurs diplômes ou leurs compétences ne soient vérifiés. Enfin, il y a aussi la « grande corruption », celle qui est orchestrée au sommet de l’État ou au sein des élites. Cette forme de corruption nuit au bon fonctionnement de l’appareil étatique et peut conduire, à long terme, à l’épuisement des ressources financières des pays, au détriment de leur développement.
Le coordinateur Afrique de l’ONG Transparency International, Lucas Olo Fernandes, interrogé par RFI, pointe également la responsabilité de certains pays occidentaux, en particulier dans les pays producteurs de ressources naturelles. C’est le cas de la RDC où les convoitises extérieures alimentent les systèmes de corruption en place. Ces pratiques coûtent 50 milliards de dollars par an aux États africains, précise Lucas Olo Fernandes. Le coût de la corruption est également humain – une route mal construite, c’est plus d’accidents mortels – et un coût écologique lorsqu’en échange de pots-de-vin, des terrains miniers ou forestiers sont ravagés sans aucune restriction.