Alors que la canicule fait rage en France et en Europe avec des températures atteignant les 45,9°C, que chaque jour des nouvelles effroyables annoncent la détérioration de l’état de santé de tout le vivant, que les militants pacifistes d’Extinction Rebellion sont expulsés le vendredi 28 juin du pont de Sully par la force et aspergés de gaz lacrymogène avant de nous rejoindre ; nous, militants de Youth for Climate et Fridays For Future, avons décidé d’occuper ce même jour la rue du Faubourg-Saint-Honoré, devant le palais de l’Elysée.
Pendant ce temps, Emmanuel Macron, présent au G20, continuait de mener, encore et toujours, une campagne de greenwashing. Appliquant une stratégie de «deux discours, deux mesures», le président de la République s’engageait à refuser de signer la déclaration officielle si celle-ci ne prenait pas en compte l’urgence climatique, mais continuait dans le même temps de mener une politique écocidaire (traité de libre-échange avec le Canada, traité de libre-échange avec le Mercosur et le Brésil de Bolsonaro, subventions aux énergies fossiles).
Etat d’urgence environnemental
Quant au ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, la réponse aux actions de ce 28 juin a consisté à nier l’existence de la liste de mesures concrètes réclamées par les militants : «Ces manifestants ne proposent rien pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.» Pourtant, nos revendications, clairement énoncées, contenaient un certain nombre de mesures à considérer, adressées au gouvernement qui n’agit pas à la hauteur de la situation gravissime.
Premièrement, Youth for Climate demande la mise en place de l’état d’urgence environnemental socialement juste, avec des mesures fortes prises immédiatement dans le but d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. L’arrêt immédiat et l’interdiction des financements et investissements publics ou privés des énergies fossiles nous semble nécessaire. Nous réclamons également la fermeture dès 2021 de toutes les centrales électriques carbonées. Enfin, nous demandons l’accessibilité géographique et financière pour tous des transports en commun pour qu’ils puissent remplacer de manière efficace la voiture et l’avion.
Deuxièmement, nous demandons la mise en place d’une taxe carbone qui soit socialement juste et non uniquement punitive pour les moins aisés, dans le but d’inciter fortement à limiter l’utilisation du carbone tout en mettant en lumière des alternatives (covoiturage, trains low cost, marche et vélo, etc.). Elle doit s’appliquer à tous les secteurs économiques, notamment au kérosène et au fioul.
Troisièmement, dans le cadre d’une lutte commune, Youth for Climate se joint aux revendications d’Extinction Rebellion suivantes : la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques actuelles et une communication honnête sur le sujet ; l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, à l’origine d’une extinction massive du monde vivant.
Quatrièmement, nous demandons l’interdiction de tous les projets écocidaires tels que les grands traités de libre-échange, ou encore d’innombrables projets comme celui de la mine de calcaire dans le parc régional du Vexin. Nous demandons en parallèle la mise en place de la Constitution écologique permettant de rendre anticonstitutionnelles ces mesures écocidaires.
Cinquièmement, au niveau européen, nous demandons tout d’abord le blocage des institutions européennes et internationales si aucune mesure pour le climat n’est prise, notamment en faisant usage du droit de véto.
Nous demandons également la mise en place du pacte finance-climat qui vise, pour l’Union Européenne, à s’engager fermement pour le financement de la transition écologique.
Énoncées plusieurs fois lors de notre occupation devant l’Élysée, voici les revendications que nous continuons de porter.
#Occupy4Climate, notre meilleure arme
Nous tenions également à dénoncer le peu de volonté de l’Elysée à répondre à ces revendications, en effet les seules réactions des représentants de la police parlant pour lui n’étaient pas celles demandées. Une proposition de rencontre non enregistrée a été faite et nous l’avons refusée. Refusée puisque ce genre de rencontre n’a jamais abouti aux changements que nous demandons avec ferveur, que le manque de transparence de l’Elysée ne reflétait qu’une volonté partielle de nous recevoir et que chacun et chacune d’entre nous, assis·e sur la route, avait le droit de connaître l’étendue de l’échange. De plus cette proposition ne faisait en aucun cas partie de nos revendications initiales.
Quant à la dernière proposition, il nous a été demandé de quitter cette rue pour partir sur la place de la République, nous souhaitions des réponses à nos revendications et non discuter entre nous dans un endroit quelconque, nous avons donc refusé. Evidemment dans ce contexte, l’utilisation de la violence pour nous déloger, bien que des mineurs soient présents, était possible.
Toutes les décisions ont été prises collectivement, sous forme d’Assemblée générale improvisée ; n’ont existé que des contacts avec la police qui allait transmettre les décisions et propositions des militants.
Par ailleurs, tous les médias et journalistes (même avec une carte presse) arrivés au cours de l’action ont été bloqués par la police (comme les ravitaillements). Cela n’a fait qu’affaiblir la portée de notre action et pose la question de la liberté de la presse en France. Seuls des ravitaillements en petites bouteilles d’eau en plastique nous ont été proposés par L’Elysée (alors que nous avions prévu gourdes et bidons).
Lorsque certains trouvent notre occupation inutile : Comment porter notre message aux « puissants » de ce monde ? L’#Occupy4Climate était notre meilleure arme.
Jeunesse consciente
Quoi qu’il en soit, nous sommes fiers d’être l’exemple d’une jeunesse consciente qui se bat pour ses idées. Une jeunesse qui est capable de tenir une occupation (acte de désobéissance civile) de 6h30, devant un des lieux les plus sécurisés de Paris en pleine canicule, mais qui arrive à lutter, s’écouter et débattre dans l’intelligence et la non-violence. Notons que la dernière occupation de ces lieux, en 2014, n’avait duré que vingt minutes. Nous nous félicitons donc de cet exploit peu égalé.
Les forces assurant la sécurité ayant reçu l’ordre de ne pas nous laisser occuper pendant la nuit, une tension a commencé à s’installer ; la peur de ce qui s’était passé plus tôt sur les ponts et la fatigue nous ont poussés à nous disperser au fur et à mesure, en fonction des capacités de chacun, puis totalement par les derniers activistes. Nous sommes satisfaits de la tournure pacifiste que l’action a su garder, nous aimerions prouver à tous que les jeunes peuvent faire ce genre d’action sans subir de violentes répressions.
Cette première grande action de désobéissance civile organisée par Youth For Climate était formée, pour la moitié, de jeunes participants déterminés qui n’en avaient jamais fait auparavant. Cette résolution de la part de la jeunesse, dont Emmanuel Macron félicitait, le 26 juin, la «pression» qu’elle met «à juste titre» pour obtenir des avancées écologiques, nous fait demander des réactions du gouvernement à nos réelles revendications. Des actes, pas des mots. Il faut s’attendre à une montée en puissance dans nos actions, la seule croissance pour laquelle nous sommes d’accord : celle de notre mobilisation. Nous allons continuer car l’avenir de tous est en danger, alors, jeunes ou moins jeunes, rejoignez-nous !