Cela a mauvaise. Facebook boit la tasse. Mark Zuckerberg a perdu 17 milliards de dollars en quelques heures, le jeudi 26 juillet. La publication des comptes de Facebook et l’annonce de perspectives peu engageantes pour le premier réseau social de la planète ont été lourdement sanctionnées, à Wall Street. Le fondateur, actionnaire de référence, en a fait les frais… C’est dire que Facebook est à la peine. Plombé, entre autres, par les conséquences de l’affaire Cambridge Analytica, le réseau social rassemblant près de 2,2 milliards d’utilisateurs dans le monde a fait état d’un « ralentissement, plus marqué que prévu », de la croissance de son chiffre d’affaires.
Évoquant ses contre-performances, le groupe fondé par le milliardaire Mark Zuckerberg les a attribuées à différents facteurs, parmi lesquels les scandales à répétition, qui lui coûtent très cher en investissements, ou encore, dans une moindre mesure, le Règlement européen des données personnelles (RGPD), entré en vigueur dans l’Union européenne fin mai pour mieux encadrer l’utilisation des données personnelles.
Pire, le ralentissement de la croissance et la hausse des dépenses vont se poursuivre nettement dans les mois qui viennent, a averti la direction. En outre, « la hausse des dépenses sera supérieure à celle du chiffre d’affaires » en 2019, a asséné Dave Wehner, le directeur financier du réseau social. Assommés, de nombreux investisseurs se sont précipités pour vendre leurs actions. Un peu après minuit, ce jeudi 26 juillet, le titre dégringolait ainsi de plus de 20 %, à 173,50 dollars, dans les échanges électroniques d’après clôture, alors qu’il avait inscrit un nouveau record historique en séance.
Facebook était encore valorisé près de 620 milliards de dollars à la clôture : ce sont ainsi près de 125 milliards de dollars qui partent en fumée – soit la valeur cumulée de Sanofi et Legrand, à la Bourse de Paris ! Alors qu’il détient encore près de 14 % du capital, Mark Zuckerberg doit faire grise mine. En l’espace de quelques heures, sa fortune a en effet été ramenée à moins de 70 milliards, contre 86,5 milliards à la clôture de la séance de mercredi 25 juillet. Mais qu’on se rassure. Les déboires de Mark Zuckerberg sont à relativiser, puisque sa fortune avait bondi de 24 milliards depuis le creux majeur de mars dernier sur l’action Facebook, selon des données Bloomberg.
Tentative désespérée
C’est une tentative (un peu désespérée) de plus pour Facebook qui veut se faire une place sur le marché chinois. Selon le Washington Post, l’entreprise américaine va bientôt ouvrir une filiale en Chine. Pays dans lequel le réseau social est toujours inaccessible. La filiale en question, pour laquelle Facebook a déjà obtenu un permis, sera implantée dans la ville de Hangzhou, au sud-ouest de Shanghai.
Il s’agira d’un incubateur de start-up, qui aidera au développement de jeunes entreprises locales. Coût de l’opération : 30 millions de dollars de capitaux. Si un tel investissement est une première pour Facebook, l’ambition qui se cache derrière, elle, n’a rien de nouveau. Pour le réseau social, l’objectif est clairement de séduire le marché chinois, duquel il est pour le moment en partie exclu. Dans le pays aux 1,3 milliard d’habitants, Facebook et les autres applications du groupe sont en effet interdites et bloquées, pour la plupart depuis 2009.
Un PDG prêt à tout
Depuis des années, Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, tente de faire plier le gouvernement chinois sur ce point… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est prêt à tout. En 2016, le New York Times rapportait que Facebook aurait mis au point un outil permettant de censurer des informations dans une zone géographique donnée. La firme n’avait alors pas nié l’existence d’un tel outil, tout en expliquant « n’avoir pris aucune décision sur [son] approche avec la Chine ». Mark Zuckerberg avait aussi multiplié les rencontres avec les dirigeants de Pékin.
Pour eux, il avait lâché ses sempiternels t-shirts et pulls gris au profit d’un costume-cravate, appris le mandarin pour faciliter les échanges, et même risqué un jogging malgré un important nuage de pollution sur la célèbre place Tiananmen, s’attirant les moqueries des internautes. Facebook a aussi lancé en août 2017 une application de partage de photos en Chine, nommée « Colorful Balloons ». Enfin, l’entreprise a ouvert des bureaux à Hong Kong – d’où elle n’est pas bannie.
Des réseaux sociaux locaux et censurés. Ces initiatives n’ont pas vraiment été couronnées de succès. La Chine refuse toujours d’entendre les doléances de Facebook, qu’elle juge « dangereuse » car elle pourrait servir à diffuser des informations non contrôlées. Le pays préfère favoriser des entreprises locales lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux en général. Weibo est l’équivalent de Twitter, WeChat ferait pâlir WhatsApp.
Ce n’est pas uniquement pour le gouvernement chinois un choix économique, mais aussi et surtout une question de contrôle. Une entreprise locale est plus simple à surveiller – et éventuellement censurer – qu’une firme étrangère comme Facebook. Sur Weibo, le gouvernement chinois peut choisir ce que vous voyez en haut de votre fil d’actualité, ou décider de bannir des hashtags jugés trop sensibles… Et ça, ça n’est pas prêt à changer.
La censure, ces derniers mois, s’est plutôt intensifiée en Chine concernant Internet que l’inverse. N’en déplaise à Mark Zuckerberg et sa cravate. En fait, à bien y regarder, il se pourrait même que l’incubateur ne voit jamais le jour. En 2015, Facebook avait ainsi obtenu un permis pour installer des locaux à Beijing. Mais le délai octroyé pour la construction par le gouvernement chinois, de seulement trois mois, n’avait pas permis à la firme d’être prête, et donc, de faire aboutir ce projet.