EN 1986, la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) a réalisé son record de production : environ 500 000 tonnes de cuivre, 15 000 tonnes de cobalt et 64 000 tonnes de zinc (lingots) pour un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 1 milliard de dollars. Aussitôt après, la production va piquer du nez. Une courbe descendante qui va s’accélérera dans les années 1990, suite à une conjonction de plusieurs événements, dont l’effondrement de la mine souterraine de Kamoto à Kolwezi et l’arrêt brutal des financements des bailleurs de fonds.
Pendant la période des vaches grasses, les effectifs de Gécamines avaient atteint le pic de 34 000 agents. La réalité est que la société qui produisait 400 à 500 tonnes de cuivre par an, n’employait plus que 12 000 agents actifs, 3 000 MOR (main-d’œuvre en régie) en 2010 suite justement à ce contexte défavorable. La masse salariale tournait autour de 10 millions de dollars pour le personnel actif. Sans compter la main-d’œuvre formée par les enseignants vacataires et les autres catégories qui étaient dans les entreprises sous-traitantes.
Par ailleurs, le chiffre d’affaires mensuel de l’entreprise était tombé à environ 7 millions de dollars, tandis que les besoins mensuels en fonctionnement de l’entreprise étaient évalués à 25 millions de dollars. Les réserves approuvées étaient de l’ordre de 400 000 tonnes… Entretemps, le coût de production de la cathode de cuivre à Kolwezi était chiffré à 10-11 mille dollars la tonne. Le prix LME (London Metal Exchange) auquel Gécamines vendait son cuivre était de 4 mille dollars la tonne, moins la décote de qualité et de transport de l’ordre de 800 dollars. Soit 3 mille dollars, pour un coût de production évalué à 10 mille dollars.
Dépôt de bilan
La situation était devenue « catastrophique », car la société évoluait en dessous du seuil de rentabilité. Et en pareille situation, conseillent les économistes, il faut mettre la clé sous le paillasson. « Quand nous avons fermé les Usines de Kolwezi, Albert Yuma, le président du conseil d’administration, et moi-même étions la cible des injures et des menaces, voire de mort », se souvient Jacques Kamenga. Pas question de fermer, il faut continuer à produire en dépit de la conjoncture. La pression était forte car Gécamines était considérée comme la vache à lait, la mère nourricière pour nombre d’agents et de gens au Katanga.
Mais continuer à produire à 10 mille pour vendre à 3 mille dollars, c’était tout comme tuer l’entreprise. Devant une telle situation financière, que fallait-il faire ? « Il fallait être ce conseil d’administration pour accepter que Gécamines continuât à fonctionner encore », déclare Jacques Kamenga Tshimuanga, témoin de la situation car il est entré à Gécamines en 2007. « Sincèrement, n’eut été la force de frappe de ce conseil d’administration, Gécamines aurait déjà disparu. On ne produisait plus, on était obligé de frapper fort », confesse le DG de Gécamines, la main sur le cœur. « Il fallait donc une thérapeutique de choc, et les qualités ainsi que l’expérience d’Albert Yuma, sans vraiment être fanatique de lui, ont été d’un grand apport », nous dit-il.
La première décision a consisté en la mise en place d’un Plan social. Qui fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis qu’il est mis en œuvre. On en parle beaucoup à Lubumbashi et ailleurs. Un plan social du reste instrumentalisé par les détracteurs de l’actuel management de Gécamines. « Il fallait avoir un niveau du personnel compatible avec celui de l’activité. Ce qu’on ne dit pas, à Gécamines, il y avait un directeur âgé de 82 ans, la plupart des directeurs avaient plus de 70 ans. L’âge moyen était de 60 ans. On a donc mis en place ce Plan social et beaucoup de gens ont pris leur retraite et d’autres ont bénéficié d’une fin de carrière anticipée. Voilà la réalité », explique le DG de Gécamines.
À ce jour, 47 millions de dollars ont été dépensés dans le cadre de ce Plan social. D’abord, les effectifs ont été réduits de 12 000 agents à quelque 6 900, ce qui constitue une victoire extraordinaire pour le conseil d’administration de Gécamines. Il ne pouvait en être autrement, quand des partenaires, avec un niveau de production annuelle de 200 000 tonnes et un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars, n’emploient que 3 000 agents. C’est clair que Gécamines ne pouvait pas continuer à fonctionner avec un personnel pléthorique comme à l’époque de l’Union minière du Haut-Katanga avec 34 000 agents ou à l’époque où elle avait atteint des pics de 400 000 à 500 000 tonnes par an. Ce n’est plus le cas aujourd’hui où les autres sociétés minières sont entrées en concurrence.
Quant aux salaires dont on parle beaucoup. Les délégués syndicaux témoignent qu’il n’y a pas de salaires non payés ni d’autres sommes non dues par l’employeur. Au contraire, depuis 3 ans déjà, les salaires sont régulièrement versés parce que le Plan social a permis de réduire sensiblement le personnel de 12 000 à 7 000 agents maximum. En chiffres, la masse salariale est passée de 10 millions à 6.5 millions de dollars.
Les travailleurs de Gécamines sont aujourd’hui hyper motivés, conscients que si la production se reprend, les salaires et les autres avantages vont aller dans la même direction. Il ne faut pas non plus compter sur les recettes exceptionnelles. C’est la promesse du conseil d’administration. « Comme la production est en train de piquer, nous sommes un peu à l’aise pour continuer à payer les agents. Le conseil d’administration reste ouvert à la presse pour éviter les spéculations », rassure le DG de Gécamines.