Depuis son plancher de 1,04, en janvier 2017, la paire euro/dollar a eu le vent en poupe, la monnaie unique s’étant appréciée de près de 20 % face au billet vert sur la période. « Malgré un sentiment très positif du marché à son égard, le dollar a connu un pic peu après l’élection du président Donald Trump et le dollar index (cours du dollar face à un panier de devises majeures, dont l’euro) est désormais tombé de 12 % depuis la fin de l’année 2016 », rapporte Paul Jackson, directeur de la recherche d’Invesco Powershares.
« Sur la période, l’euro a bénéficié de l’effet Macron, qui a suscité un regain d’optimisme sur le risque politique européen, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) a entamé la sortie graduelle de sa politique ultra-accommodante. A contrario, le dollar a été un temps affecté par des inquiétudes sur la croissance américaine, puis par les propos du secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, qui a affirmé qu’un dollar faible était bon pour l’économie du pays. L’enquête liant Donald Trump à la Russie et sa possible destitution ont aussi pesé sur le billet vert », rapporte Nordine Naam, stratégiste chez Natixis.
Nouvelle chute en vue
« Le plus surprenant est que la faiblesse du dollar est survenue malgré des écarts de rendement évoluant en sa faveur », souligne pour sa part Paul Jackson. En effet, la rémunération des emprunts d’État américains à 10 ans dépasse désormais de deux points celle des obligations souveraines allemandes de même échéance.
Les explications communément avancées pour expliquer la déconfiture du dollar sont l’élargissement des déficits jumeaux (budgétaire et commercial) américains, ainsi que le niveau élevé de la dette publique et le statut de débiteur international des États-Unis », indique l’expert. Paul Jackson juge que le dollar pourrait à nouveau chuter en cas de « guerre commerciale pure et simple ».
En effet, selon lui, même si une diminution des échanges commerciaux pourrait réduire le déficit du compte courant américain (ce qui aurait un impact positif sur le billet vert), cela se produirait à un niveau plus bas de l’activité économique mondiale (la FED aurait alors plus de marge pour réduire les taux, ce qui pénaliserait le dollar). Cela dit, historiquement, quand le dollar s’éloigne de l’écart de rendement entre les emprunts d’État américain et allemand, les deux convergent à nouveau à un moment donné, le dollar effectuant la majeure partie du travail. Nous pensons que ce scénario se reproduira et nous ne serions pas surpris de voir un rebond du billet vert au cours de l’année, estime-t-il.
« À court terme, la paire euro/dollar devrait rester globalement stable, à près de 1,24, en l’absence d’éléments nouveaux. D’autant que la Banque centrale européenne (BCE) devrait garder une certaine prudence dans sa rhétorique. Pour autant, à moyen terme, la monnaie unique devrait peu à peu gagner du terrain face au billet vert », pense pour sa part Nordine Naam. En effet, selon lui, l’euro devrait profiter de la meilleure dynamique économique de la zone euro, tandis que la BCE devrait progressivement préparer les marchés à un changement de politique monétaire. Outre la sortie attendue de son programme de rachats d’actifs massifs, la Banque centrale devrait procéder à un relèvement de son taux directeur d’ici mi-2019.
Quant au dollar, il devrait « continuer de s’effriter graduellement, malgré les relèvements programmés du taux directeur de la Réserve fédérale », d’après ce spécialiste, qui incrimine l’alourdissement attendu du déficit budgétaire des États-Unis. Il devrait passer de 3,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017 à 4 % cette année, puis 5 % en 2019, ainsi que le creusement probable du déficit commercial. Natixis juge ainsi que l’euro pourrait atteindre 1,28 à horizon fin 2018 – début 2019.
L’analyse technique
Du point de vue de l’analyse technique (analyse graphique et mathématique de l’évolution des cours), l’euro « tente depuis trois mois de franchir la Swing Line (ligne reliant les creux majeurs de 2010 et 2012), qui correspond presque, actuellement, au point de passage d’une ligne de tendance baissière majeure, reliant les sommets de 2008, 2011 et 2014. Il évolue donc à proximité d’une zone de résistance particulièrement forte, située à 1,2520 dollar », relève Robert Haddad de la Banque SBA.
Selon Bloomberg Finance, la monnaie unique se retrouve donc actuellement à la croisée des chemins. « Si elle devait s’affranchir de façon nette de cette résistance clé, elle pourrait vraisemblablement se hisser à 1,2755, puis 1,3045 dollar. Des objectifs correspondant globalement à ceux de la banque américaine Morgan Stanley (1,27 et 1,30), qui vient de réviser en hausse ses cibles de cours pour la paire euro/dollar. A contrario, si l’euro devait échouer à franchir la résistance clé, il pourrait rechuter en direction de 1,2092 ».