Pour ou contre l’automédication

En Europe, on se demande encore pourquoi le laboratoire GlaxoSmithKline a racheté les parts (36 %) de Novartis dans leur coentreprise de médicaments vendus sans ordonnance, alors que trois jours auparavant, il a renoncé à la branche OTC de Pfizer.

 Pour ceux qui ne le savent pas, OTC (en anglais, over the counter) signifie les médicaments vendus sans ordonnance. Le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) a déboursé, le 27 mars, 10 milliards d’euros pour acquérir les 36 % de Novartis dans leur entreprise commune spécialisée. Pourquoi engloutir une telle somme à l’heure des investissements à tous crins dans les maladies rares et la pharmacie de spécialité – oncologie et cardio-vasculaires en tête. Les spécialistes expliquent : d’abord pour avoir un matelas de sécurité. GSK récupère toutes les recettes de la division (9 milliards d’euros en 2017). Le laboratoire britannique consolide surtout son portefeuille, incluant des marques très grand public comme Voltarène (anti-inflammatoire) ou Nicotinell (sevrage tabagique).

Ensuite, dans l’OTC – bon an, mal an, moins de 5 % des ventes mondiales de médicaments -, ce qui est grand, est plus que jamais beau, dit-on. Boostée par les marchés émergents, le vieillissement de la population et la baisse des dépenses publiques de santé, l’automédication va certainement croître. Mais ses marges sont menacées. « Comme pour les génériques, il y a une pression sur les prix, avec une concurrence accrue de la part des fabricants, note Alice Lhabouz, présidente de Trecento AM ». Cette pression pourrait aussi être accentuée par un « effet Amazon », croient savoir les mêmes spécialistes. En 2017, le géant de l’e-commerce s’est attaqué au marché, proposant même sa propre gamme OTC, fabriquée par le génériqueur Perrigo.

D’après les mêmes spécialistes, le marché va donc se scinder entre les big pharmas qui sortent pour récupérer du cash, comme Novartis, et ceux qui, déjà bien implantés, pousseront jusqu’au bout la logique de la taille critique. « Ils maintiendront ou augmenteront leurs marges grâce à la digitalisation des ventes ou des baisses de coûts issues des restructurations, dit AliceLhabouz. Et joueront sur l’effet volume et la complémentarité des produits pour peser dans les négociations avec les distributeurs. » De quoi conforter Pfizer, toujours sortant, qu’il trouvera bientôt preneur.

De plus en plus pratiquée. 

Si en Occident, l’automédication est de plus en plus pratiquée, on ignore combien en Afrique s’y livrent. Par exemple, près de 85 % des Français recourent aux médicaments sans ordonnance contre moins de 79 % il y a 17 ans, selon une étude de l’AFIPA. Selon les spécialistes, la plus grande facilité à se procurer des médicaments en vente libre et la difficulté d’accès à un médecin dans certaines zones encourageraient cette pratique qui peut s’avérer dangereuse.

Ceux qui pratiquent l’automédication se défendent en arguant que tous les maux ne méritent pas une consultation médicale et qu’il est souvent légitime de vouloir gagner du temps en se soignant par soi-même. C’est le principe même de l’automédication. Les petits maux que l’on peut soigner soi-même sont par exemple le rhume, une migraine ou des troubles digestifs passagers… Utilisée de cette manière, elle permet de soulager des symptômes simples sans attendre une consultation médicale.

Malheureusement, lorsqu’elle n’est pas « responsable », l’automédication peut être une source importante de dangers, notamment en cas de réutilisation d’un médicament prescrit préalablement sans l’autorisation d’un médecin. Comme il y a souvent une « sur-prescription » de médicaments, et comme les laboratoires conditionnent les médicaments dans des boîtes qui contiennent parfois plus qu’un traitement, l’usager peut se constituer un stock. La tentation est alors forte de se « servir » dans la pharmacie familiale pour guérir un symptôme déjà connu, et d’utiliser des médicaments loin d’être anodins comme des anxiolytiques, des antibiotiques ou des anti-inflammatoires. Il s’agit d’un mésusage fréquent qu’il faut absolument bannir.

Pendant la petite saison sèche (janvier à mars), période de grande chaleur, on entre dans la phase épidémique de la grippe. C’est la période où l’on tousse, se mouche et où la gorge gratte… La tendance est à se soigner par ses propres moyens. Mais attention tout de même à l’automédication : certains médicaments disponibles sans ordonnance, en particulier contre le rhume ne sont pas sans danger. Selon le professeur Jean-Paul Giroud, pharmacologue clinicien reconnu, membre de l’Académie de médecine, et Hélène Berthelot, pharmacienne, seuls quelques médicaments sont « à privilégier », comme Vicks Vaporub, Imodiumcaps, Gaviscon menthe, Forlax 10 g, Maalox sans sans sucre (mais Xolaam, son jumeau méconnu, est vendu environ deux fois moins cher). « Ils ont un rapport bénéfice/risque favorable ». « De toute façon, la durée d’utilisation doit être courte », souligne le professeur Giroud. En revanche, d’autres médicaments sont tout simplement « à proscrire », si le rapport bénéfice/risque est défavorable en automédication. Surtout les tout-en-un parce qu’ils cumulent des risques de surdosage et d’effets indésirables gravissimes (accidents cardiovasculaires et neurologiques, vertiges…).