LES PETITES et moyennes entreprises (PME) représentent environ 80 % des entreprises en Afrique. C’est connu que, de façon générale, elles ont du mal à pénétrer les marchés étrangers plus avancés, mais sont bien placées pour tirer parti des destinations d’exportation régionales et peuvent utiliser les marchés régionaux comme tremplins pour se lancer sur les marchés étrangers ultérieurement.
Avec l’avènement de la zone de libre-échange continentale, les PME pourront alimenter en intrants les grandes entreprises régionales exportatrices. Par exemple, avant d’exporter des voitures à l’étranger, les grands constructeurs automobiles en Afrique du Sud s’approvisionnent en intrants dans le cadre du régime commercial préférentiel de l’Union douanière de l’Afrique australe, et achètent notamment le cuir des sièges au Botswana et les textiles au Lesotho.
De même, les femmes africaines pourront tirer parti de la ZLECAF. En effet, il ressort des études menées sur l’incidence de la ZLECAF au niveau des ménages que les effets sur les ménages dirigés par des hommes et sur ceux dirigés par des femmes seront globalement assez équilibrés, les résultats variant évidemment à divers degrés selon les pays.
Les femmes pourront toutefois profiter d’une amélioration en ce qui concerne les difficultés qu’elles rencontrent dans le commerce informel transfrontalier. Selon les estimations, les femmes constituent environ 70 % des personnes qui pratiquent le commerce informel transfrontalier en Afrique. Dans l’exercice de cette activité, elles sont particulièrement exposées au harcèlement, à la violence, à la confiscation de leurs marchandises et même à l’emprisonnement.
Grâce à la réduction des droits de douane résultant de la ZLECAF, les commerçantes informelles seront mieux à même d’exercer leurs activités par les voies officielles, lesquelles offrent plus de protection. Le système peut être davantage amélioré par la mise en place de régimes commerciaux simplifiés destinés aux petits commerçants, comme celui du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), qui prévoit une procédure de dédouanement simplifiée ainsi que des droits de douane réduits. Cette procédure simplifiée et la réduction des droits de douane aident particulièrement les petits commerçants.
Pas de traitement de faveur
Autre préoccupation : l’Afrique comprend un éventail de pays, allant des grands pays plus développés aux petits pays moins développés. Comment peut-on s’assurer que la ZLECAF offrira des avantages à tous ces pays ? Certes, les pays africains ont des configurations économiques différentes et les effets de la ZLECAF se feront donc sentir de diverses manières. Mais les avantages de la zone de libre-échange continentale seront largement répandus. Comment ?
Alors que les pays africains relativement plus industrialisés sont bien placés pour tirer parti des opportunités qu’offrent les biens manufacturés, les pays moins industrialisés pourraient en tirer des avantages en s’intégrant dans les chaînes de valeur régionales. Ces dernières concernent les grandes entreprises qui s’approvisionnent auprès de petites industries à travers les frontières. La ZLECAF facilitera la création de chaînes de valeur régionales en réduisant les frais commerciaux et en promouvant l’investissement.
Par ailleurs, les pays agricoles peuvent profiter de la ZLECAF en répondant aux besoins croissants de l’Afrique en termes de sécurité alimentaire. Du fait de la nature périssable de nombreuses denrées agroalimentaires. Ceux-ci bénéficieraient plus particulièrement des améliorations des délais de dédouanement et de la logistique de la ZLECAF. La majorité des pays africains sont classés dans la catégorie des pays riches en ressources. Les droits de douane sur les matières premières étant déjà faibles, la ZLECAF ne peut donc pas faire grand-chose pour promouvoir davantage ces exportations.
Cependant, en baissant les droits de douane intra-africains sur les produits intermédiaires et les produits finis, elle créera des opportunités supplémentaires d’ajout de valeur pour les ressources naturelles et de diversification dans de nouveaux secteurs d’activité.
Les pays enclavés qui sont confrontés à des coûts de transport plus élevés et à des délais de transit imprévisibles, bénéficieront des avantages particuliers. Outre une réduction des droits de douane, la ZLECAF prévoit d’inclure des dispositions sur la facilitation des échanges, le transit et la coopération douanière.
Il sera néanmoins essentiel que la ZLECAF soit soutenue par des mesures et des politiques d’accompagnement. Les pays les moins industrialisés pourront bénéficier de la mise en œuvre du programme dans le cadre du développement industriel accéléré de l’Afrique. Des investissements nationaux dans l’éducation et la formation pourront garantir que les compétences complémentaires nécessaires soient acquises.
La mise en œuvre de la Vision africaine des mines peut venir en complément de la ZLECAF, en aidant les économies axées sur les ressources à diversifier stratégiquement leurs exportations vers d’autres marchés africains. Le Plan d’action de l’initiative de renforcement du commerce intra-africain (BIAT) est la principale mesure d’accompagnement de la ZLECAF. Il décrit les domaines dans lesquels des investissements sont nécessaires, comme l’information commerciale et l’accès à des financements, pour faire en sorte que les pays africains puissent tous bénéficier de la ZLECAF.
Échéance 2030
Comment la ZLECAF peut-elle contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ? Pour rappel, la ZLECAF est un projet phare de l’Agenda 2063 de l’UA. Approuvée par le sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, elle est considérée comme une initiative urgente dont la mise en œuvre immédiate génèrerait des résultats rapides, influerait sur le développement socioéconomique, donnerait plus de confiance aux Africains et renforcerait leur engagement et leur appropriation de l’Agenda 2063.
L’effet cumulatif de la ZLECAF sera de faciliter l’exécution du Programme 2030 des Nations Unies, et en particulier la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), des cibles visant à assurer le travail décent et la croissance économique (ODD 8), la promotion de l’industrie (ODD 9), la sécurité alimentaire (ODD 2) et l’accès abordable aux services de santé (ODD 3). En appuyant l’industrialisation et le développement économique de l’Afrique, la ZLECAF pourra aussi contribuer à réduire la dépendance du continent vis-à-vis des ressources extérieures. Cela permettrait à l’Afrique de mieux financer son propre développement, conformément à l’ODD 17.
Les points revêtant la plus haute importance sont cependant l’ODD 1, le respect de l’engagement à « ne laisser personne de côté » et celui de la promesse que « les plus défavorisés seront les premiers que nous nous efforcerons d’aider ». Pour cela, il est essentiel non seulement que tous les gouvernements africains mettent en œuvre les mesures d’accompagnement de la ZLECAF, comme le Plan d’action pour le renforcement du commerce intra-africain de l’UA, mais aussi que le secteur privé africain investisse dans les possibilités offertes par la ZLECAF et en tire parti.