C’EST SON premier voyage aux États-Unis, voire en Occident, donc hors de l’Afrique depuis son investiture à la magistrature suprême. L’Amérique, première puissance politique, économique et militaire au monde, est considérée comme une « terre d’espérance et de dynamisme ». Le rêve américain fascine encore les jeunes : « On se réveille le matin pauvre et on se couche milliardaire le soir ». La réussite du secteur privé américain hante aussi les esprits de jeunes entrepreneurs congolais.
Fatshi tient là l’occasion de respirer une bouffée d’air frais, loin des critiques d’une opinion nationale qu’il doit, décidément, convaincre et avec laquelle arriver à communier. Ses propos récemment à Kigali, tenus lors d’Africa CEO Forum, ont suscité admiration. « Notre mission est de construire des ponts et non des murs », a déclaré le président congolais. « Le président Tshisekedi a fait un pas en avant à travers des promesses et des expressions envers son peuple et la région. Nous devons d’abord le croire comme point de départ. Il faut le croire et lui tendre une main de coopération », a dit pour sa part le président rwandais.
Inga dans la mire
Sur la scène de l’Africa CEO Forum, les deux présidents ont affiché une compréhension mutuelle et une volonté commune d’avancer, notamment sur les problématiques sécuritaires. « Nos peuples sont déjà en avance sur nous, dans leur compréhension de l’intégration [africaine]. Ce sont les décideurs qui doivent comprendre désormais comment éliminer les conflits et faire fonctionner l’intégration régionale », a lancé Paul Kagame. « Nos pays resteront voisins pour toute la vie (…), se faire la guerre est donc une perte de temps », lui a répondu Félix Tshisekedi. « Évidemment les conflits minent sérieusement le développement. Avant de parler d’une partie de son plan stratégique de relance de l’économie de la RDC : « Nous avons dans le développement de l’énergie avec le barrage d’Inga une possibilité de distribuer de l’énergie à toute l’Afrique. »
Mais si la polémique politique ne tarit pas au pays, elle est loin d’avoir entamé l’enthousiasme en Occident, à commencer par les États-Unis. D’où l’intérêt que suscite le voyage de Fatshi. Depuis 60 ans quasiment, la RDC a tout perdu, jusqu’à sa dignité comme nation, comme peuple. Tout, sauf rien, permet de l’affirmer. Aujourd’hui, tout est priorité. Gangrenée par la corruption, désemparée devant une jeunesse nombreuse, sans emploi et en mal de repères, la société congolaise aspire à un retour aux valeurs structurantes pour son développement.
La pauvreté faisant le lit de la corruption dans le pays, Fatshi a décidé de s’attaquer à ses causes. En pointant la responsabilité des gouvernants locaux, des puissances étrangères et des multinationales qui pillent les ressources naturelles et portent atteinte à l’environnement. Dans leur quotidien, les Congolais semblent en effet essentiellement préoccupés par la « soif de pouvoir ». Elle exprime le « mépris d’une bonne gouvernance, manipule les différences politiques, ethniques, tribales et religieuses, et installe la culture du guerrier comme héros. Les hommes politiques congolais ont perdu le sens des principes démocratiques et ont élaboré des politiques clientélistes ethnocentristes, violant sans états d’âme les droits de l’homme. L’égoïsme a alimenté la corruption et poussé au détournement de richesses destinées au peuple tout entier. Tout cela doit finir.
C’est le message qu’apporte Fatshi aux Américains qui semblent avoir grandement ouvert les yeux pour voir ce qui se passera désormais au Congo et dans la région des Grands lacs. Cette visite à Washington n’aura pas été finalement un voyage pour rien.