LA SOIRÉE organisée à l’Espace culturel Texaf Bilembo a débuté à 19 heures comme indiqué dans le carton d’invitation. TOTAL RDC SA a mis les petits plats dans les grands pour rendre l’événement agréable. Il s’est agi du vernissage d’une très belle exposition rendant hommage à un des fleurons de l’art congolais : la peinture populaire. Les organisateurs de l’exposition ont apporté un soin spécial à l’accrochage des œuvres et aux textes introductifs. Par exemple, une citation de Chéri Samba, à l’entrée, avertit du rôle essentiel des artistes : « Ce sont les artistes qui font le monde. Un monde sans artistes est impensable. On dit que les artistes sont des petits dieux. Les dirigeants doivent nous écouter parce que nous sommes les porte-parole du peuple. »
À 20 heures, Philippe Ebanga, le directeur général TOTAL RDC SA, a pris la parole pour son mot de circonstance. Il a souligné que « le dialogue des cultures et la valorisation du patrimoine constituent un des quatre axes d’engagement de Total Fundation, à travers laquelle le Groupe s’engage depuis plus de 10 ans ». Et d’ajouter : « C’est dans cet esprit que le Groupe TOTAL, présent en RDC depuis plus de 30 ans, a choisi de soutenir les artistes contemporains congolais et notamment ceux qui ont 30 ans d’expérience. »
Puis, Philippe Ebanga a présenté aux invités le volume I d’une collection sur l’art contemporain. Un volume sponsorisé par Total. Cet ouvrage intitulé « La peinture populaire en héritage-Hommage de JP Mika aux Bula Matari » a vu le jour grâce au mécénat de TOTAL RDC SA. Il a été écrit par Chantal Tombu, la commissaire à l’exposition. Les photographies ont été réalisées par Alain Huart. Des reproductions d’œuvres de collections privées ou muséales s’ajoutent à celles de l’exposition et permettent d’appréhender le sujet dans son ensemble.
Les organisateurs, Texaf Bilembo et TOTAL, tiennent aujourd’hui à ce que les artistes présentés et les institutions culturelles emblématiques de Kinshasa bénéficient de cet ouvrage. C’est ainsi qu’il a été remis à titre symbolique et gracieux un lot de 50 livres, respectivement à Henri Kalama, le directeur général de l’Académie des Beaux-Arts (ABA) et à Yoka Lye Mudaba, le directeur général de l’Institut National des Arts (INA) pour enrichir les rayons de leurs bibliothèques.
La mission de la peinture populaire
La présentation de l’ouvrage et cette le vernissage de l’exposition est un « hommage rare et touchant » de JP Mika envers les doyens ou les pionniers de la peinture populaire. JP Mika, l’enfant de N’Djili devenu une star, remercie douze anciens, Douze Bula Matari qui, de près ou de loin, l’ont encadré et lui ont permis de devenir célèbre. Il s’agit de : Alain Boduka, Ange Kumbi, Chéri Benga, Chéri Cherin, Chéri Samba, Moke, Mfumu’Eto 1er, Pierre Bodo, Shula, Sim Simaro, Maître Syms. Prenant la parole à leur tour, Chéri Benga, le président de l’Association des artistes populaires du Congo (AAPPO), et Sim Simaro ont salué et remercié le public pour son enthousiasme.
Un artiste populaire est défini comme celui qui s’inspire de ce qu’il voit autour de lui – et qui peut être compris du peuple. Intrinsèquement, la peinture populaire a pour mission de réunir les voisins de promiscuité, de faciliter les échanges d’opinions et d’éduquer ou de cristalliser les faits sociaux. Ce genre particulier – qui associe personnages, animaux, paysage urbain ou rural, écrit et iconographie – s’enracine dans une longue tradition narrative et artistique, entre conteur, dessinateur et coloriste.
Hier, l’artiste pratiquait un art codé, politico-religieux, et dont la lecture exhaustive se faisait par des initiés, au sein d’une communauté soudée. Son talent était reconnu de bouche à oreille, son art analysé comme message patrimonial et vivant. Aujourd’hui, l’artiste vedette, prend un nom de scène, rassemble autour de lui une cour. Son œuvre a pour objectif de communiquer avec tout le public. Il est introduit dans le cercle de ses pairs, et intronisé par ceux-ci.
Des thématiques qui ont du sens
Est-ce si différent ? L’art demeure un langage qui rassemble, l’homme reste au centre de la narration et prête aisément son langage aux animaux. La copie banale du réel n’est en aucun cas la norme des artistes populaires : humour, imagination, narration, leçon de morale, créativité et sens de la couleur … débrident les toiles pour notre plus grand plaisir.
Miroir de société, la publicité et la peinture populaire mettent en exergue, avec texte et images, les failles du système culturel : le matérialisme ostentatoire, la glorification du narcissisme, l’éclatement des tabous sexuels et de la moralité, l’exploitation des préjugés et de l’obscurantisme, le gouffre entre les très riches et les miséreux ; la jeep rutilante qui côtoie insolemment le combi « esprit de mort » défoncé … autant de contrastes décapants qui s’invitent sur les toiles, exposées au vu de tous, dans la parcelle ou sur le trottoir.
À ces thématiques critiques s’ajoutent des sujets classiques issus de contes et légendes rurales : Mami Wata, représentations traditionnelles de l’au-delà bantu, métamorphoses diaboliques… Les thèmes historiques – abus, troubles, transition, mémoire de temps de violence et d’occupation par la force -… abondent. Bals et carnavals animaliers interprètent des situations humaines et mettent en exergue le ridicule, l’obscène et la vanité. Des anecdotes – jalousie, vol, tromperie, violences scolaires… permettent à la sagesse populaire de réconcilier autour de la toile les citoyens lambda et de moraliser ensemble.
« J’aime que l’on prenne le temps de regarder, de contempler une œuvre. Il faut parfois du temps pour rentrer dans un tableau. Les gens ne doivent pas se presser. Ils doivent pouvoir rester longtemps devant une œuvre et la présence du texte est aussi un moyen de les inciter à s’arrêter sur la toile. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront percevoir les différents niveaux de lecture qu’elle propose. », déclare Chéri Samba.