On lie à ce malheureux constat, la présence des sociétés multinationales surtout occidentales, en course depuis des décennies pour maintenir leur contrôle sur les régions minières et agricoles qu’elles exploitent à leur guise. Elles jouent au « garde-fous » des puissances néo-coloniales voulant garder ces réservoirs des matières premières nécessaires au développement de leurs industries en pleine mutation, dans leur juron souvent au grand dam des gouvernements africains forcés à se plier aux diktats des « faiseurs des rois » du monde !
Le sort de la RDC depuis les jongleries de la conférence de Berlin de 1885, est connu. Ce géant au cœur de l’Afrique est grâce aux prescrits de l’acte général de Berlin, un patrimoine commun de l’humanité, des puissances signataires de ce contrat. Ce postulat n’a pas changé depuis et l’indépendance du Congo de Patrice Emery LUMUMBA, n’a rien changé de la gloutonnerie des puissances occidentales, à maintenir leur hégémonie sur les richesses de notre pays !
(Lire à ce sujet mes conclusions dans « Congo-Kinshasa : Histoire d’une décolonisation-recolonisation, mais aussi les analyses pertinentes de la thèse de doctorat de BANZA Malale, G. « Les aspects juridiques dans les enjeux des crises congolaises. Des origines à nos jours ( 1869-2006 ), Kinshasa, PUC, 2011 » ).
Le Grand Nord regorge des richesses énormes qui font des territoires de Beni et de Lubero, de véritables greniers pour une bonne partie de la RDC et surtout, pour l’Afrique de l’Est.
C’est une zone hautement stratégique dans les Grands lacs, un scandale géologique tout simplement !
Des produits agricoles de rente comme le cacao, le café ou la papaïne, des produits miniers comme l’or et le niobium, le pétrole du lac Albert, de la vallée de la Ruzizi et même du parc national de Virunga, font jaser les multinationales occidentales en compétition permanente dans cet « eldorado africain », ce paradis terrestre où tout a été bien semé par la Divine Providence !
Les hésitations dans la définition des politiques adaptées à une exploitation rationnelle des richesses de la RDC toujours convoitée, expliqueraient en partie, les manœuvres des forces du mal à vouloir profiter des tergiversations de la classe politique congolaise, pour entretenir des foyers de tension et d’insécurité dans cette partie du pays afin d’y opérer en toute liberté !
Beaucoup d’opérateurs économiques et politiques locaux, sont cités dans différents rapports des Nations-Unies et des ONG internationales (Mapping reports ) comme auteurs intellectuels des crimes de guerre, des crimes économiques et comme partenaires intéressés des sociétés multinationales impliquées dans la montée de l’insécurité dans la région.
Loin de nous l’idée de reprendre le contenu de cette littérature sur l’implication des multinationales dans le drame que vivent les populations du Grand Nord. Nous voulons tout simplement partir de quelques cas, pour souligner combien l’exploitation des richesses du sol et du sous-congolais par des gens accrochés à l’esprit mercantiliste et impérialiste ayant prévalu lors de la signature de l’acte général de Berlin aux clauses non encore reportées à nos jours, demeure à la base de cette nouvelle « course au clocher », ce « steeple-chase » new look, en Afrique centrale !
Prenons au hasard, le cas de deux sociétés agro-industrielles, qui font parler d’elles en ces moments de guerre dans le Grand Nord :
a. ESCO-Kivu : Cette société a été créée le 30 juillet 1970 sous la dénomination « SCHICUTER CONGO ». Elle deviendra entre 1971 et 1977, « SCHICUTER- ZAÏRE, ESCO-ZAIRE » ( Edmond SHILTUTER & COAC ).
Ce dernier partenaire est une société des droits suisses dont le siège est à Zong. Elle détient à elle seule, la moitié des parts sociaux et c’est un autre partenaire non de moindre taille, Monsieur Philippe BETTS associé à sa femme et ayant une résidence permanente à Kampala en Ouganda, qui gère la filière de la culture de rente dans l’Est de la RDC où la société protège son monopole sur la commercialisation des produits agricoles et la promotion de la culture de cacao, de la vanille biologique afin d’en croitre la production et la revente à l’étranger. Elle achète aussi le café et la papaïne dans tout l’Est du Congo. Elle possède des usines de traitement de ces produits à Beni où elle étendu ses activités dans beaucoup de secteurs contrôlant aussi, leur commercialisation en Afrique de l’Est et dans les autres continents.
Cette société parraine beaucoup de planteurs locaux de café, de cacao et de papaïne. Elle joue ainsi, pour protéger ses affaires, le jeu des groupes armés locaux et étrangers. Elle est citée en exemple, comme « bienfaitrice et donatrice » aux côtés de pauvres paysans qu’elle n’a pas abandonnés en temps difficiles de guerre.
On estime à plus de 10.000 tonnes de cacao et 8.000 tonnes de café exportées par ESCO-Kivu via l’Afrique de l’Est entre 2016 et 2017 au plus fort des agitations politico-militaires dans le Nord-Kivu.
La société encadre plus de 200.000 planteurs locaux qu’elle finance et utilise 200 travailleurs dans ses usines montées pour traiter les produits vendus par les paysans.
Comme on le sait, le cacao du Kivu est cité comme étant au monde, celui qui détient les « saveurs de chocolat profond avec des nuances de noisette subtiles » !
L’on comprend donc pourquoi les chocolatiers mondiaux se pressent-ils à couvrir l’exploitation du cacao dans le Kivu, malgré l’insécurité imposée par les groupes armés, une situation hélas, qui ne fait pas fuir les capitaux occidentaux. Les multinationales ne gagneraient-elles pas dans pareils cas avec l’absence provoquée des services de l’État et les échanges commerciaux en croissance liés à l’entretien du trafic mafieux, le long des frontières poreuses de l’Est du Congo !
b. ENRA « Enzymes Raffiners Association » : C’est une société créée en 1969 par le Belge R. BOUDART, installé dans le Grand Nord où il s’intéressait à la promotion des cultures de rente. C’est lui qui a monté la première usine de traitement de la papaïne à Beni et qui a fait construire l’aéroport WAGHENI de ce territoire.
C’est cette société tombée dans les circuits de la « Zaïrianisation », qui tombera dans la suite, entre les mains de la fratrie BEMBA.
ENRA a survécu à toutes les crises du Grand Nord grâce à l’implication directe de ses dirigeants dans la gestion du pouvoir en RDC depuis 1972.
BEMBA SAOLONA Jeannot a été Président du Conseil d’administration de la société avant d’en devenir le principal propriétaire après les années 1980. Il va céder la gestion à son fils Jean-Pierre BEMBA GOMBO, ancré dans l’affairisme avec les enfants MOBUTU. Sa participation dans l’actualisation de la guerre d’agression aux côtés de l’armée ougandaise, était plus liée à la protection des investissements de la famille à travers ENRA qui a gardé intactes ses performances en matière de traitement du latex de la papaye, du café et de l’exploitation de l’or.
Les contacts avec les groupes armés ont été maintenus et étendus à l’élargissement des relations d’affaires avec quelques notables locaux et partenaires extérieurs plongés dans la magouille entourant le trafic maffieux des produits agricoles et miniers dans le Grand Nord !