Le prochain président de la République héritera d’une situation, c’est-à-dire un pays en train de recoller les morceaux sur tous les plans et à tous les niveaux. De l’avis de beaucoup d’aviseurs sur la politique en République démocratique du Congo, Joseph Kabila Kabange, le président de la République, a défendu, le 19 juillet, devant les parlementaires réunis en Congrès au Palais du peuple « les chantiers de son action » depuis qu’il est au pouvoir.
Quoiqu’encore commenté diversement, au pays comme à l’étranger, ce « message à la Nation » est pourtant à tous points de vue un « discours bilan », car il donne une tonalité aux réformes déjà engagées depuis 2001 et trace la voie pour celles à venir. Un politologue congolais qualifie les 17 ans de pouvoir de JKK de « roman inachevé ». Pour lui, « le bilan de Joseph Kabila collera à l’esprit comme un vieux sparadrap colle aux doigts. Quand on réécoute ou relit le discours du chef de l’État du 19 juillet, on comprend que son successeur n’a surtout pas droit à l’erreur. C’est à se demander s’il aura même le bénéfice du temps de grâce. Il se devra d’être un battant malgré lui.
État de la Nation
Devant les deux Chambres du Parlement réunies en Congrès, JKK a passé en revue la situation du pays. Se félicitant de « la paix, la stabilité politique et économique qui règnent sur le territoire national ». C’est le « fruit du dur labeur et des énormes sacrifices consentis, nuit et jour, avec le soutien de toutes les institutions de la République, afin que l’héritage nous légué par nos aïeux se consolide et vive à jamais ».
Sur les ruines héritées de la Deuxième République, des agressions et des rebellions successives qui, depuis 1998, avaient dangereusement menacé l’intégrité territoriale de notre grand et beau pays, désarticulé ses structures politiques et socio-économiques et plongé notre peuple dans une misère indescriptible, un État moderne, uni, démocratique et en pleine croissance économique émerge.
Des réformes institutionnelles importantes ont été et doivent encore être engagées dans tous les secteurs, afin d’assurer et d’améliorer davantage la gouvernance du pays. Au cours de la décennie 1990, le pays était plongé dans un véritable gouffre, en raison d’un marasme économique caractérisé par une dépréciation monétaire de plus de 90 %, un taux d’inflation à quatre chiffres qui, à un moment, a dépassé le seuil de 3 000 %, les déficits chroniques du compte général du Trésor, et la chute vertigineuse des recettes publiques au point d’en arriver à des prévisions budgétaires insignifiantes de 300 millions de dollars en 2001, c’est-à-dire au moment même où tout était à reconstruire, en priorité et en urgence.
Après avoir pacifié et réunifié le pays, JKK a proposé un programme économique indicatif et un programme financier intérimaire sans soutien extérieur, avec pour objectif, la stabilisation du cadre macroéconomique. Cela a permis de casser l’hyperinflation et d’assurer la stabilité du taux de change, de réduire le déficit du compte courant extérieur, de résorber les arriérés de la dette extérieure et d’amorcer les réformes de la première génération sortis d’un plan de reconstruction axé sur les Cinq Chantiers prioritaires à impact direct sur la relance de l’économie et le social des populations.
Des réformes structurelles volontaristes du secteur économique ont été engagées, conséquence de l’option de la libéralisation de l’économie, levée depuis l’an 2002, afin d’offrir l’opportunité au secteur privé de participer à l’effort du redressement national.
Ainsi, à la faveur des lois votées par les deux Chambres du Parlement, des secteurs comme ceux de l’électricité, des hydrocarbures, des mines, des télécommunications et récemment celui des assurances, ont été libéralisés parallèlement à la réforme des entreprises publiques.
De nombreux textes législatifs et réglementaires concourent également, aujourd’hui, à la promotion de la concurrence ainsi qu’à l’amélioration de la gouvernance et de la transparence, notamment dans le secteur forestier, minier et pétrolier.
Le nouveau Code des investissements et celui des marchés publics, la loi sur les tribunaux de commerce et les textes règlementaires mettant en place les différentes structures de régulation et de facilitation, telles que le Guichet unique du commerce extérieur et celui de la création d’entreprises, ainsi que l’ANAPI, ont pour vocation d’améliorer le climat des affaires, de stimuler l’investissement national et d’attirer les investissements étrangers.
La loi sur le crédit-bail, celle sur le régime des Zones économiques spéciales (ZES) ainsi que celle sur le partenariat public-privé permettront, par ailleurs, la mise en place d’un meilleur cadre de collaboration entre les investisseurs privés et l’État, dans la réalisation d’importants projets de développement.
Aujourd’hui, il y a lieu de se réjouir que toutes ces réformes auxquelles il faut ajouter le récent code minier et le nouveau dispositif fiscal et parafiscal qui a pour objectif la rationalisation de la collecte des ressources de l’État, et qui a abouti à la suppression des taxes, au niveau national et provincial, redondantes ou superflues, aient porté les fruits escomptés.
Quoiqu’encore insuffisant, au regard des légitimes ambitions du grand Congo, le budget de l’État en ressources propres, qui était de 25 millions de dollars en 1960, et de 581 millions de dollars en 1997, est remonté aujourd’hui à plus de 4,6 milliards de dollars, alors que les réserves internationales sont, elles, passées de 62 millions de dollars en1960, à 62,8 millions de dollars en 1997, avant d’atteindre un milliard 150 millions en 2018.
Cette heureuse perspective est consolidée par le redressement du solde brut d’opinions favorables des chefs d’entreprises passé à près de 18 % en mars de cette année, contre moins de 14 % en décembre 2017, a souligné JKK. L’inflation annuelle a été contenue à un niveau raisonnable de moins de10 %, tandis que le déficit budgétaire a été totalement résorbé grâce au redressement des recettes de l’État et à l’amélioration substantielle des réserves de change.
Beaucoup reste à faire
En dépit de ces résultats, il reste vrai qu’en termes de perspectives, les conditions sociales de nos populations demeurent globalement préoccupantes, en raison du seuil important de pauvreté, particulièrement en milieux ruraux et semi-urbains. Elles devront donc rester au centre de toutes les politiques publiques.
À cet effet, il semble urgent d’œuvrer, dès à présent, à la maîtrise du taux de croissance démographique en mettant en place une politique courageuse de planification familiale qui nous permettra, dans le moyen terme, d’accéder aux dividendes démographiques en vue d’une croissance intégrée de notre pays.
De même, les progrès incontestés dans le domaine de la scolarisation de nos enfants ne devraient pas occulter la nécessité de nouveaux investissements à faire en vue d’améliorer la qualité et l’efficacité du système éducatif. Il en est de même de la lutte contre le chômage des jeunes qui devrait se poursuivre à travers la formation professionnelle, de manière à stimuler l’esprit d’entrepreneuriat chez les jeunes.
Dans cette lutte, la loi sur la sous-traitance constitue avec le Fonds national de l’entreprenariat des jeunes qui va bientôt prendre corps, un complément nécessaire aux efforts en cours de placement menés par l’Office national de l’emploi.
Sur le plan économique, la pérennité de la croissance sera tributaire des engagements additionnels en matière de diversification de notre économie, à travers principalement la relance de l’agriculture, spécialement dans les filières des produits d’exportation à forte dose de valeur ajoutée et le développement de l’industrie, y compris touristique. Elle sera également fonction de la poursuite des réformes structurantes, notamment au plan fiscal, dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires et de l’environnement sécuritaire.