LE GÉANT chinois des télécommunications projetterait de commercialiser son premier téléviseur 8K dès cette année. Avant lui, le sud-coréen Samsung avait lancé son premier modèle en octobre 2018. Quant à Sony (japonais) et LG (sud-coréen), ils s’apprêtent à faire de même en juin prochain. Mais Huawei se distinguerait en proposant une télévision 5G, d’après le site Nikkei Asian Review. Pourquoi prendre la peine de connecter l’appareil au réseau mobile ? Tout simplement parce que toutes les technologies ne sont pas capables aujourd’hui de diffuser des contenus en 8K. C’est notamment le cas de l’ADSL et de la TNT.
Pour rappel, la 8K correspond à une définition de 7 680 x 4 320. L’encodage d’un seul flux 8K nécessite un débit d’environ 100 Mbit/s avec 60 Hz de fréquence par image. Seuls la fibre optique, le satellite ou encore le câble sont aujourd’hui en capacité de diffuser de la 8K, expliquent des spécialistes. Or, tout le monde n’a pas accès à ces technologies. Mais en déployant de simples antennes mobiles 5G, il serait possible de réceptionner jusqu’à quarante chaînes 8K différentes avec un tuner spécifique, ajoutent-ils. Ce nouveau standard de téléphonie mobile apparaît donc comme une solution de secours pour ceux qui vont rester dépendants de l’ADSL ou de la TNT encore quelques années.
Pas besoin d’émettre
L’année dernière, Qualcomm avait dévoilé discrètement un prototype de clef 5G à brancher en HDMI sur un téléviseur. L’idée était de montrer comment la 5G pourrait permettre de diffuser des programmes 8K de façon linéaire, c’est-à-dire en direct. L’étape suivante était logiquement d’intégrer des chipsets 5G directement dans les téléviseurs, comme va probablement le faire Huawei si sa télévision 8K et 5G se confirme. « Les téléviseurs n’ont pas besoin d’émettre, inutile d’avoir une carte SIM. Un simple tuner suffit », a précisé Jean Varaldi, le directeur général de Qualcomm France. Pour lui, l’avenir de la télévision passe assurément par la 5G. « Techniquement, la 5G apparaît comme le système sans fil le plus efficace pour diffuser à terme de la télévision 8K ».
La 5G peut-elle remplacer la TNT ? À partir de là, le scénario le plus confortable serait celui d’un réseau mobile 5G dédié. Mais il nécessiterait des investissements conséquents. Un aspect qui fait hésiter les chaînes de télévision. « Nous avons intérêt à garder le plus longtemps possible la TNT pour des raisons de coûts. Il faut voir comment elle évolue et si elle parvient avec de nouveaux formats de compression à améliorer ses capacités. Mais nous sommes dubitatifs sur ses capacités à absorber la 8K », soupèse Bernard Fontaine, le directeur Innovations Technologiques de France Télévisions.
Le groupe audiovisuel planche donc sur le sujet de la 5G depuis 2014. L’année dernière, il s’est même servi du tournoi de tennis de Roland Garros comme terrain d’expérimentation et a diffusé des matchs en 8K et en différé. « Nous n’en sommes qu’au tout début. Certes, le 3GPP a prévu dans sa release 16 un volet broadcast mais il faut aller plus loin dans la normalisation et aborder les questions du multiplexage et de l’encodage. On doit aussi prouver avec des tests que la 5G peut assurer face à de forts pics d’audience en direct ». C’est l’objet du projet européen 5G-Xcast, soutenu par des acteurs comme Nokia, Samsung, la BBC, Ericsson, Sony ou LG.
Une démarche encouragée par l’UER, le regroupement des médias de service public, qui appelle de ses vœux une plateforme 5G ouverte et interopérable.
Disponibilité des fréquences
Reste l’épineux sujet de la disponibilité des fréquences. Dans le cas d’un réseau 5G dédié se poseront des problèmes de ressources en spectre et d’efficacité, soulignent des spécialistes. « Les bandes 3,5 GHz et 26 GHz sont trop élevées, les cellules sont trop petites pour avoir une couverture nationale. Il reste la bande basse 700 mais elle est réduite et utilisée par le réseau mobile 4G », fait observer Arnaud Lucaussy, le secrétaire général de TDF.
Une situation confirmée par l’Agence nationale française des fréquences (ANFR) sans toutefois fermer toutes les perspectives. La question se pose aujourd’hui de réattribuer à la 5G dans le futur la bande Ultra Haute Fréquence (comprise entre 300 MHz et 3GHz), aujourd’hui allouée à la TNT. « La 5G pourrait en effet faire de la diffusion unidirectionnelle et anonyme (sans abonnement) », souligne un porte-parole de l’ANFR.
En attendant, la solution serait de louer le réseau mobile 5G des opérateurs télécoms. Le « network slicing », qui revient à découper le réseau en tranches logicielles, permettrait de garantir un minimum de qualité de service même si le réseau mobile reste partagé. Ce qui n’empêchera pas le public de se connecter parallèlement en 5G pour regarder ponctuellement des programmes de type replay de façon délinéarisée sur ses terminaux mobiles.
Certes, la 5G apparaît pleine de promesses… mais elle doit encore apporter la preuve qu’elle peut relever le défi d’une diffusion linéaire de la télévision sur tout le territoire, en assurant une qualité de service irréprochable. Pour ces spécialistes, n’enterrons pas trop vite la TNT : ses défenseurs misent sur les Jeux olympiques de 2024 pour prouver sa capacité à évoluer et intégrer de nouveaux formats comme la 4K (Ultra HD).