SUITE à l’implication personnelle d’Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale, le projet de loi autorisant la ratification par la République démocratique du Congo du Protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac a été inscrit au calendrier de la présente session de septembre en cours.
Pour rappel, le Protocole en question a été formellement adopté par la 5è conférence des Parties à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac (CCLAT) à Séoul, capitale de la Corée du Sud, le 12 novembre 2012. Il entrera en vigueur le 12 décembre prochain et a été ratifié jusqu’à présent par 40 États. Alors que jusqu’en juin dernier, la RDC était pourtant annoncée comme le 40è pays signataire, il s’est trouvé que le gouvernement n’avait à sa disposition aucun instrument juridique pour agir.
Hausse du taux d’imposition
Toutefois, comme pour se rattraper, depuis le 1er août, la RDC a porté de 40 à 60 % le taux d’imposition des produits du tabac, a fait savoir Joseph Kuburanwale, le directeur en charge des produits d’accises à la Direction générale des douanes et accises (DGDA). L’augmentation du taux d’imposition, explique-t-il, entre dans le cadre du nouveau code des accises.
Outre l’augmentation du taux d’imposition, le nouveau code d’accises prévoit également la possibilité d’imposer un droit d’accises spécial aux produits du tabac, la possibilité d’instaurer des signes fiscaux à apposer sur les paquets de 20 cigarettes ainsi que d’autres dispositions particulières pour réduire et décourager la consommation du tabac en RDC.
À juin 2017, les tabacs importés ont rapporté plus de 27.1 milliards de nos francs et la DGDA comptait porter à près du double ces réalisations en juin 2018 avec des prévisions de l’ordre de 44,2 milliards de francs. La douane espère tirer profit des importations de la cigarette électronique dès 2019. Curieusement, la révision à la hausse du taux d’imposition de la cigarette n’a guère entraîné une augmentation du produit sur le marché local.
Contrefaçon et contrebande
Selon l’OMS, 1 cigarette sur 10 vendues dans le monde est le fruit d’un commerce illicite. Selon un rapport du Sénat français, l’on estime que 6 % des achats en dehors des débits de tabac correspondent à de la contrebande et de la contrefaçon en France. Les fabricants de tabac sont les principaux bénéficiaires de ce commerce illicite du tabac, lorsqu’ils ne l’organisent pas eux-mêmes.
En RDC, depuis la délocalisation de l’usine de British American Tobacco (BAT), au Kenya, la cigarette compte parmi les produits les plus sujets à la contrebande. Selon l’OMS, pour l’essentiel, les cigarettes du commerce parallèle sont fabriquées dans les usines des cigarettiers.
Dans l’Est de la RDC, des cargaisons de cigarettes sujettes à caution passent par des voies douanières. Ce qui donne à penser qu’une certaine connivence existerait entre les agents de la DGDA et les trafiquants de cigarettes. « La santé publique et les finances publiques sont pénalisées par le commerce illicite des produits du tabac. Ce phénomène met à mal les efforts menés en matière de politique de lutte contre le tabagisme, et notamment les politiques fiscales car ces marchés parallèles proposent des cigarettes à moindre coût, ce qui les rend plus accessibles (…). La contrebande, la contrefaçon et la fabrication illégale sont responsables également d’un manque à gagner des recettes fiscales principalement destinées à financer une partie des coûts sanitaires et sociaux provoqués par le tabac », révèle l’OMS.
En vue de faciliter l’écoulement de la production locale, le gouvernement a opté d’exempter le tabac au marquage par des vignettes des produits d’accises. Aussi, les cigarettes vendues en duty free, c’est-à-dire hors taxe sont-elles exemptées du paiement des droits d’accises spécial sur les cigarettes perçues des services de la DGDA.
Il s’agit, en effet, des revendeurs à la sauvette ou ambulants qui sont exemptés de l’impôt sur le bénéfice et le profit forfaitaire de 30 000 FC, soit environ 20 dollars. Quelque 1 433 333 micros-entreprises dont de petits commerçants ambulants des produits de consommation courante, tels que cacahuètes, cigarettes portées en mains, ont, en effet, été recensés en RDC, selon la loi de finances publiques de 2017.
Taxation spécifique ou ad valorem?
Selon l’Alliance congolaise pour le contrôle de tabac (ACCT), la RDC applique une taxation ad valorem, c’est-à-dire une taxation basée sur la valeur déclarée des produits de tabac. « L’industrie du tabac peut déclarer n’importe quelle valeur de ce produit et, par conséquent, minorer le montant qu’il doit payer au gouvernement », a fait comprendre, dans une intervention à la presse, Dr Shamba, président de l’ACCT.
L’Alliance congolaise pour le contrôle de tabac a sollicité du Parlement le renforcement des mesures fiscales sur les produits du tabac par le vote d’une loi portant sur une taxation spécifique, c’est-à-dire « basée sur le paquet ou le volume du tabac produit ». Rien n’est venu. Sinon, la douane a fait que comprendre que « le droit d’accises sur l’industrie du tabac repose à la fois sur la taxation spécifique et la taxation ad valorem ». Ce que rejettent les associations de lutte contre le tabagisme.
La Direction générale des douanes et accises a réalisé, ces trois dernières années, des taux de perception de 500 % en moyenne, des droits d’accises sur les cigarettes et les allumettes fabriquées localement.