Kinshasa, lundi 25 juin. Jean-Lucien Bussa, ministre d’État et ministre du Commerce extérieur, préside la troisième réunion du Comité national de pilotage du Projet de facilitation du commerce transfrontalier dans la région des Grands lacs (PFCGL). Il a un seul message à passer aux participants : « Ces assises sont appelées à produire une feuille de route claire et des orientations précises devant contribuer à la réussite de la mise en œuvre du projet. » Et il ajoute : « L’objectif de cette troisième réunion du comité consiste à évaluer l’état d’avancement des activités du projet à fin mai 2018 et à arrêter les meilleures options pour atteindre les objectifs escomptés. »
Pour rappel, le PFCGL vise le renforcement de la capacité de commerce et la réduction des coûts subis par les commerçants, en particulier les petits trafiquants et les femmes, aux endroits bien déterminés dans les zones frontalières. Ce projet a quatre composantes. La première porte sur l’amélioration des infrastructures, la deuxième concerne les réformes des procédures visant à faciliter le commerce transfrontalier, la troisième est axée sur la gestion des frontières fondée sur les performances et la quatrième composante est relative soutien à la mise en œuvre du projet, à la communication et au processus de suivi et évaluation.
Le champ d’application du PFCGL couvre particulièrement les parties nord-est, est et sud-est de la République démocratique du Congo. Dans ce cadre, il apporte un appui à la politique de consultation régionale ainsi que aux mécanismes d’harmonisation et de mise en œuvre des réglementations adoptées au niveau régional, en particulier celles développées par le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA). La Banque mondiale est partie prenante dans le projet, car elle apporte son soutien financier. Depuis 2015, elle a déjà débloqué 34 millions de dollars en faveur de la RDC pour le financement du projet.
Accès à l’information
Une antenne du COMESA a été installée dans la zone frontalière neutre entre Goma (RDC) et Rubavu, ex-Gisenyi (Rwanda) modernisée afin d’aider les petits commerçants de la RDC et du Rwanda à accéder facilement aux informations sur le commerce transfrontalier. Ce bureau fournit tas d’informations utiles aux opérateurs économiques, notamment sur la douane (documentation simplifiée), les transports, l’hébergement et les prix de produits de base. Le commerce transfrontalier entre Goma et Rubavu est essentiellement fait des produits de première nécessité dont 60% passent par le circuit informel ou la contrebande. Pour les autorités provinciales du Nord-Kivu, le PFCGL sera un outil précieux pour l’amélioration de leur performance ainsi que pour la promotion des économies des pays de la région.
D’autant plus que la RDC tient à faire du commerce transfrontalier « un outil de paix, d’intégration et de développement dans la région des Grands lacs ». En octobre 2016, deux ateliers ont été organisés à Kinshasa sur les thèmes de : « Le commerce transfrontalier et la paix dans la région des Grands Lacs » et « Sensibilisation et formation des acteurs publics et privés sur les avantages de la mise en œuvre du Régime commercial simplifié (RECOS) ». Ces deux rencontres s’inscrivaient dans le cadre du Projet Commerce au service de la paix, relatif à une directive de la 7è réunion des ministres des Affaires étrangères, Djibouti, novembre 2006.
Organisés par le ministère du Commerce extérieur, en collaboration avec l’Unité de gestion et de coordination du Projet de mise en œuvre de l’intégration régionale (PMIR/COMESA) et la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du Fonds européen de développement (COFED), ces ateliers avaient regroupé des experts et des acteurs majeurs du commerce transfrontalier des pays de la région des Grands Lacs. Ils ont bénéficié de l’appui financier de l’Union européenne (10è Fonds européen de développement) dans le cadre des Facilités d’ajustement COMESA/Mécanismes d’appui à l’intégration régionale (FAC/MAIR).
Les conflits intercommunautaires, la lutte pour le contrôle des ressources naturelles et le manque de terres sont les freins à l’intégration régionale. D’après des observateurs, les systèmes politiques nationaux ont montré leurs « limites ». C’est pourquoi il faut chercher une solution au niveau régional. Le commerce transfrontalier apparaît ainsi comme « un socle de paix » pour les pays et les peuples de la région. À Goma, des associations des femmes commerçantes rwandaises et congolaises travaillent ensemble, les populations se côtoient, se connaissent et diminuent ainsi les risques des conflits.
L’expérience est jugée positive, c’est pourquoi les mêmes observateurs demandent à encourager les initiatives du genre et à réformer la légalisation pour formaliser les associations des petits commerçants qui exercent dans l’informel. Ceci aidera l’État à bénéficier des taxes et à mettre en place des bureaux d’information commerciale (BIC) sur les normes.
Les défis à relever
Le RECOS du COMESA joue justement le rôle de clarification des normes, de réduction du coût et du temps de dédouanement, de création d’emplois et de richesses, et d’accroissement de la production des entreprises, car le marché devient vaste avec beaucoup de consommateurs. Mais pour y arriver, il faut mettre fin aux nombreuses tracasseries des agents publics aux postes frontaliers, réduire les taxes et redevances aux frontières, faciliter l’obtention des documents migratoires comme le visa, harmoniser le coût de la distance du péage route entre les différents pays, construire des routes, des chambres froides et des entrepôts pour les marchandises, des marchés publics avec toilettes, renforcer le communication et l’information des commerçants sur la douane, ou encore promouvoir les femmes par des subventions ou crédits…
Le COMESA a élaboré un livret sur le RECOS (en français et swahili) pour sensibiliser les petits commerçants transfrontaliers. Il est prévu des « marchés COMESA » aux postes frontaliers entre la RDC et le Rwanda (Goma et Rubavu), la RDC et le Burundi (Kavimvira et Gatumba), la RDC et l’Ouganda (Bunagana et Bunagaga). Ces initiatives visent à aider les petits commerçants transfrontaliers (surtout des femmes et des jeunes) à quitter le commerce informel et à tirer profit des avantages liés à la franchise. Elles visent aussi à résoudre les problèmes de pauvreté, d’insécurité alimentaire et de sous-développement général des populations transfrontalières. Le RECOS facilitera également la fiabilité dans l’établissement des statistiques officielles des douanes.
Au ministère du Commerce extérieur, on fait savoir que la RDC a déjà harmonisé les listes des produits éligibles au RECOS avec la Zambie, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, formalisé les associations des petits commerçants aux 13 postes frontaliers retenus par le COMESA. Au moins 16 bureaux d’information commerciale des petits commerçants ont été créés, dont 7 sont établis aux postes de frontière de la RDC…
Mais, la RDC a encore des défis à relever dans le cadre de la mise en œuvre du RECOS. Il faut des mesures réglementaires pour appliquer les normes COMESA, des procédures simplifiées pour les petits commerçants qui ne comprennent pas pourquoi, avec leur maigre capital de survie, ils doivent remplir trop de papiers administratifs. Il faut aussi lutter contre la corruption qui est une prime à la fraude, la dissimulation, à la sous-déclaration et à la sous-facturation des marchandises. Un commerçant reconnu honnête par les services du fisc obtiendra la Carte verte (Green Card), et ses marchandises ne traîneront de ce fait plus pour de multiples contrôles.