OFFICIELLEMENT, ce 10è sommet – en présence des présidents russe Vladimir Poutine, chinois Xi Jinping, brésilien Michel Temer, sud-africain Cyril Ramaphosa et du 1ER Ministre indien Narendra Modi – devait débattre de la « Collaboration en vue d’une croissance inclusive et d’une prospérité partagée ». Mais en dénonçant en juin le « protectionnisme » des États-Unis qui « mine la croissance mondiale », les puissances émergentes ont déjà donné le ton.
« La spécificité du sommet » de Johannesburg, c’est « le contexte » dans lequel il s’est tenu, a expliqué à l’AFP Maxime Orechkine, le ministre russe de l’Économie. « Nous sommes à un moment où les États-Unis et la Chine annoncent presque chaque semaine de nouvelles mesures. C’est une guerre commerciale », a-t-il ajouté. « Les discussions entre dirigeants sur le commerce sont particulièrement importantes pour coordonner nos positions. » Ces derniers mois, Donald Trump, le président américain, a déclaré la guerre à ses principaux rivaux commerciaux, Pékin, Bruxelles et Moscou en tête, dont il a fait des « ennemis ». En plus des dirigeants des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), de nombreux chefs d’État, dont le Turc Recep Tayyip Erdogan, le Rwandais Paul Kagame, l’Angolais Joao Lourenço, l’Ougandais Yoweri Museveni ont été invités au sommet.
Menaces et dénonciations
Après les taxes douanières sur l’acier et l’aluminium visant surtout la Chine, les États-Unis menacent désormais de surtaxer les importations automobiles européennes, de sanctionner les pays qui commercent avec l’Iran et de taxer de façon punitive la totalité des importations chinoises. Les États-Unis ont accusé en 2017 un déficit commercial de 376 milliards de dollars avec Pékin. En retour, la Chine a dénoncé la volonté de Washington de déclencher « la pire guerre commerciale de l’histoire » et riposté en taxant de nouveaux produits américains. Dans ce contexte, la Chine a plaidé pour un renforcement de la coopération au sein des Brics. « Cette année, le sommet de Johannesburg a une importance toute particulière en ce qui concerne la coopération des Brics compte tenu des nouvelles circonstances », a estimé Xi Jinping lors de sa visite d’État en Afrique du Sud.
Rapprochement. Le mot a été lâché. Lancé en 2009, le forum de cinq pays émergents, qui rassemblent plus de 40 % de la population de la planète, tente de contrebalancer des règles du jeu économique écrites par les Occidentaux. Le conflit commercial entre les États-Unis et leurs partenaires menace « à court terme » la croissance mondiale, a prévenu le Fonds monétaire international (FMI). Il nuit notamment « à tous les membres des Brics », qui ont du coup « un intérêt collectif à promouvoir le commerce » entre eux, a confirmé à l’AFP Sreeram Chaulia, doyen de l’école des relations internationales de Jinda en Inde. Cet expert cite en exemple la réponse de l’Union européenne (UE) qui a signé, en représailles à la politique américaine, un accord de libre-échange préférentiel avec le Japon. « Les accords commerciaux plurilatéraux dans le cadre d’associations de pays comme les Brics sont devenus de plus en plus importants compte tenu des barrières commerciales égoïstes, et au final à court terme, mises en place par les États-Unis », estime lui aussi Kenneth Creamer, économiste à l’université sud-africaine du Witwatersrand.
De son côté, la Russie voit dans cette guerre commerciale une bonne raison de développer le commerce en devises nationales entre les pays des Brics. « Dans tous les pays des Brics, on comprend de plus en plus qu’il faut s’orienter activement » vers des échanges hors dollar, a relevé Maxime Orechkine. La Turquie a été invitée en tant que présidente de l’Organisation de coopération islamique (OCI). Erdogan, le président turc, devait profiter de sa présence à Johannesburg pour rencontrer Poutine, le président russe. Les deux chefs d’État n’ont pas la même vision sur les événements en Syrie.