L’ANGLE d’attaque du conseil d’administration de Gécamines est clairement tracé : la transformation de l’entreprise. Cette stratégie passe par la recherche des relations plus équilibrées avec ses partenaires industriels. Sur ce chapitre, les renégociations ont abouti dans les joint-ventures (JV) KCC et Boss Mining. Entretemps, Gécamines travaille avec les autres partenaires pour trouver des solutions pérennes et satisfaisantes pour toutes les parties.
Partenariats industriels innovants
Dans l’imposant bâtiment des 5 étages, pimpant neuf, qui abrite la direction générale de la société à Lubumbashi, chef-lieu de la province du Haut-Katanga, on tient à peu près le même langage : aucun de ces partenariats n’avait produit les effets escomptés, pour la simple raison que Gécamines n’avait jamais été en capacité de suivre et de peser autrement que formellement sur ses JV. Par conséquent, « la société a dû subir le dépassement des investissements, des charges opérationnelles, des charges financières tellement importantes qu’elles lui privaient à tout jamais de chance de percevoir des dividendes », laisse entendre Jacques Kamenga Tshimuanga, le directeur général de Gécamines. « Ce que nous demandons à nos partenaires aujourd’hui, poursuit-il, n’est donc que le strict minimum, celui de pouvoir être acteur dans nos partenariats et ne pas se contenter d’être des sortes de passagers clandestins de l’exploitation de nos propres richesses. » Cette volonté de rééquilibrage, souligne Jacques Kamenga, passe également par le développement des partenariats industriels innovants, dont les modalités effacent les travers des JV traditionnelles. C’est le cas du projet BOT (Build Operate Transfer) conclu en avril 2017 avec la firme CNMC sur le gisement de Deziwa à Kolwezi, chef-lieu de la province du Lualaba. C’est aussi le cas du premier projet de partage de production minier en République démocratique du Congo basé sur les gisements de Kingamyambo et Kilamusembo, toujours à Kolwezi, conclu en décembre 2018 avec la société HKEMI.
Comme dernière brique de cette stratégie de transformation de la société, le conseil d’administration mise sur « la reconstruction d’une Gécamines organisée comme une entreprise moderne pour faire face aux défis de son temps ». Les mots sont du directeur général. « Désormais, aucun leurre n’est plus permis. Si la nouvelle capacité installée permet d’atteindre les objectifs de production, ceux-ci ne pourront être réalisés durablement, et de manière rentable, que dans le cadre d’une structure organisationnelle moderne à l’instar des concurrents », explique-t-il. Comme on peut l’imaginer, Gécamines a entamé sa mue : du dinosaure qu’elle a été vers une société moderne adaptée à son environnement, dotée de meilleurs outils opérationnels, économiques et financiers pour atteindre ses objectifs.
Un vent nouveau à la GCM
Gécamines a ainsi amorcé, depuis décembre 2017, une profonde transformation structurelle, en engageant la modernisation de ses processus de gestion et de production, pour gagner en efficacité opérationnelle et efficience économique ainsi que pour faire face à la concurrence internationale.
« Les effets de ce processus de transformation qui est axé sur l’autonomisation des unités de production dont la Business Unit de Shituru, la responsabilisation de tous les acteurs et la simplification des processus de décision, pour faire de Gécamines une entreprise plus réactive et mieux adaptée à son environnement, seront pleinement perceptibles à tous les niveaux de l’entreprise à la fin de l’année 2019 », confie Jacques Kamenga.
Les premiers signes de cette politique sont là : le rajeunissement du management. Tenez : Gaëtan Luabeya, le nouveau directeur des projets, et Ludovic Monga (dont le grand-père et le père ont travaillé à Gécamines), le nouveau directeur de la géologie (élevée au rang de de département), tous deux la trentaine dépassée, sont le parfait exemple du rajeunissement du personnel. Sans oublier Désiré Mbay Mukoj, le nouveau directeur de la Business Unit de Shituru, la quarantaine révolue. Ils ne sont pas les seuls et le mouvement de rajeunissement du personnel va se poursuivre, rassure le DG de Gécamines. Qui fait savoir par ailleurs que des échelons hiérarchiques ou des directions rendues inutiles pour les besoins d’une entreprise en construction ont été supprimés.
On a reproché notamment au conseil d’administration d’avoir supprimé la direction technique au profit des Business Unit (Shituru et Kolwezi) ainsi qu’au profit des directions de la géologie et des projets. « La direction technique était une structure lourde dans son fonctionnement pour la production. Quand on devait remplacer un boulon à Shituru (Likasi), il fallait l’autorisation de la direction des approvisionnements à Lubumbashi. Une centaine de signatures étaient nécessaires pour un boulon de 10 dollars en vente dans les magasins à Likasi », dénonce Jacques Kamenga. C’est l’ancien système, dit-il, à l’époque où Gécamines avait des stocks stratégiques en pièces de rechange d’au moins 6 mois. Du temps de l’UMHK, avec un chiffre d’affaires autour de 10-20 milliards de dollars, l’entreprise pouvait se permettre des stocks d’acide et autres intrants stratégiques pour une année. Il est révolu, ce temps-là, laisse-t-il entendre. Il faut tourner la page.
En définitive, avec cette stratégie de remise à niveau intégrale, il y a comme un vent nouveau qui souffle sur l’entreprise. « Ces jeunes honorés représentent le nouveau visage de Gécamines », nous confie un cadre expatrié de la société. Des agents qui sont partis, regrettent. Ils cherchent à rentrer au bercail. Mais cette stratégie de transformation structurelle, comme nous allons le voir à travers le Plan social, ne fait pas que des heureux. Le conseil d’administration fait face à des critiques, des injures et des actions de sabotage. Au pire, il est stigmatisé par les « nostalgiques » de l’époque où on disait « Gécamines ndjo baba, ndjo mama » (traduisez : Gécamines, c’est notre père, c’est notre mère ».