L’OPÉRATION d’identification et d’enregistrement des détenteurs de permis de port d’armes à feu a débuté le 16 juillet au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité à Kinshasa. Elle est effectuée par la Commission nationale de contrôle des armes légères et de petit calibre et de réduction de la violence armée.
Dans la mouvance de la société civile, des voix s’étaient élevées l’an dernier pour que soit officiellement établie et rendue publique la liste des civils porteurs d’armes en République démocratique du Congo. Selon des observateurs avertis dans la mouvance de la société civile, plus de la moitié des porteurs d’armes se sont officiellement déclarés, fin 2016, dans l’ambiance des manifestations de l’opposition réclamant la tenue de l’élection présidentielle.
Le climat sociopolitique tend de nouveau à se détériorer aux avant-veilles des élections dont la présidentielle annoncée, sauf imprévu, pour le 23 décembre prochain. Le gouvernement avait gelé, en 2016, toute délivrance de permis de port d’arme même dans le cadre de la chasse ou de sport. Mais le Trésor public a tout de même encaissé plus de 1.3 million de francs, selon la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD), qui encadre les recettes du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité en tant que service d’assiette.
D’après Hans Stareck, auteur de « L’impact du commerce illicite d’armes légères dans l’instabilité de la région des Grands Lacs africains » en 2008, il est un marché d’armes légères qui échappe à tout contrôle, notamment en RDC.
Marché noir
« En effet, ce marché est difficile à définir, il n’est ni noir ni blanc, ni transparent, le marché gris concerne généralement des transferts secrets, menés par des gouvernements, des intermédiaires soutenus par des gouvernements ou d’autres entités qui exploitent les lacunes de la législation où contournent intentionnellement les politiques ou internationales. Les transferts sur le marché gris recouvrent des ventes à des pays destinateurs sans gouvernement ou autorité légale identifiable comme la Somalie et des transferts entre gouvernements et des acteurs non gouvernementaux… ».
Selon RFI qui, en 2016, citait un rapport confidentiel du comité des sanctions de l’ONU, « un lot d’armes serait arrivé au début de l’année 2014 dans le port industriel de Matadi. Des pistolets seraient en vente au marché noir ». Réactivée en 2017, la délivrance des permis de port d’armes a rapporté officiellement 30,8 millions de francs, soit autour de 35 000 dollars. Le même montant a été reconduit comme assignations de 2018, tout simplement parce que le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité n’avait pas envoyé ses délégués aux conférences budgétaires.
Le renouvellement du permis de port d’armes gelé également en 2016 a cependant rapporté près de 25 millions de francs en 2017, soit plus de 27 000 dollars. Pour mémoire, la fabrication et l’achat des armes à titre d’autodéfense sont permis en RDC depuis 1985. La loi sur le contrôle d’armes de petit calibre de 2010 a davantage circonscrit ce marché. Depuis 2016, les demandes de port d’armes d’autodéfense ont explosé.
Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur et Sécurité n’a plus rien perçu comme recettes relevant des autorisations spéciales de fabrication d’armes d’autodéfense, de chasse ou de sport depuis trois ans. Ce qui laisse à penser que l’État ne permet plus depuis 2015 la fabrication d’armes même pour des raisons d’activités sylvestres en RDC. Sans doute, au regard du climat sécuritaire qui s’est considérablement détérioré dans le pays (Kamwina Nsapu, BDK, Maï-Maï… activisme de l’opposition).
Difficile également de se faire une idée sur les vendeurs d’armes… d’autodéfense en RDC. À l’époque trouble de la transition mobutienne, un Français et président d’un club de foot kinois a été soupçonné d’en détenir le monopole. Il n’a jamais démenti. Toutefois, si le gouvernement peut avoir une certaine maîtrise sur le nombre et l’identité des porteurs d’armes à Kinshasa, l’exercice sera plus complexe dans l’arrière-pays.
100 dollars contre une arme
L’ONG PAREC (Programme Œcuménique de Paix, Transformation des Conflits et Réconciliation) de Ngoy Mulunda négocierait une nouvelle campagne de récupération d’armes auprès des civils dans la région des Kasaï, a-t-on appris. Ce qui nécessite des moyens financiers considérables à moyen terme pour battre campagne. La crédibilité de l’action de pacification qu’envisage de mener le PAREC s’en trouve, d’emblée, écornée.
Toutes les campagnes menées jusque-là par Ngoyi Mulunda dont « Vélo contre Kalachnikov, « Arme contre 50 ou 100 dollars » à Beni-Lubero, Tanganyika, Kinshasa, etc. ont, en réalité, été financées par le gouvernement. Des dépenses extrabudgétaires, sans aucune traçabilité même dans la loi sur la reddition des comptes. Par ailleurs, il existe officiellement une structure chargée notamment de récupérer des armes de petits calibres auprès des civils et des groupes armés. Il s’agit de la Commission nationale de contrôle des armes légères et de petit calibre et de réduction de violence armée.
La Commission a déjà fait ses preuves dans la province du Tanganyika où des conflagrations interethniques entre pygmées et bantous ont occasionné une circulation incontrôlée d’armes légères. Elle envisageait de récupérer plus de 4 000 armes. Cinq ans plutôt, dans l’ambiance trouble qui avait caractérisé l’avant et l’après-élection présidentielle, la Commission avait établi, sur financement des gouvernements belge, allemand et australien, un rapport selon lequel plus de 300 000 armes légères et de petit calibre étaient détenues par des civils dans l’Est du pays : Goma, Rutshuru, Beni, Lubero, Butembo.