SELON l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA), les opérateurs perdraient par ailleurs jusque 18 mois dans le déploiement de la 5G, la nouvelle génération de réseau de téléphonie mobile, s’ils ne pouvaient utiliser des équipements du géant des télécoms Huawei ou de son concurrent ZTE. En cause, la nécessité de remplacer un certain nombre d’équipements déjà installés sur les réseaux 3G et 4G, afin de s’assurer de leur bonne compatibilité avec les nouveaux équipements 5G.
Or, estime la GSMA, l’un des problèmes viendrait des capacités des concurrents non chinois de ZTE et Huawei, principalement le suédois Ericsson, le finlandais Nokia et le sud-coréen Samsung, à fournir les équipements supplémentaires nécessaires tout en continuant à assumer les contrats déjà signés en Asie ou en Amérique du Nord. Cette situation pourrait varier fortement d’un pays à l’autre et même d’un opérateur à l’autre, la part des équipements Huawei ou ZTE dans les équipements installés pouvant fortement fluctuer. Au total fin 2018, Huawei détenait 28 % des parts de marché sur les équipements réseaux en Europe, devant Nokia et Ericsson, tous deux autour de 25 % chacun, alors que ZTE contrôlait environ 10 % du marché.
Huawei est dans la tourmente depuis que l’administration Trump a interdit en mai aux entreprises américaines de vendre des équipements de pointe au groupe, qu’elle soupçonne d’espionnage au profit de Pékin. La décision américaine, qui doit entrer en vigueur dans un délai de trois mois, menace la survie de ce fleuron industriel chinois, très dépendant des puces électroniques américaines pour ses téléphones, estiment des experts.
Dix-huit mois d’avance
Dans la foulée, plusieurs entreprises ont pris leurs distances avec Huawei, notamment Google, dont le système Android équipe l’immense majorité des smartphones dans le monde. Mais de l’avis de plusieurs opérateurs européens, Huawei dispose de 12 à 18 mois d’avance dans le développement de la 5G face à ses concurrents, avec notamment une dépense de recherche et développement égale à celle cumulée, de Nokia et Ericsson.
Pour l’heure, les États européens n’ont pas pris de position formelle en faveur d’une interdiction, ou non, d’équipements Huawei dans les réseaux 5G même si certains opérateurs, tels que EE au Royaume-Uni, ont annoncé qu’ils se passeraient des équipements chinois.
Un éventuel bannissement en Europe des équipementiers télécoms chinois engendrerait un surcoût de l’ordre de 55 milliards d’euros à la charge des opérateurs télécoms européens pour déployer la 5G, selon les résultats d’une étude conduite par le groupement industriel de la GSMA.
Pour rappel, le chinois Huawei a été placé le 16 mai sur une liste noire aux États-Unis, l’empêchant de se fournir auprès d’industriels américains. Une décision qui a entraîné la défection de certains de ses fournisseurs et perturbé l’ensemble du secteur technologique. Si l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont décidé de l’exclure de leurs réseaux mobiles de cinquième génération, en cours de déploiement, les pays européens avancent pour l’heure en ordre dispersé.
La GSMA qui rassemble près de 750 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile dans le monde, a récemment conduit une étude en vue d’évaluer l’impact pour les opérateurs européens, dont Huawei est un important fournisseur, d’éventuelles restrictions concernant leur approvisionnement auprès des équipementiers chinois. « L’exclusion d’équipementiers chinois pour les réseaux 5G aurait de vastes conséquences pour le déploiement de la 5G en Europe et pour la réalisation des bienfaits économiques plus larges associés à cette technologie pour les citoyens et les entreprises en Europe », peut-on lire dans cette étude.
Les effets de la restriction
Elle montre qu’une telle mesure engendrerait des surcoûts de l’ordre de 55 milliards d’euros pour les opérateurs télécoms de la région qui se préparent à déployer la dernière génération de téléphonie mobile sur le continent. Elle se traduirait en outre par un retard moyen d’au moins 18 mois par rapport au calendrier initial dans le déploiement de la dernière génération de téléphonie mobile, qui doit permettre de nouveaux usages dans des domaines importants tels que la santé connectée, les véhicules connectés ou encore la ville « intelligente ». Ce retard serait lié pour partie aux difficultés que pourraient rencontrer les autres équipementiers – Ericsson, Nokia et Samsung – pour répondre à l’ensemble de la demande. Il s’expliquerait aussi par le délai nécessaire à certains opérateurs pour assurer la transition vers de nouveaux équipements. « Un tel retard accentuerait l’écart dans le taux de pénétration de la 5G entre l’Union européenne et les États-Unis d’au moins 15 points de pourcentage d’ici 2025 », explique le rapport.
Les équipementiers chinois détiennent une part de marché de plus de 40 % en Europe, conforme à leur moyenne au niveau mondial, et bien plus élevée qu’aux États-Unis où Nokia et Ericsson concentrent 70 % des ventes, rappelle l’étude. Huawei, dont l’avance technologique est pointée par certains opérateurs, a investi à lui seul davantage en recherche et développement que Nokia et Ericsson réunis sur la période de 2012 à 2017, pointe la même étude.