AVANT MÊME la convocation, fin février, par Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre sortant, d’un tripartite gouvernement, direction générale et banc syndical de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), les milieux syndicaux de l’ex-ONATRA ne misaient plus que sur un contrat de relance du trafic ferroviaire entre Matadi et Kinshasa que la direction générale avait conclu avec la société African Rolling Stock Solutions/RDC. Pour la mouvance syndicale, avec la relance du chemin de fer Matadi-Kinshasa, l’ex-ONATRA aura pour principaux clients les cimentiers du Kongo-Central, dont PCC Barnett, CIMKO et CILU qui se relance, ainsi que seize autres cimenteries en pipe-line. Voilà qui résoudrait les principales préoccupations relevées par le 1ER Ministre et soumises au tripartite, à savoir le paiement des arriérés des salaires, la gestion de la redevance logistique terrestre (RLT), les créances dues à la SCTP par l’État congolais, les Lignes maritimes congolaises (LMC) ainsi que par les Forces armées de la RDC (FARDC), la situation patrimoniale de la SCTP hypothéquée par une banque de la place et la relance du chemin de fer Matadi-Kinshasa. Mi-décembre 2017, la SCTP représentée par son DG, Daniel Mukoko Samba, et sa PCA, Vicky Katumwa Mukalay, d’une part, et African Rolling Stock Solutions/RDC, ARSS-RDC SA, représenté son DG, Trevor Peter Boynton, d’autre part, ont conclu un contrat ayant pour objet le partenariat d’exploitation du matériel ferroviaire, des équipements, des techniques et des financements nécessaires à la fourniture des services de transport par rail au profit des clients qui sollicitent de tels services, principalement ceux de l’industrie du ciment.
À cette fin, ARSS-RDC SA s’engage à mettre à la disposition de la SCTP, 7 locomotives de ligne d’une valeur unitaire de 2 160 000 dollars, soit 15 120 000 dollars au total, une locomotive de transfert d’une valeur de 1 320 000 dollars, 50 wagons conteneurs pour une valeur totale de 3 900 000 dollars et 100 conteneurs pour 1 188 000 dollars.
In globo, le coût du matériel convenu entre l’ex-ONATRA et ARSS-RDC SA est de 21 528 000 dollars hors taxes mais le coût du transport inclus. Toutefois, les deux parties se sont accordées sur le fait que la valeur du matériel ferroviaire sera déterminée en fonction du matériel effectivement livré. Une équipe de la SCTP SA devant, en effet, se rendre en Afrique du Sud, de la conformité du matériel ferroviaire avant toute expédition vers la RDC, et émet, pour ce faire, une attestation de vérification de conformité. Et la signature sans réserve de cette attestation de conformité est la condition obligée pour l’acheminement du matériel en question vers la RDC.
Selon l’accord, ARSS-RDC SA perçoit 80 % des recettes réalisées par l’exploitation du matériel roulant, en contrepartie de son soutien matériel, technique et financier (garanties bancaires, assurances, fonds de roulement) à la SCTP SA. En dépit d’une telle concession, le contrat n’a jamais été mis en exécution, voilà pratiquement 15 mois alors que le personnel de la SCTP accuse 20 mois d’arriérés des salaires.
Selon les milieux syndicaux, le contrat quoique déséquilibré porte tout de même un sacré coup à certains intérêts privés qui ont aligné une véritable flottille des camions-remorques sur la route de Matadi pour le ravitaillement de Kinshasa en ciments. Une étude aurait même démontré que le chemin de fer Matadi-Kinshasa accuserait, par endroits, des signaux de défectuosité, si bien qu’il ne saurait supporter à moyen terme le poids des ciments. Précédemment, il a pourtant été indiqué que le transport des ciments par route détruirait progressivement la route nationale RN1 dans son tronçon entre Matadi et Kinshasa. Juin 2018, Daniel Mukoko a mis fin au contrat d’assistance à la manutention conclu entre la SCTP et le groupe Bolloré, au motif que cette rupture permettra de récupérer plus de 2,2 millions de dollars [l’an, Ndlr] consacrés à la manutention de différents containers dans le port de Matadi. Depuis Matadi est loin de se relever.
Redevance logistique terrestre
Par ailleurs, en août 2018, après de laborieuses entrevues entre Vicky Katumwa la présidente du conseil d’administration de la SCTP, et Bruno Aubert Tshibala, le 1ER Ministre, la SCTP a reçu du gouvernement le gage d’utiliser 30 millions de dollars sur les recettes réalisées à travers la redevance logistique terrestre (RLT). Mais selon la mouvance syndicale, les recettes réalisées antérieurement ne seraient plus disponibles, par conséquent la SCTP devrait plutôt mobiliser les 30 millions de dollars à travers la RLT.
Mi-2015, lorsque l’ex-DG Jean Kimbembe Mazunga entrait en fonction, l’intersyndicale de la SCTP estimait les fonds issus de la RLT à environ 40 millions de dollars. La redevance logistique terrestre a été établie par un arrêté interministériel en date du 1er septembre 2012 au profit exclusif de la Société commerciale des transports et des ports. Il est entré en vigueur en février 2013. La redevance s’effectue au guichet unique en raison de 140 dollars par conteneur de 20 pieds à l’import et 85 dollars à l’export. Mais le gouvernement va unilatéralement la réorienter vers certaines banques privées. On en est resté là. Selon des sources dignes de foi, une commission bipartite entre les délégués du gouvernement actionnaire unique de l’entreprise et ceux de la SCTP devrait être mise en place pour établir une feuille de route qui permettra de trouver des solutions adéquates aux différents problèmes que connaît l’ex-ONATRA. La mouvance syndicale de la SCTP s’était, toutefois, opposée à tout rapprochement avec le groupe français Bolloré, redoutant qu’il ne préjudiciât les intérêts de ports de Boma et de Matadi au profit de Pointe-Noire que Bolloré gère déjà comme une entité portuaire autonome. Bolloré envisageait également de reprendre comme entité à part entière le chemin de fer Matadi-Kinshasa. Refus catégorique de la direction générale et du bureau syndical. Les deux parties sont aujourd’hui en conflit. En tout état de cause, José Makila Sumanda, l’alors vice-1ER Ministre et ministre des Transports et des Voies de communication, a toujours été d’avis que « faire renaître le train sur la section Kinshasa-Matadi est indispensable pour la survie de la SCTP et pour le redressement de l’économie nationale ». Et d’ajouter qu’« il est anormal que la voie routière s’arroge 99 % de la part du marché sur ce tronçon alors qu’il existe un autre mode de transport plus efficace et plus rentable ».
Ces derniers mois, il a exhorté le personnel de la SCTP à privilégier la voie de dialogue pour toute revendication. « La reprise du trafic ferroviaire doit constituer un motif de fierté pour chaque agent. Il n’est pas question de détruire, nous même notre propre ouvrage pour quelque raison que ce soit », dixit Makila. Impayés depuis plusieurs mois, les travailleurs de la SCTP/Kongo-Central venaient, en effet, d’observer plusieurs jours d’arrêt de travail, courant juin 2018.
Daniel Mukoko Samba a, toutefois, rassuré que les comptes de l’entreprise se redressent et que les recettes mensuelles de la société titillent les 4 millions de dollars. Hélas, ces assurances ne se traduisent guère en termes de paie. Et de l’avis des experts, la SCTP reprendrait son embonpoint financier d’antan à travers sa voie ferrée qui devrait évacuer sur Kinshasa la production de 16 cimenteries en cours d’implantation dans le Kongo-Central, notamment sur l’axe Songololo- Matadi-Kasangulu traversé par le chemin de fer de la SCTP.
En 2017, quelque 2,2 millions de tonnes de ciment ont été produites par les deux nouvelles entreprises entrées en production, PPC Barnet et Cimenterie Kongo (CIMKO). La SCTP a effectivement transporté une partie de cette production vers Kinshasa mais la quantité exacte n’a été communiquée par le département des chemins de fer de l’entreprise. L’ancien DG, Kimbembe Mazunga, avait fait part d’un protocole d’accords convenu avec les cimentiers du Kongo-Central pour le transport de leurs productions.