LES TRAVAUX sont effectués, en sous-traitance, par des tierces entreprises exclusivement nationales. Mais l’opération « Branchement à 50 dollars » est loin d’être un franc-succès. De nombreux quartiers de la capitale font, en cette période de cette saison sèche, face à une baisse de pression d’eau. Ce que la REGIDESO désigne par « stress hydrique ». Le phénomène est constaté notamment à Limete/Salongo, Djelo, tous les Binza, Ngiri-Ngiri, Makala, etc. Ici, de nombreux foyers, de l’aveu même des agents de la REGIDESO, n’ont guère adhéré à l’idée d’un branchement à 50 dollars, soit 82 500 FC. D’autant plus qu’avec la même somme, l’on peut se procurer 500 bidons de 25 litres auprès des tiers. Toutefois, la REGIDESO SA a pu connecter un nombre considérable de maisons notamment dans les communes du centre de Kinshasa – Kinshasa, Barumbu, Lingwala… – où la vente au saucissonnage des parcelles a occasionné un véritable boom des constructions dans une atmosphère de promiscuité et de dépendance énergétique (eau et électricité). Cependant, la REGIDESO SA n’aurait guère atteint les objectifs aux échéances qu’elle s’est fixée. Elle aurait déjà décaissé près de 1.5 million de dollars pour se procurer des tuyaux, des robinets, des vannes ou encore des compteurs d’eau froide auprès des entreprises Gaylord et Premier. L’entreprise veut non seulement améliorer la qualité de la desserte mais surtout en finir avec le phénomène des raccordements frauduleux qui la privent de la moitié de ses recettes, soutient Clément Mubiayi Nkashama, le directeur général. La REGIDESO SA a créé une brigade spéciale pour dénicher tous les raccordements illicites à son réseau ainsi que les abonnés. À en croire le directeur général de cette entreprise publique, les raccordements frauduleux privent la société de la moitié des recettes de sa production et le non-paiement des factures par les abonnés ne permet pas à la société de gérer l’autre moitié de la production. La Régie de distribution d’eau a accusé, en 2018, un déficit d’environ 8,5 millions de dollars, selon Jean-Bosco Mwaka, le président de l’intersyndical de cette entreprise.
D’après le bureau syndical, le déficit chronique que connaît l’entreprise est notamment occasionné par l’insolvabilité de l’État congolais. L’entreprise poursuit, toutefois, des travaux d’installation de grandes conduites d’eau pour la desserte des quartiers périphériques de la capitale où la carence de l’eau est criante depuis des années. L’entreprise a, en effet, engagé des travaux de pose d’une nouvelle conduite de refoulement dite DN 900 FD reliant la station SP-HP-Ozone au réservoir de Météo, sur un linéaire de 4400 m. La REGIDESO change aussi sa conduite de refoulement DN 700 FD reliant SP-HP-Météo au réservoir de Djelo-Binza, sur un linéaire de 4950 m.
Autres travaux : pose de 82 km de conduites DN700 à DN400 FD et DE160 à DE315 PEHD pour le renforcement du réseau de distribution primaire et secondaire ; pose de 55 km de conduites DE63 à DE110 PEHD pour le réseau de distribution tertiaire dans les nouvelles zones de l’étage Ozone gravitaire ; et enfin, la réhabilitation du réseau existant par la fourniture et pose de 43 Km de conduite DN700 FD et DE63 à DE280 PEHD ainsi que de10 177 branchements et de 25 chambres de vannes.
L’État qui est toujours actionnaire unique de l’entreprise commerciale a conclu avec la REGIDESO deux contrats de performance à travers lesquels certains postes-clés de la société ont été confiés aux experts de la firme Eranove/Sénégalaise des eaux (SDE), tous des Ouest-Africains. Voilà plus de six ans que ça dure sans que la situation financière et managériale n’enregistre une considérable amélioration à en croire la mouvance syndicale de la REGIDESO.
Créances de 100 millions USD
Au 31 décembre 2017, l’État congolais devait à la REGIDESO SA quelque 103 milliards de FC, soit près de 100 millions de dollars cumulés depuis plusieurs années. Il s’agit ici des factures certifiées, approuvées et validées, précise-t-on à la REGIDESO SA. Il va sans dire que l’État et ses institutions publiques seraient aux premières loges des insolvables que la REGIDESO SA pourrait traduire en justice. Il sied de rappeler qu’à une certaine période les factures de consommation d’eau des institutions publiques étaient prises en charge par la Banque africaine de développement (BAD), dans l’espoir que l’État en profiterait pour redresser ses finances et honorer par la suite ses factures.
Il y a près de 3 ans, Ahmadou Moustapha Ndiaye, le représentant de la Banque mondiale en RDC, a déploré le manque de volonté politique pour redresser la REGIDESO SA. Pourtant, sur financement de la Banque mondiale, l’entreprise a entrepris non seulement de renforcer sa capacité de desserte en eau, dans un premier temps, dans 4 villes de la RDC (Kinshasa, Matadi, Lubumbashi et Kindu) à travers le projet PEMU (Projet eau en milieu urbain). Grâce à d’autres partenaires dont la Belgique et le PNUD, la Régie de distribution d’eau devrait acquérir, à court terme, pour plus de 7 millions de dollars (7 335 871,16 USD) près de 6 000 tonnes de sulfate d’alumine, 2 000 tonnes de chaux hydratée, de plus de 200 tonnes de d’hypochlorite de calcium. Mais de l’avis du bureau syndical, cette assistance extérieure n’est que cautère sur jambe de bois. La REGIDESO SA ne survit que des prêts qu’elle obtient auprès des banques commerciales. L’entreprise a en vain sollicité une avance sur les créances qu’elle détient sur l’État.
Nouvelle tarification
Nous avons besoin aujourd’hui d’au moins vingt millions de dollars. Même si l’État accepte de nous payer les vingt millions de dollars en quatre tranches, ça permet à l’entreprise d’abord d’honorer ses engagements vis-à-vis des banques, de penser à commander les produits chimiques pour la couverture de juillet 2017 à juin 2019, confie le syndicaliste Jean-Bosco Mwaka. La situation financière de l’entreprise a atteint un seuil critique à tel point que le conseil d’administration présidé par le MSR/MP Yoko Yakembe a sollicité et obtenu du gouvernement, courant janvier 2018, de revoir à la hausse son tarif moyen de 0.75 dollars à 0.89 dollars le m3, dans l’espoir de ramener la REGIDESO SA à un certain équilibre financier. En pratique, le m3 d’eau en RDC coûte désormais autant qu’au Sénégal ou au Burkina-Faso, des États aux ressources en eau plutôt limitées du fait de l’influence du climat sahélien. Selon des sources, le taux d’accès à l’eau dans la capitale est d’environ 35 %, 18 % à Matadi et 22 % à Lubumbashi. Côté distribution, la REGIDESO SA a un réseau primaire, secondaire et tertiaire confondus de 9 998 km, pour quelque 3 567 km de branchements. Quelque 103 unités de production de la REGIDESO SA exploitent l’eau souterraine, dont 43 forages et 30 sources. Vingt-huit centres utilisent l’énergie hydraulique produite par la Société nationale d’électricité (SNEL), 61 autres utilisent l’énergie thermique produite par les groupes électrogènes de la REGIDESO et 8 centres ont été dotés d’un système gravitaire.
La REGIDESO SA cherche une firme capable de lui doter d’un plan directeur d’alimentation en eau potable des villes de Boma et Kinshasa à l’horizon 2035. L’élaboration du plan directeur fait, en effet, partie intégrante du projet PEMU qui a bénéficié d’un financement additionnel de la Banque mondiale sous forme de don, il y a pratiquement deux ans. L’an dernier, au terme de la 29è session de l’assemblée générale qui a notamment regroupé les mandataires de l’État, les délégués des syndicats, les directeurs provinciaux à Kinshasa, la REGIDESO SA s’est dotée d’un business plan pour l’horizon 2020.