Selon toute vraisemblance, les indicateurs du cadre macroéconomique sont favorables à l’économie pour le moment. Mais prudence tout de même, laisse entendre le Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque centrale du Congo (BCC). La prudence justement était au centre de la 5è séance de l’année, lundi 18 juin, de cet organe technique de la Banque centrale, qui passe en revue le comportement de la monnaie nationale. Présidée par Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, Gouv’ de la BCC, cette réunion a porté notamment sur trois points, à savoir l’analyse des développements économiques récents aux plans extérieur et intérieur et les facteurs de risque à court terme, le comportement des instruments de politique monétaire au mois de mai ainsi que les mesures de politique monétaire et de change à mettre en place pour le second semestre de 2018.
À propos de développements économiques récents aux plans extérieur et intérieur et les facteurs de risque à court terme, le CPM note qu’au plan extérieur, l’économie mondiale poursuit son expansion mais à un rythme modéré avec un taux de croissance projeté à 3,9 % cette année et 3,8 % en 2019 contre 3,7 % réalisé en 2017, selon le Fonds monétaire international (FMI). « Ce dynamisme de croissance est tiré principalement par la hausse des investissements, conjuguée au regain du commerce international », lit-on dans le communiqué sanctionnant la 5è réunion de l’année du CPM.
Persistance des risques
Bien que cette reprise économique se maintienne, poursuit le même communiqué, « la persistance des risques de dégradation reste encore présente notamment en ce qui concerne le protectionnisme commercial, la normalisation des politiques monétaires et budgétaires en vue, le surendettement et, bien entendu, les tensions géopolitiques ». Le CPM constate que dans la Zone Euro, « le ralentissement de la croissance économique rend plus difficile la remontée de l’inflation vers la cible de 2 % ». Dans ce contexte, « la politique monétaire devrait rester accommodante, au moins jusqu’à ce que la croissance reprenne et que les risques politiques et le protectionnisme commercial se dissipent ». Selon des estimations, aux États-Unis, la croissance approchera les 3 % en 2018, soit un niveau supérieur à son potentiel. Les dépenses de consommation semblent répondre à l’augmentation du revenu disponible grâce à un marché du travail sain et aux réductions de l’impôt sur le revenu des particuliers. Les investissements demeurent solides, sur fond d’une grande confiance des entreprises.
Les performances économiques des pays émergents et en développement demeurent vigoureuses, enregistrant même une croissance de la production industrielle la plus rapide depuis 2012.
La croissance économique pour ces pays devrait se hisser à 4,5 % en 2018, avant d’atteindre 4,7 % en 2019, à la faveur de la consolidation de la reprise des exportations des marchandises et du tassement des prix et ce, après la hausse enregistrée en début de cette année. Cette solidité est attribuée, en partie, à la résilience de l’économie chinoise qui semble avoir eu des répercussions positives sur l’Asie par le biais des chaînes d’approvisionnement.
Le communiqué du CPM souligne qu’à fin mai 2018, « les cours des principales matières premières exportées par la République démocratique du Congo ont connu des évolutions divergentes ». Les cours du pétrole et du cobalt ont enregistré des hausses mensuelles de 7,34 % et 1,43 %, s’établissant respectivement à 77,03 dollars le baril et à 97 442,17 dollars la tonne métrique. Par contre, le cours du cuivre a enregistré une légère baisse pour se situer à 6 820,65 dollars la tonne à fin mai venant de 6 825,55 dollars le mois précédent.
Sur le plan interne, les estimations provisoires de la Commission d’études statistiques et des comptes nationaux (CESCN), faites sur base de réalisations de production à fin mars 2018, situent le taux de croissance pour 2018 à 4,2 % contre 3,7 % et 2,4 % réalisés respectivement en 2017 et en 2016. Concernant le baromètre de conjoncture, le solde global d’opinions des chefs d’entreprise, bien que demeurant positif, a connu un fléchissement à fin mai 2018 par rapport au mois précédent, s’établissant à 10,9 % venant de 17,9 % un mois auparavant. Ce recul est consécutif au déficit énergétique et à la baisse des activités dans l’industrie manufacturière.
Sur le marché des biens et services, des tensions modérées ont été observées en mai 2018. En effet, selon le CPM, il ressort une tendance à l’accélération de l’inflation en rythme mensuel, s’établissant à 1,194 % contre 0,730 % un mois plus tôt. Cette évolution est en partie attribuable aux augmentations des tarifs des transports dans un contexte du rattrapage de la fiscalité pétrolière, occasionnant des hausses graduelles du prix du carburant à la pompe.
En cumul et en glissement annuel, le taux d’inflation a atteint respectivement 4,943 % et 42,993 %. Toutes choses restant égales, l’inflation se situerait à 12,078 % face à un objectif optimal à moyen terme de 7,0 %. Quant aux finances publiques, la situation du compte général du Trésor à fin mai 2018, intégrant l’amortissement de la dette, a enregistré un solde excédentaire de 33,8 milliards de francs (CDF) contre un déficit programmé de 45,6 milliards. Les recettes se sont établies à 586,8 milliards de CDF et les dépenses à 553,0 milliards.
En cumul annuel à fin mai 2018, les opérations financières de l’État, incluant l’amortissement de la dette, se sont clôturées par un excédent de 542,4 milliards de CDF. « Cette situation tient notamment aux avances fiscales faites par certaines entreprises minières et à l’effort de mobilisation de la DGI. En excluant ces avances des miniers pré-affectées aux dépenses de la CENI, ces excédents seraient de 185,9 milliards de CDF ».
Cinq semaines d’importation !
Au niveau du secteur extérieur, « la stabilité du taux de change se poursuit sur le marché des changes ». En effet, par rapport à fin avril 2018, la monnaie nationale s’est dépréciée de 0,06 % et 0,55 % respectivement à l’indicatif et au parallèle. Les taux indicatif et parallèle se sont fixés respectivement à 1 620,98 CDF le dollar et à 1 647,83 CDF. À fin mai 2018, l’exécution du budget en devises s’est soldée par un excédent mensuel de 21,15 millions de dollars. En cumul annuel, il s’observe une augmentation nette des devises de 344,28 millions de dollars, portant les réserves internationales à 1 188,30 millions de dollars, soit 5 semaines d’importations de biens et services sur ressources propres.
S’agissant du secteur monétaire, la situation monétaire a été marquée par une évolution contrôlée des agrégats. À fin mai 2018, souligne le CPM, l’encours global du Bon BCC s’est établi à 10,0 milliards de CDF, soit une injection mensuelle et annuelle, respectivement de 2,5 milliards de CDF et 25,0 milliards de CDF. « Eu égard à ce qui précède et compte tenu de l’environnement globalement stable en termes des perspectives, le dispositif actuel de la politique monétaire de la BCC reste inchangé ». Ainsi, le taux directeur demeure à 14,0 %. Les coefficients de la réserve obligatoire sur les dépôts en devises à vue et à terme sont maintenus respectivement à 13,0 % et 12,0 % et ceux pour les dépôts en monnaie nationale à vue et à terme à 2,0 % et 0 %. Le Bon BCC sera éventuellement utilisé en vue des ajustements urgents de la liquidité. « Aussi, le CPM encourage-t-il le gouvernement à poursuivre avec une gestion saine des finances publiques et à accélérer la mise en œuvre des mesures structurelles à l’effet de favoriser la diversification de l’économie congolaise, gage de la consolidation de la stabilité macroéconomique ».