Ils sont de retour dans l’arène politique et ce n’est pas bon signe… À qui la faute ? Comment leur faire inculquer leur rôle pour privilégier la qualité et non pas la quantité ? Nous voulons parler, vous l’avez compris, des partis politiques. Dans le débat politique actuel, au pays, en prévision des élections à venir, nous observons que le savoir-faire économique est bien éloigné des préoccupations des politiciens.
À quelques mois de la présidentielle et des législatives, élections prévues en décembre, sauf imprévu, nous ne voyons une véritable vision économique ni chez les candidats déjà déclarés ni chez d’autres, qui attendent le go ahead de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour se lancer dans la course au pouvoir.
Ce que nous voyons, c’est la recherche du pouvoir à tout prix. Le pouvoir de l’enrichissement personnel. Depuis 1990, le pouvoir d’État est otage des antagonismes qui paralysent son bon fonctionnement.
Nous avons pensé que la crise économique, dont nous avons ressenti le plus fort de la bourrasque en 2016-2017, allait mettre les politiciens en situation de réfléchir et de donner des solutions à l’avenir économique du pays… Réels ou hypothétiques, les bouts de phrase que l’on entend ci et là ne reflètent pas une vision économique et sociale que l’on constate dans les pays occidentaux, même dans d’autres pays africains, avant, pendant et après les élections. En 1990, le peuple congolais, à l’instar des autres peuples africains, a montré qu’il voulait ardemment la démocratie pour améliorer son vécu quotidien. Lorsqu’il l’a reçue, il s’est senti comblé et l’a manifesté. Mais les fruits n’ont pas tenu les promesses des fleurs.
Alternance politique ?
Et depuis, le processus patauge. Cela arrive : la démocratie est une construction délicate, jalonnée de tentatives avortées, qu’il faut reprendre, sans se décourager. Laissons aux historiens le soin de désigner au sein de la classe politique congolaise la responsabilité de cet échec. Depuis 1990, le pays compte trop de partis fondés sur des allégeances tribales et sur les prévisions de la « météo politique », selon l’expression chère à un politicien notoire qui fait l’unanimité autour de sa versatilité et son goût très prononcé pour l’argent, incapables de s’entendre.
Faute de savoir-faire économique, ils ont laissé le pays se déliter. L’alternance politique ? Ils l’ont appelée de tous leurs vœux. Il faut oser le dire et aussi le faire savoir : la politique d’un pays vaut ce que vaut sa classe politique : cohérence, sérieux, travail, options, orientations vont du haut vers le bas. Le mauvais exemple aussi : abus de pouvoir, corruption et népotisme. La RDC doit la mauvaise situation dans laquelle elle se débat à sa classe politique : elle n’est pas encore ce qu’elle devrait être. Elle a besoin d’une mise à niveau. Quelqu’un a dit : « Tous pourris ! »
Les Congolais réclament de la confiance, de la démocratie et pas de la démagogie. L’humanisme est en train de se perdre, c’est triste. Tant de créativité, d’intelligence, de technicité dans ce pays bousillées par des politiciens qui ne sont pas à la hauteur. Regardez le débat télévisé de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle en France… On ne peut qu’avoir de l’admiration. Un homme qui est de la génération de mon père, c’est-à-dire par ses origines paysannes et qui n’a pas fait de longues études comme moi, a un côté sage à ce propos : « Si le monde était un pays, on confierait la politique aux Français. »
En 2007, il a regardé le débat télévisé entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. En 2012, entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Et en 2017, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il s’en souvient comme si c’était hier… Sur son visage et dans son propos, je lis une tristesse certaine. Et quand je lui demande ce qu’il veut dire par-là, il me tient à peu près ce langage : « Ce n’est pas demain que nous parviendrons à un tel niveau de vie politique quand je compare avec ce qui se fait chez nous. En France, faire la politique n’est pas un gagne-pain, mais exercer un mandat public. On ne vient pas en politique pour se mettre les poches pleines, mais pour réaliser un programme économique et social. »
Par ailleurs, les fondateurs de partis politiques, hier, présidents nationaux, se sont transformés, aujourd’hui, en « autorité morale ». Ce sont les « présidents de droit divin ». Cela finira-t-elle un jour ? « Pas de sitôt. Les grands changements ont rarement lieu dans les partis politiques même quand ils tiennent congrès. Les partis politiques en RDC ont toujours fonctionné de façon autocratique selon un centralisme non démocratique, selon un système dynastique. Le père puis le fils ou l’épouse dans l’ordre de succession ou de suppléance ».
L’exigence de la responsabilité
En 1990, la lame de fond des conférences nationales en Afrique, comme expression des aspirations des populations, fut de coupler l’exigence de la protection des droits fondamentaux de l’homme avec la nécessité de développement ou de prospérité. À la Conférence nationale souveraine (CNS), conduite des mains de maître par Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kisangani, les participants ne parviennent pas à leur but ultime. Celui de faire partir le dictateur Mobutu du pouvoir d’État et d’instaurer un nouvel ordre politique national fondé sur les valeurs de la démocratie.
En pur animal politique et fervent admirateur de Machiavel dont il connaît par cœur l’œuvre « Le Prince », il applique, à merveille, la règle selon laquelle il faut diviser pour mieux régner. Avant la tenue de la CNS, le Mouvement populaire de la révolution (MPR) devenu « fait privé » a comme face à lui tous les autres partis politiques. Ceux-ci sont constitués, collégialement, comme structures culturelles avec l’idéal démocratique soit par d’anciens dignitaires du régime au pouvoir, soit par des nouveaux venus dans la politique, qui se recrutent dans toutes les couches de la population.
Dans cette effervescence démocratique, la dynamique politique du moment est favorable à l’opposition et aussi à la société civile. L’opposition radicale est même qualifiée de « blanchisserie » car elle lave plus blanc tous ceux qui ont renié leur foi en Mobutu présenté comme « le diable ». Elle confère aussi une sorte de légitimité populaire aux politiciens. Quand vient la CNS, le régime au pouvoir cherche à faire le surnombre. On assiste, impuissants, à la création en cascade de partis politiques et associations des jeunes. Ils sont très vite taxés d’« alimentaires » car sans assise populaire réelle. Beaucoup d’initiatives sont l’œuvre de figures inconnues pour ne pas attirer le soupçon. Ces partis politiques et associations des jeunes sont aussi qualifiés de « formations de mallette », c’est-à-dire sans local permanent. Ils sont soignés aux petits oignons grâce à l’argent public à travers les réseaux du parti présidentiel.
Contrairement à la plupart des partis politiques d’avant la CNS, les partis et associations alimentaires sont des « faits privés », c’est-à-dire la propriété de leurs fondateurs (qui se font désormais appeler « autorité morale »). Ils ont le statut légal octroyé en bonne et due forme mais sont dépourvus des membres, si ce n’est que des proches (membres de famille) et quelques amis. Ils n’ont pas d’adresse connue si ce n’est que celle de la résidence de leurs fondateurs. Pour le besoin de la démonstration de la mobilisation populaire, ils recourent souvent à des intermittents, à coup de billets de banque (location des bus, T-shirts, collation…).