Tout politique d’emploi comporte deux volets, l’offre et la demande. Actuellement, selon plusieurs sources officielles et non officielles recoupées, la population active en République démocratique du Congo est estimée à quelque 50 millions de personnes. Chaque année, on estime environ 400 000 nouveaux demandeurs d’emplois.
Le centre d’études stratégiques Alter souligne que la plupart des Congolais au chômage cherchent activement un emploi et d’autres sont des « actifs découragés », la formule consacrée pour les chômeurs qui ont renoncé à rechercher un emploi. Les 20-40 ans sont de loin la catégorie d’âge la plus touchée, avec 54,2 % de la population active sans emploi.
Ce centre réalise chaque année une étude du marché du travail. Il fait ressortir que les femmes ont actuellement plus de chances de trouver un emploi que les hommes, non pas en raison du genre ou de niveau de qualification. Selon l’étude Alter, pour l’année 2017, la hausse du chômage s’explique en partie par des licenciements dans les secteurs minier, manufacturier et des services. Après avoir enregistré des taux de croissance proches de 8 % entre 2009 et 2014, l’économie congolaise a tourné au ralenti, en raison notamment de la chute des cours des matières premières et de quelques mouvements sociaux dans des secteurs stratégiques comme les mines et l’industrie.
Une vraie politique d’anticipation
Les chercheurs d’Alter précisent que si l’économie ne prospère pas, il y aura moins de créations d’emplois. Et s’il n’y a pas de politique de l’emploi anticipative, mêmes les quelques emplois qui seront créés n’auront pas d’impact significatif sur la demande. Ces chercheurs sont d’accord avec les experts qui préconisent que l’accent soit mis et sur la croissance et sur la formation. La formation à elle seule, ne suffira pas pour régler le problème d’emploi. De nouvelles entreprises ne pourront voir le jour que s’il y a une forte croissance économique ; laquelle permettra par ailleurs aux entreprises existantes de pouvoir générer du profit, d’accroître leurs activités et de créer de nouveaux emplois.
Le débat se corse sur le concept chômeur. Aujourd’hui, tout celui qui s’adonne à une activité rémunératrice n’est pas considéré comme chômeur. Par exemple, la vendeuse de beignets ou de pains, la commerçante qui fait des navettes, le vendeur de journaux… D’où la difficulté d’établir des statistiques fiables. Il est temps qu’au niveau national, l’on tienne des registres actualisés dans tous domaines, secteur par secteur, notamment en matière d’emploi ou de chômage. Personne ne sait dire aujourd’hui combien d’entreprises fonctionnent au pays, combien ont mis la clé sous le paillasson, combien continuent à embaucher et où…
Les statistiques sont donc une question cruciale pour le développement d’un pays, expliquent les chercheurs d’Alter. Dans le secteur de l’emploi, malheureusement, l’Office national de l’emploi (ONEM) qui est l’organe technique du gouvernement, n’a pas les moyens (humains, techniques et financiers) qu’il faut pour centraliser toutes les données sur l’emploi. Il ne joue pas son rôle capital de mener des réflexions et proposer les pistes de solutions adéquates.
Selon Alter, sur l’ensemble de l’année 2017, les créations d’emplois privés seraient moins nombreuses : moins de 50 000 emplois. En 2018, l’organisme prévoit que le nombre de chômeurs par an continuerait d’augmenter, se situant à un demi-million de demandeurs d’emploi sans activité supplémentaires.
Indicateur de tension
Le chômage est un indicateur de tension sur le marché du travail, marquant le désajustement entre la demande et l’offre. Au niveau national, le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT) est estimé à quelque 5 millions de personnes, ce qui correspond à un taux de chômage de 15 %. Comme la plupart des pays africains, la RDC est un pays agro-pastoral où la terre représente un facteur économique, sinon le seul facteur de production. L’accès à ces ressources est crucial pour assurer les moyens de subsistance pour au moins 70 % de la population congolaise, expliquant ainsi le très faible taux de chômage constaté en milieu rural (1,2 %).
Le chômage est essentiellement un phénomène urbain. Ainsi, un tiers de l’ensemble de chômeurs congolais sont kinois, soit un taux de chômage dans la capitale très élevé (plus de 15 %). Au niveau agrégé, le chômage affecte davantage les hommes que les femmes, quel que soit le milieu de résidence. Le taux de chômage décroît avec l’âge, le chômage touchant beaucoup les jeunes urbains.
D’ailleurs, plus de 60 % des chômeurs kinois sont des primo-demandeurs. Paradoxalement, le taux de chômage croît avec le niveau scolaire. Dans la capitale, le taux de chômage des personnes non scolarisées est de plus de 8 %, contre plus de 16 % pour celles ayant suivi des études secondaires ou supérieures.
La durée du chômage est longue, puisqu’elle atteint en moyenne plus de cinq ans au niveau national, (67 mois à Kinshasa). La mobilisation du réseau de solidarités familiales est l’option privilégiée des chômeurs dans leur recherche d’emploi. Dans la capitale, seulement 2 % des chômeurs ont fait une démarche pour trouver un travail auprès de l’ONEM. Par méconnaissance de cet organisme, il apparaît clairement que cette agence de placement des chômeurs ne joue pas son rôle efficacement et demande à être restructurée.
Le nombre d’actifs occupés en RDC est estimé à 20 343 500, la capitale concentrant 7,3 % des actifs occupés. Au niveau national, la moitié des emplois sont occupés par des femmes, 46 % en milieu urbain. Le taux de salarisation, qui constitue un indicateur du degré de formalisation des relations de travail, est de 29 % en milieu urbain. La pluriactivité souvent mise en avant comme une stratégie généralisée des ménages pour accroître leurs revenus est faible en milieu urbain, puisque moins de 7 % des actifs occupés kinois exercent au moins une activité secondaire, le phénomène étant plus répandu en milieu rural (18 %).
La répartition par secteur institutionnel des emplois est un bon indicateur synthétique de la structure du marché du travail. C’est évidemment l’ensemble du secteur informel qui occupe la première place : 91 % des actifs occupés y sont employés au niveau national, variant de 71 % dans la capitale à 95 % en zone rurale. Le secteur public vient en deuxième position avec 17 % des emplois kinois. Enfin, moins d’un actif sur dix travaille dans le secteur privé formel de la capitale tandis que ce secteur est quasiment inexistant en milieu rural.
Le niveau d’instruction des salariés du secteur public est de loin le plus élevé : 11 années d’études scolaires réussies contre 5 en moyenne au niveau national. Bien qu’il ne compte que 17 % des actifs occupés à Kinshasa, le secteur est majoritairement composé de cadres (61 %). L’ancienneté des salariés du public dans la capitale est aussi très supérieure à celle de tous les autres secteurs : près de 12 ans en moyenne, soit 4 ans de plus que dans les autres secteurs.
Après le secteur public, le secteur privé formel présente le plus fort taux de salarisation, (92 % dans l’ensemble urbain). En milieu urbain, les actifs occupés de ce secteur sont relativement plus nombreux dans les entreprises de moins de 10 personnes que dans celles de plus de 50 personnes, respectivement 37 % et 29 % des emplois. Relativement plus jeunes que dans le secteur public, les employés du secteur privé formel sont aussi bien formés avec 11 années d’études scolaires réussies en moyenne.
Il convient de distinguer les activités informelles agricoles des activités non agricoles, ces dernières étant concentrées en milieu urbain. Les activités informelles non agricoles en milieu urbain proviennent à plus de 90 % d’unités de production de moins de 6 personnes, dont 69 % sont des auto-emplois. Le taux de salariat est ainsi le plus faible avec moins de 15 %. Plus de la moitié des emplois informels non agricoles se trouvent dans le commerce et près d’un quart dans les services. Le secteur industriel n’est cependant pas négligeable dans le secteur informel, puisqu’il compte plus de 20 % des emplois. La main-d’œuvre du secteur informel est plus jeune : 20 % des actifs ont moins de 25 ans. Avec un niveau d’études moyen de 8 années, c’est aussi le secteur le plus féminisé puisque plus d’un actif sur deux à Kinshasa est une femme.
Dans le secteur informel agricole en milieu rural, près de la moitié des unités de production sont des unités de deux personnes et 27 % sont des auto-emplois.
La main-d’œuvre agricole, par ailleurs très féminisée est aussi plus âgée, 60 % des actifs ayant dépassé les 40 ans. Le niveau scolaire est très faible avec moins de 4 années d’études. L’ancienneté dans l’emploi est la plus longue, ce qui témoigne de l’attachement des populations rurales à leurs terres et/ou de l’incapacité de migrer vers les centres urbains.