LES ANALYSTES de Commerzbank pensent que la demande d’or, en tant qu’investissement alternatif attractif et en tant que valeur refuge, devrait être bonne, notamment du fait de nombreux risques politiques. Est-ce cela suffit à justifier la boulimie des Banques centrales pour le métal jaune ? L’appétit des Banques centrales pour l’or a grimpé à son plus haut niveau en cinquante ans en 2018, dopant la demande mondiale de métal jaune sur fond de risques politiques et économiques, a rapporté jeudi 14 février le Conseil mondial de l’or (CMO). Au quatrième trimestre, la demande totale d’or (investisseurs professionnels, particuliers et Banques centrales) a atteint 1 281,5 tonnes, en hausse de 16 % par rapport à la même période en 2017, selon le rapport publié par le CMO.
Sur l’ensemble de l’année, la demande a monté de 4 % à 4 345,1 tonnes, tirée par celle des Banques centrales (+74 % à 651,5 tonnes). Ce niveau est « le plus élevé depuis la dissolution des accords de Bretton Woods », qui rattachait le cours des monnaies aux réserves d’or des Banques centrales, souligne le CMO. Cette demande exceptionnelle s’explique par un souci de détachement du dollar des Banques centrales en Russie, en Turquie ou au Kazakhstan, mais aussi par l’intérêt des banques de Hongrie, de Pologne ou d’Irak.
Du côté des investisseurs, au quatrième trimestre, « les thématiques d’investissement ont changé », a commenté John Mulligan, un des responsables du CMO interrogé par l’AFP. La demande des ETF, ces fonds indiciels adossés à l’or qui sont utilisés par les investisseurs professionnels, a grimpé de 246 % au quatrième trimestre par rapport à l’année précédente, et représente l’équivalent de 112,4 tonnes.
Économie mondiale fragile
Au début de l’année, les investisseurs avaient au contraire délaissé le métal jaune et sur l’ensemble de l’année, la demande de ce type de produits financiers reste négative (-67 % à 68,9 tonnes). « Les investisseurs réalisent que l’économie mondiale est fragile », ce qui les pousse à se rabattre sur l’or, valeur refuge, a commenté Mulligan.
Hors marchés financiers, les investisseurs particuliers, qui achètent des pièces ou des lingots, ont divergé selon les pays. « Un cas extrême de marché sous stress serait l’Iran », où la demande de ce type d’or a grimpé de 208 % entre le quatrième trimestre 2017 et le quatrième trimestre 2018, pour s’établir à 16,2 tonnes. Au Royaume-Uni, les incertitudes entourant le Brexit ont fait croître la demande de 36 % à 3,2 tonnes au quatrième trimestre. Des montants importants mais qui ne pèsent pas lourd en comparaison des 70,9 tonnes achetées en Chine (+3 %), alors que l’incertitude sur l’économie secouait le premier acheteur mondial. À travers le monde, la demande d’or en barre et en pièces a grimpé de 8 % à 280,9 tonnes au quatrième trimestre (+4 % à 1 090,2 tonnes pour 2018).
« L’envers de cette incertitude, c’est que la bijouterie se porte mal », a reconnu Mulligan. La demande des bijoutiers a ainsi fléchi de 3 % en Chine à 174,8 tonnes, tandis qu’en Inde, premier acheteur mondial d’or en bijoux, elle a reculé de 1 % à 180,1 tonnes. « Des difficultés économiques, des monnaies faibles et des changements de taxation ont affecté la Turquie et le Moyen-Orient », remarque également le CMO. Dans cette région, la demande a reculé de 16 % au quatrième trimestre à 41,6 tonnes, dont une baisse de 32 % à 7,6 tonnes pour la Turquie. La demande mondiale de bijouterie a reculé de 3 % à 636,2 tonnes au quatrième trimestre, et reste stable à 2 200 tonnes sur l’ensemble de l’année.