JEUDI 11 juillet, dans la salle des fêtes de l’Élysée, le palais présidentiel en France, près de 400 personnes issues des diasporas africaines de France étaient attendues. Une rencontre voulue et organisée par Emmanuel Macron, le président français à l’occasion de la visite de Nana Akufo-Addo, le président du Ghana, à Paris. Le but de la rencontre était d’évoquer la relation entre la France et l’Afrique via un « dialogue interactif avec le public ».
Il était plus question de parler de positif, c’est-à-dire voir comment on peut faire avancer et évoluer les choses ; comment on peut nouer un partenariat, où les deux parties se regardent avec respect, avec des objectifs qui puissent être communs et qui puissent encourager cette jeunesse très volontaire sur le continent africain.
Parmi les invités à ce dialogue, quelques stars mais aussi des personnalités représentatives de « success story » franco-africaines. La plupart ont salué l’initiative de ce débat, car c’est la première fois que l’on donne réellement la parole à la diaspora africaine en France sur les projets qu’elle est en train de mener, sur la vision qu’elle a sur la société française de demain. C’était aussi l’occasion pour toute cette diaspora de se rencontrer. Aujourd’hui, force est de constater que tous les talents ne s’expriment pas, que les personnes talentueuses n’ont pas l’exposition et la place qu’elles méritent parce qu’il y en a énormément de jeunes africains ingénieurs issus de grandes écoles… Donc, il faudrait donner sa chance à tout le monde.
Donner une autre image
Le débat a consisté en un échange prévu pour durer deux heures, avec l’objectif de donner une autre image des relations entre la France et l’Afrique. Briser les tabous et tourner la page de la Françafrique. Emmanuel Macron a choisi de jouer la carte du parler vrai et de la proximité. Pour rappel, le président français avait voulu marquer les esprits à Ouagadougou au Burkina Faso, dès sa première visite en Afrique en prononçant un discours qu’il aussi fondateur. Il s’est également livré à un exercice de questions-réponses, assez inédit, avec des étudiants à l’université d’Ouagadougou. Cela lui a permis de mettre en scène sa vision des relations entre la France et l’Afrique, guidée par l’idée de donner la priorité à la société civile et à la jeunesse.
Le rendez-vous avec les représentants des diasporas à l’Élysée s’inscrit dans cette stratégie. Emmanuel Macron ne fait pas mystère de son intention de pouvoir avoir en France aussi, à l’attention des diasporas africaines, la même présentation et entamer un dialogue avec les personnes issues de pays africains qui ont la double nationalité ou qui sont installées depuis longtemps en France, qui entretiennent des liens avec leurs pays d’origine. Une manière pour lui d’aborder sans tabous toutes les difficultés qui existent, qui perdurent entre la France et les pays africains, mais également toutes les opportunités.
Dialoguer avec les diasporas africaines, c’est échanger avec ceux qui peuvent être des relais en Afrique et en même temps en France. Car l’enjeu pour Emmanuel Macron, c’est aussi de véhiculer auprès des Français une autre image des relations franco-africaines trop souvent restreintes, selon l’Élysée, aux questions de migrations et de sécurité.
Croissance durable
L’Afrique enregistre une croissance durable, les 3,5 millions de personnes que compte la diaspora africaine en France ont donc les yeux tournés de plus en plus vers le continent. Ils veulent prendre part à cette dynamique. Avec un pied ici et un pied là-bas, ils montent beaucoup de projets et d’initiatives entrepreneuriales. Ils envoient des fonds importants vers le pays d’origine. Mais quel est l’effet réel pour le développement du continent africain ?
Les Africains de la diaspora attendaient beaucoup de cette rencontre. Le président français travaille à faire évoluer la situation et quand il s’adresse au secteur privé, c’est pour savoir comment un nouveau cadre de coopération pourrait se mettre en place et quel rôle la diaspora pourrait y jouer. Les Africains attendent un renouveau des relations franco-africaines. Le rendez-vous de l’Élysée a été l’occasion de poser clairement les problématiques et de proposer les solutions déjà trouvées.
Ce que veulent les diasporas, c’est la réduction des frais pour les envois de fonds, la promotion des places financières africaines, l’émission par chaque État africain d’emprunts obligataires ou bons du Trésor à destination des diasporas africaines pour les financements des projets PPP (partenariat public-privé), la digitalisation du droit des affaires en Afrique pour sécuriser les investissements de la diaspora…
Il y a, aujourd’hui, de gros enjeux géopolitiques. L’Afrique est sollicitée de toutes parts : les Américains, les Asiatiques, les Européens, les Russes… Les acteurs économiques et financiers, les citoyens de base ne sont pas des décideurs publics, mais ne comptent pas laisser la politique politicienne à nos dirigeants. La société civile souhaite mettre en avant ce que les diasporas apportent.
Place au secteur privé
C’est une nouvelle forme de coopération qui est tournée vers le secteur privé. En d’autres termes, il s’agit d’établir un nouveau cadre de coopération d’égal à égal avec les acteurs qui font la vie économique.
Car, ce sont les citoyens qui subissent les décisions politiques d’où qu’elles viennent. En politique, on définit plutôt des cadres macroéconomiques pour, par exemple, l’éducation, le financement, la technologie, la culture… Quand on met en place un cadre, ce sont les acteurs du privé qui s’en saisissent. Ils ne peuvent pas agir dans un environnement qui n’est pas structuré.
C’est généralement le problème de l’Afrique. Les gens de la diaspora ne veulent pas aller investir chez eux parce qu’ils n’ont pas confiance. « La puissance régalienne peut résoudre ce type de problèmes et c’est ce qu’on attend de nos autorités. La diplomatie a ici tout son sens parce que ce n’est que par ce biais que nous pouvons provoquer les changements espérés », explique un jeune entrepreneur africain qui a réussi dans la pâtisserie. Une goutte de réussite dans un océan d’echecs.