LA DIRECTRICE financière du groupe chinois Huawei, arrêtée le 1er décembre dernier au Canada, a comparu le vendredi 7 décembre devant un tribunal de Vancouver pour une première audience consacrée à sa mise en liberté sous caution. Âgée de 46 ans, Meng Wanzhou, fille du fondateur du géant chinois des télécoms, a été interpellée à la demande des États-Unis qui réclament son extradition pour des motifs non révélés publiquement. Tout ce que l’on sait, son arrestation s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur un système frauduleux destiné à violer les sanctions américaines contre l’Iran. C’est ce qu’ont indiqué à Reuters des sources au fait des investigations.
Un choc sur les marchés
L’interpellation de Meng Wanzhou a provoqué la veille de sa comparution un choc sur les marchés financiers mondiaux et alimenté les craintes d’une relance de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. À Washington, on fait savoir que Donald Trump n’a pas été informé par avance de cette décision, afin de prévenir tout soupçon de provocation américaine alors que les présidents des deux pays s’étaient donné samedi 1er décembre, lors du sommet du G20, 90 jours pour parvenir à un accord commercial.
Peu de détails ont filtré du dossier réuni contre Meng, qui sera présenté devant la Cour suprême de Colombie-britannique. Le ministère canadien de la Justice n’a fait aucun commentaire et la directrice financière de Huawei a obtenu que les éléments ou documents présentés devant le tribunal soient interdits de publication par les médias.
Les procureurs du Crown Counsel de Vancouver devraient ont plaidé en faveur du maintien en détention de Meng Wanzhou en soulignant le risque qu’elle quitte le Canada. Elle pourrait également être remise en liberté mais non sans verser une caution de plusieurs millions de dollars et renoncer à son passeport.
Huawei hors course
Si Meng décide de contester son extradition, l’affaire pourrait s’éterniser. Des experts juridiques citent le cas de Lai Changxing, un homme d’affaires chinois qui avait pris la fuite au Canada après son implication dans une affaire de corruption et qui a lutté pendant douze ans contre son extradition vers la Chine. Si elle ne conteste pas, Meng pourrait être transférée aux États-Unis dans un délai de quelques semaines.
Le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont écarté cette année Huawei de leurs réseaux 5G. Quelques heures avant l’annonce d’Ottawa, l’opérateur de télécoms britannique BT a en effet révélé qu’il allait retirer les équipements du groupe chinois du cœur de ses réseaux 3G et 4G et ne les utilisera pas non plus sur les parties centrales de son réseau de téléphonie mobile 5G. Cet été, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, qui redoutent une éventuelle ingérence de la Chine dans leurs infrastructures de communications, avaient demandé aux opérateurs télécoms de pas utiliser les équipements de Huawei dans les nouveaux réseaux 5G. Comme on le voit, les États-Unis et leurs alliés ne lâchent pas Huawei. Ce coup de force de la justice américaine constitue un nouvel avatar pour Huawei. L’arrestation de la Meng Wanzhou qui est également la fille du fondateur de Huawei, a aussitôt provoqué l’ire de Pékin qui a demandé à Ottawa de « corriger immédiatement cette faute ». Les Five eyes (l’appellation désigne l’alliance des services de renseignement des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, Ndlr) coopèrent étroitement sur cette question de l’ingérence chinoise dans les télécoms, indique un expert français du secteur. « Depuis l’élection de Donald Trump, les États-Unis ont fait de ce sujet une priorité absolue. Ces cinq pays, menés par Washington, livrent une guerre commerciale et technologique à la Chine », explique-t-il. Symbole de cette lutte sans merci : les smartphones Huawei ont été en grande partie bannis des États-Unis en début d’année.